Fernando Solanas, le réalisateur de "L'Heure des Brasiers" et "Le Sud", est mort à Paris à l'âge de 84 ans
Son nom était indissociable de la lutte contre la dictature en Argentine. Documentariste engagé mais aussi auteur de magnifiques fictions comme "Le Sud", le réalisateur argentin Fernando Solanas est mort vendredi 6 novembre à Paris.
Fernando Solanas, réalisateur de grandes fresques documentaires militantes sur les luttes en Amérique latine et sur la crise argentine et aussi de fictions comme Le Sud ou Tangos, l'exil de Gardel, également homme politique, est mort dans la nuit de vendredi à Paris, à l'hôpital, où il avait été admis pour covid. Ambassadeur de l'Argentine auprès de l'Unesco, il était âgé de 84 ans.
Fernando Solanas est mort vendredi soir, a annoncé sa famille sur Twitter. Le réalisateur avait lui-même annoncé sur son compte le 16 octobre qu'il était hospitalisé, puis le 21 octobre qu'il était en soins intensifs.
Dans une interview pour le Forum des images en 2018, Fernando Solanas déclarait : "Il n'y a pas d'un côté un cinéaste et de l'autre un homme politique, je suis un tout."
"L'Heure des brasiers", un symbole pour toute une génération
Il était né dans à Olivos, dans la banlieue de Buenos Aires, le 16 février 1936. La musique est la première passion de Fernando Solanas, qui étudie le piano et la composition pendant des années. Mais trouvant qu'elle ne lui permet pas de s'exprimer, il se tourne vers le théâtre. "Il n'y avait pas d'école de cinéma en Argentine dans les années 1960, mais on étudiait tout au Conservatoire d'art dramatique, c'était formidable", disait-il.
Son premier long métrage est un documentaire-manifeste de près de quatre heure sur la situation politique et les luttes en Argentine et en Amérique Latine alors gouvernée par des dictatures. Tourné clandestinement et diffusé dans un circuit parallèle, L'heure des brasiers (1968) est devenu un symbole pour toute une génération d'opposants aux dictatures. Fernando Solanas avait présenté une copie restaurée du premier volet du film à Cannes en 2018 : ce "film-acte" a été une grande aventure, disait-il alors : 175 pellicules sont sorties clandestinement d'Argentine pour être montées à Rome. "L'objectif du film était de provoquer le développement d'une discussion sur l'actualité", expliquait-il.
En 1971, le réalisateur écrit avec Octavio Getino un manifeste Pour un troisième cinéma au-delà du cinéma commercial hollywoodien et du cinéma d'auteur européen, pour un cinéma politique au service des opprimés.
L'exil
Exilé en 1976, Fernando Solanas avait un lien privilégié avec la France : c'est ici qu'on m'a dit "reste, on va t'aider", déclarait-il au Forum des images. A Paris il commence Tangos, l'exil de Gardel (1985). Conçu au départ comme une "film dépressif" ce sera finalement une sorte de comédie musicale "pour exorciser les douleurs de l'exil", sur une musique d'Astor Piazzolla.
Ce sont également des tangos et Piazzolla qui accompagnent Le Sud (1988, grand prix de la mise en scène à Cannes), film onirique magnifique sur un prisonnier politique libéré qui erre dans Buenos Aires à la recherche de sa vie d'avant. "Sud, c'est l'exil de ceux qui sont restés en Argentine, de ceux qui ont été en prison ou ont dû se cacher", disait le cinéaste.
Fernando Solanas avait renoué avec les documentaires "fresques" au début des années 2000 avec deux films formidables pour lesquels il avait parcouru toute l'Argentine : Mémoire d'un saccage (2003, Ours d'or d'honneur à Berlin), où il démontait les mécanismes (corruption, privatisations massives) qui, selon lui, avaient mené son pays à la faillite économique et sociale, et La Dignité du peuple (2005), où il s'intéressait à la résistance populaire des sinistrés et aux solidarités qui s'étaient développées avec la crise.
Engagé en politique
Plus récemment, il avait réalisé un documentaire sur les effets dévastateurs de l'agriculture extensive et de l'utilisation des pesticides sur la population (Le Grain et l'ivraie, 2018).
Dans les années 1990, Fernando Solanas s'était engagé en politique. Critique du libéralisme de Carlos Menem, il avait été blessé de plusieurs balles dans les jambes par des inconnus en 1991. Elu député de centre gauche de 1993 à 1997, il avait participé à la présidentielle de 2007 à la tête du mouvement Proyecto Sur contre Cristina Kirchner dont il critiquait la politique libérale. Il était sénateur depuis 2013 et avait été nommé ambassadeur auprès de l'Unesco. Il était engagé pour le droit à l'avortement et dans la lutte contre le réchauffement climatique.
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