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Est-il possible de réaliser un bon spin-off au cinéma ?

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le premier jeu vidéo de la saga, "Harry Potter à l'école des sorciers", est sorti en 2001. (EYEPRESS / AFP )

Après les séries télé, la mode des spin-off se répand dans l'industrie cinématographique. Avec l'annonce d'un film dérivé de la saga Harry Potter, francetv info se demande si réaliser un bon spin-off ne relève pas de l'impossible.

Wolverine, Catwoman, Elektra, Le Roi scorpion, Le Chat Potté... La liste des spin-off s'allonge d'année en année dans le cinéma hollywoodien. Pour les novices, il s'agit de ces films dérivés qui racontent l'histoire parallèle d'un ou plusieurs personnages (généralement secondaires) d'un précédent succès cinématographique, tout en conservant le même univers.

Venue du monde des séries télévisées et de la bande dessinée, la mode du spin-off ne semble pas sur le déclin dans les salles de cinéma. L'annonce, jeudi 13 septembre, d'un nouveau film lié à l'univers de la saga Harry Potter vient alourdir le calendrier des sorties de spin-off, de Tarantino et son projet autour d'Inglourious Basterds, jusqu'aux films annoncés par Disney sur certains personnages de Star Wars. Problème, les spin-off accouchent rarement de chefs-d'œuvre du septième art. 

Une mode commerciale

En observant notamment les producteurs de séries télévisées, Hollywood a vite compris que le concept permettait de se faire de l'argent facilement sans prendre trop de risques. Contacté par francetv info, François Blet, rédacteur pour le site spécialisé dans le cinéma avoir-alire.com, incrimine les producteurs : "C'est une question de priorité des studios, qui se concentrent sur de la gestion de risques, comme dans la finance." Il reste persuadé que "les bons auteurs, les bons scénaristes existent, mais les studios ne prennent pas de risques".

Conséquence directe, les producteurs cherchent à recycler par tous les moyens les histoires qui ont fonctionné auprès du public. "Ils usent des spin-off, remake, prequel, reboot et autres sequel", se désespère François Blet (pour comprendre la différence entre tous ces dérivés de films, le Huffington Post propose un petit lexique). Et cite les exemples du "catastrophique" Le Roi scorpion (spin-off de La Momie), ou du décevant Chat Potté, personnage de la célèbre saga Shrek, dans lequel les producteurs ont "surexploité le fil jusqu'au bout".

Bonne nouvelle, François Blet estime que le public ne devrait pas subir cette mode indéfiniment : "On en a encore pour une bonne dizaine d'années, car il faudra réalimenter le moteur avec de nouveaux scénarios, on ne peut pas recycler à l'infini." 

Le ver est dans le fruit

"Le spin-off, c'est un peu comme retourner à Disneyland vingt-cinq ans après, on s'aperçoit à quel point c'est commercial", illustre François Blet. Pour le critique, le spin-off souffre d'un problème intrinsèque : "Il y a quelque chose d'assez déprimant dans le concept. Pour le public, c'est triste de retrouver un personnage seul, des années après, sans les autres visages du film." En fait, c'est un peu comme si les producteurs empêchaient les fans de faire leur deuil et prolongeaient ainsi leurs souffrances. Pour François Blet, l'annonce du spin-off d'Harry Potter en est le parfait exemple.

L'autre problème, pour le critique, réside dans le fait de broder autour de la vie d'un rôle mineur dans un film : "Si le personnage était secondaire, c'est qu'il y avait une bonne raison pour le scénario." Pour finir, les films dérivés rencontrent une réelle difficulté pour François Blet, "en raison de la complexité à créer autour d'une œuvre close. C'est plus facile pour les séries télés, les formats courts".

Il reste possible de réaliser un bon spin-off

Pour François Blet, réaliser un bon film dérivé s'avère possible, mais cela reste "compliqué, puisque dans l'inconscient collectif du public, cela gardera toujours une image commerciale". Il ne se déclare pas rebuté par le concept a priori - "avec un grand réalisateur, cela peut être convainquant" - et a d'ailleurs plusieurs exemples en tête : la comédie American Trip (spin-off du film Sans Sarah rien ne va !), le déjanté Jay and Bob contre-attaquent (un duo de personnages tiré d'une série de films réalisés par Kevin Smith) ou encore The Devil's Rejects (qui a suivi La Maison des 1 000 morts, de Rob Zombie).

Les bons spin-off répondent donc à quelques règles. Ce sont souvent "des films de genre et l'œuvre de réalisateurs indépendants qui ne dépendent pas d'une franchise commerciale", analyse François Blet. Il semble primordial de garder le même acteur ainsi que le même "metteur en scène, qui tente ainsi d'enrichir son univers et qui ne répond pas aux ordres d'un studio". Attention, reconduire le même réalisateur n'est pas un gage de qualité, confer le "pitoyable" Evan tout-puissant, qui s'avère aussi médiocre que son inspiration, Bruce tout-puissant. Un exemple qui introduit la règle suivante : un bon spin-off est nécessairement tiré d'un très bon film.

Enfin, petit conseil bonus de François Blet. "Il serait drôle de changer d'univers, à la tonalité totalement différente. Un film comique à partir d'un film d'horreur par exemple, cela permettrait de jouer sur le principe même du spin-off." Une idée qui permettrait au concept de se moquer de lui-même, pour que les spectateurs cessent enfin de se moquer de lui.

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