DVD : deux grands films de Richard Fleischer réédités
L'histoire : Trois gangsters débarquent à Bradenville, une petite ville de l’Arizona, pour y commettre un hold-up. Tout en se mêlant à la population, ils organisent et préparent leur coup, découvrant malgré eux les secrets et les péchés bien gardés de certains habitants au-dessus de tout soupçon…
Le film : Histoire d'un braquage, "Les Inconnus dans la ville" donne prétexte à Richard Fleischer à sortir du terrain balisé du film de casse, pour réaliser une étude de mœurs. Sans comparer le cinéaste à Balzac, il y a bien de cela dans ce film hors des sentiers battus.
En surface, tout va bien à Bradenville. La ville semble prospère, grâce à la mine toute proche qui donne du grain à moudre à la population, les habitants se connaissent dans la plus grande convivialité toute américaine, un barbecue n’attendant pas l’autre… Mais si l’on gratte un peu, l’on apprend qu’un cadre de la mine est renvoyé pour alcoolisme, suite au libertinage affiché de son épouse, un autre est bouleversé par le manque de reconnaissance de son fils, qu’une veuve respectable en mal d’argent a volé celui d’une lectrice de la bibliothèque et que le banquier de la ville est un voyeur convulsif, obnubilé par une de ses clientes…
Tout ce petit monde se dévoile aux yeux des trois malfrats qui préparent leur coup. Tous vont se retrouver dans la banque lors du casse qui, bien sûr, va mal tourner, avec des conséquences pour chacun liées à leurs turpitudes. La distribution est dominée par un Victor Mature à contre emploi dans un thriller, et un Lee Marvin brutal et impulsif, alors au début de sa carrière. Richard Fleischer fait de son côté un usage du format scope et de la couleur remarquable dans ses cadrages très agencés et ses splendides harmonies colorées. A (re)découvrir de toute urgence.
Bonus : Deux excellents compléments accompagnent le film. D’une part, un entretien d’une vingtaine de minutes avec William Friedkin, où le réalisateur de « L’Exorciste » explique pourquoi « Les Inconnus dans la ville » constitue le meilleur film de braquage à ses yeux. D’autre part, Nicolas Saada (réalisateur et scénariste) décortique pendant presque une demi-heure l’étrange et unique amalgame que constitue le film entre thriller et chronique d’une petite ville américaine.
Les Inconnus dans la ville (1955)
De Richard Fleischer (Etats-Unis), avec : Victore Mature, Richard Egan, Lee Marvin, , J. Carrol Naish, Ernest Borgnine – 1h27
Editions Carlotta Films
DVD : 16,99 euros
Blu-ray : 19,99 euros
L’Etrangleur de Boston
L'histoire : Boston, début des années 60. Deux femmes sont retrouvées étranglées à leur domicile à quelques jours d’intervalle. Au cours des deux années suivantes, plus d’une dizaine d’autres femmes sont assassinées dans des circonstances similaires, distillant un sentiment d’insécurité et une paranoïa sans précédent dans toute la ville. John S. Bottomly est désigné pour prendre l’affaire en main…
Le film : C’est encore un coup de maître de Richard Fleischer qui réalise avec « L’Etrangleur de Boston » un des premiers films autour d’un serial killer, en se détachant complètement du « Psychose » d’Hitchcock et de la kyrielle de moutures qui lui ont emboîté le pas, notamment aux studios Hammer, en Grande-Bretagne.
La participation de Tony Curtis dans le rôle-titre, totalement à contre emploi, constitue une des forces majeures de cet « Etrangleur de Boston ». Il a en face de lui le mythique Henry Fonda, en enquêteur flegmatique mais chevronné et retord qui va mettre toute sa perspicacité en jeu pour débusquer le tueur. La construction du film est d’une étonnante modernité en introduisant l’assassin seulement 54 minutes après le début, sur une durée totale d’1h56. La première partie s’attache à poser l’intrigue par la découverte des scènes de crime, les tâtonnements de l’enquête et ses fausses pistes. Le mystère en gagne en épaisseur et en logique, puisque le film est narré du point de vue des forces de l’ordre aux trousses d’un inconnu.
Quand l’étau commence à se resserrer, Fleischer ne quitte pratiquement plus le tueur, en l’introduisant par sa vie de famille d’homme marié, père de deux enfants, dévoilant ensuite son mode opératoire, mettant à jour sa double identité, nœud de sa personnalité criminelle.
Fleischer fait encore montre de son immense talent de raconteur d’histoire et de sa maestria technique, collant parfois à la forme du reportage, notamment dans les scènes urbaines. Il utilise à très bon escient le split-screen, qui consiste à diviser l’écran en un damier d’images différentes, comme le faisait la même année « L’Affaire Thomas Crown » de Norman Jewison. Le procédé est d’une redoutable efficacité dans l’instauration du suspense qui s’en trouve décuplé. Un film remarquable sur tous les fronts.
Bonus : Comme pour « Les Inconnus dans la ville », William Friedkin commente le film. Il revient sur le fait divers qui a inspiré « L’Etrangleur de Boston », puis sur la source d’inspiration qu’a constituée le film dans sa carrière de cinéaste, comme cette forme plaquée sur celle du reportage que l'on retrouvera dans "French Connection". Enfin, le fils de Richard Fleischer évoque le tournage, avec le chef opérateur Richard L. Kline et l’actrice Sally Kellerman, tout en le resituant dans la filmographie du réalisateur
.L’Etrangleur de Boston (1968)
De Richard Fleisrher (Etats-Unis), avec : Tony Curtis, Henry Fonda, George Kennedy, Mike Kellin – 1h56
Editions Carlotta Films
DVD : 16,99 euros
Blu-ray : 19,99 euros
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