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Exposition François Truffaut à la Cinémathèque : l'homme cinéma

Décédé il y a trente ans à 53 ans, François Truffaut fait l'objet d'une magnifique exposition à la Cinémathèque française à Paris jusqu'au 25 janvier 2015. Si elle compte de belles réussites dans le domaine, c'est sans doute la plus accomplie à ce jour, tant la muséographie traduit le parcours du cinéaste depuis sa naissance, en traduisant l'identification d'un homme à sa vocation.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
François Truffaut
 (DR)

François Truffaut et la Cinémathèque française, c'est une longue histoire. Cinéphile de la première heure dans les années 40, le futur cinéaste était un assidu avant de devenir un proche de son fondateur Henri Langlois, puis son plus fervent défenseur en 1968, lors de la fâcheuse "affaire Langlois". Il est logique, sinon indispensable que l'institution lui rende hommage à travers cette exposition qui traverse tous les prismes d'un homme qui s'est totalement dédié au cinéma.

Reportage : F. Maillard / L. Le Moigne / D. Reutenauer

Quand on a dit "Truffaut", il semble que déjà tout est dit : "Les 400 coups", "La Peau douce", "Jules et Jim", "Baisers volés", "L'Homme qui aimait les femmes", "La Femme d'à-côté", "Le Dernier métro", "Vivement dimanche"… Des souvenirs de cinéma qui ont participé en chacun de nous à l'amour pour le septième art. Cinéphile précoce, puis critique et réalisateur, parfois acteur, François Truffaut personnalise l'amour du cinéma comme personne. Il est l'homme cinéma.
Enfances
Très tôt, François Truffaut a entretenu un rapport passionnel au cinéma. Né en en 1932 à Paris, de père inconnu, il est reconnu l’année suivante, par le mari de sa mère. Il embauchera un détective privé pour connaître l’identité de son père biologique, et le trouvera.

Passionné de littérature, notamment de Balzac, le jeune Truffaut va beaucoup au cinéma. L’exposition met sous verre les carnets où il liste les films qu’il va voir, parfois avec une calligraphie travaillée, qui traduit sa passion. Collectionneur, Truffaut garde tout, le moindre billet d’entrée à une projection, les programmes, les affiches, les lettres. Touchant. Toutes les pièces exposées proviennent de ses archives personnelles, mises à disposition par la famille.

De cette enfance tumultueuse, le futur cinéaste tirera "Les 400 coups", lauréat du Prix de la mise en scène au festival de Cannes en 1959. Ce film, entre autobiographie et fiction, montre l’attachement à l’enfance, domaine que François Truffaut visitera à maintes reprises. L’exposition s’ouvre sur cette enfance car elle est originelle et récurrente dans toute sa filmographie. Magnifique pièce, où une porte entrouverte voit un vieux cartable déposé, image de l’école buissonnière que pratiquait beaucoup Truffaut, notamment pour aller au cinéma avec son complice Robert Lachenay.
La création d’un ciné-club, très jeune, le mènera à un camp de redressement pour une histoire de billets impayés. Une mésaventure que l’on retrouve dans "Les 400 coups". Très attaché à cette expérience enfantine difficile, Truffaut n’aura de cesse d’y revenir. Son premier court métrage de 1957, "Les Mistons" montre un groupe d’enfants mettant des bâtons dans les roues d'un jeune couple, "Les 400 coups" est une évocation de sa jeunesse, "L’Enfant sauvage" (1969) est sur le cas de Victor de l’Aveyron, "garçon loup" pris en charge par le docteur Jean Itard (que Truffaut interprète) en 1798, ou "L’Argent de poche" (1976), où des enfants dans l’attente des vacances donnent vie à leur ville de Thiers, dans le Puy-de-Dôme.
Antoine Doinel
Après les très belles séquences réservées à l’enfance, l’exposition Truffaut s’engage dans l’évocation du critique, puis de l’alter ego du cinéaste, qu’il a mis en scène dans quatre long métrages : "Les 400 coups" (1959), "Baisers volés" (1968), "Domicile conjugal" (1970), "L’Amour en fuite" (1978), sans oublier le magnifique sketch pour "L’Amour à 20 ans", "Antoine et Colette" (1962).
Rarement cinéaste ne se sera autant confié sur sa vie et son rapport aux femmes que Truffaut. Antoine Doinel, interprété par Jean-Pierre Léaud, se voit mis en scène sur près de 20 ans dans ses rapports aux femmes. Dragueur éconduit dans "L’Amour à 20 ans", amoureux d’une sublime Delphine Seyrig qui lui allouera une nuit, alors qu’il charme Claude Jade, à laquelle il se marie dans "Domicile conjugal" pour la tromper, et s’en séparer sous les traits de Dorothée, pour essayer de reconquérir son amour de jeunesse, Collette (Marie-France Pisier), alors qu’une nouvelle conquête se dresse à l’horizon…

Truffaut et les femmes, affaire compliquée. Homme à femmes, tombant amoureux de ses actrices, le cinéaste s’identifie à ses rôles, les identifie à lui, devient ses films.

L’homme qui aimait les femmes
Après l’enfance, la femme est le sujet de prédilection de François Truffaut. Amoureux, il ne cesse de parler d’elles. Si "Jules et Jim" (1961) titre sur deux prénoms masculins, le film parle d’une femme prise dans un couple à trois. Comme le disait son complice des "Cahiers du cinéma" Claude Chabrol, "Dès qu’il s’agit d’une femme, c’est intéressant".
"La Sirène du Mississippi", "La Marié était en noir", "Les Deux Anglaises et le continent", "Adèle H.", "L’Homme qui aimait les femmes", "La Femme d’à-côté", "Le Dernier métro" sont autant de films qui leurs sont dévoués. Pas toujours à travers les yeux d’un homme. Mais quand il y en a deux, ce sont les siens. Qu’il projette à travers ceux d’un personnage fictif. Là où il se confie le plus est peut-être dans "L’Homme qui aimait les femmes". C’est Brigitte Fossey qui introduit et clôt le film, sans doute jamais aussi belle et aussi bien filmée.

Homme cinéma, François Truffaut est aussi homme de lettre. Ce que reflète intensément l’exposition de la Cinémathèque, à travers les nombreux courriers envoyé par le cinéaste. Par contre, pas une seule adressée à une de ses actrices. Sans doute un jardin gardé secret…
Une exposition sentimentale
L’exposition François Truffaut est d’une évocation exceptionnelle. Celle d’un homme, de son amour pour le cinéma et de sa vocation pour lui. Que cela passe par l’enfance, l’engagement critique, puis la réalisation.

François Truffaut s’est toujours mis face à lui-même dans ses films. C’est ce reflet que donne à voir l’exposition. Comme Kubrick, un homme cerveau, moins universel, plus français, mais avant tout humain, humanistes, certes, mais, peut-être avant tout, très individuel.

A travers ses films, François Truffaut parle de ses sentiments, de sa sensibilité au monde. Pour lui, cela passa avant tout par l’enfance, formatrice, et étant homme, par la femme. Pour tous, le cinéma passe par l’enfance et la femme. Qui disait que "Faire du cinéma, c’est faire de jolies chose à de jolies femmes" ?  François Truffaut y est parvenu à plus d’un titre.

L’exposition s’accompagne d’une rétrospective de la filmographie complète de François Truffaut, d’un magnifique catalogue chez Flammarion, ainsi que d’un coffret regroupant ses musiques de films si importantes, de nombre de colloques et rencontres, à prendre connaissance sur le site de la Cinémathèque..
L'affiche de l'exposition François Truffauà la Cinémathèthe française
 (DR)
François Truffaut à la Cinémathèque
Cinémathèque française
51, rue de de Bercy, 75012 paris

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