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L'acteur Oussama Kheddam, de "Family Business" à "Rien à perdre" : "J'ai juste envie de raconter des choses"

Le comédien de 33 ans, vu notamment dans "Youssef Salem a du succès", "Family Business" et "Détox", enchaîne actuellement les tournages, particulièrement dans des rôles drôles. Ce qu’il est lui-même. Rencontre avec le Villeurbannais, qui apparaîtra prochainement au côté de Virginie Efira dans "Rien à perdre", présenté au Festival de Cannes.
Article rédigé par Armandine Castillon
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Le comédien Oussama Kheddam a une vingtaine de rôles à son actif (Marc Allal)

Ne le cherchez pas sur la Croisette, il n'y est pas. Et pour cause. Oussama Kheddam enchaîne actuellement les tournages. En revanche vous le verrez dans le film Rien à perdre de Delphine Deloget qui est présenté en sélection officielle dans la catégorie "Un certain regard" au Festival de Cannes le 25 mai. Il y incarne Farid, un ami de Sylvie, incarnée par Virginie Efira, dont l’enfant est placé en foyer suite à un accident domestique. Ce personnage est "l'un des seuls à pouvoir la calmer"

Oussama Kheddam ? Vous l'avez peut-être vu dans la série Family Business, où il joue un ancien voyou devenu chocolatier. Ou dans Miskina, la pauvre dans le rôle de Bilal ou bien Détox, où il incarne un gentil épicier. Ou encore au cinéma, où il a, entre autres, fait partie du casting de Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi (2022), Maison de retraite (2020) de Thomas Gilou et La Lutte des classes de Michel Leclerc (2018). Rencontre avec un jeune artiste dont la carrière, pour le moins prometteuse, ne fait que commencer.

Jouer "en cachette" et suivre des cours "à la sauvette"

Oussama a d’abord puisé ses racines à Mostaganem, en Algérie, où il est né le 23 janvier 1990. Lui et sa famille quittent cette ville portuaire de la Méditerranée un an après pour venir s’installer en France, à Lyon (Rhône). Ses parents tiennent une épicerie dans le 6e arrondissement. Ils sont alors "les seuls reubeu du quartier" mais le commerce ferme à cause de travaux. Alors qu'Oussama a 6 ans, la famille part s’installer dans un HLM de la banlieue lyonnaise, à Villeurbanne, dans le quartier du Tonkin. L'acteur aujourd'hui âgé de 33 ans se dit "hyper content" d’y avoir grandi, avec son père, professeur de musique et de français en Algérie et devenu cariste puis animateur scolaire en France, avec sa mère, professeure d’arabe littéraire, et avec ses deux frères et sa sœur. "J’ai fait mes gammes de vie dans ce quartier-là, multiculturel, avec cette entraide, cet amour en permanence et ces plats qui voyagent entre les étages", se remémore le cadet de la fratrie.

À 14 ans, Oussama, très observateur dans la vie, a envie de devenir humoriste, pas encore acteur : "parce que je ne connaissais même pas le métier d’acteur. Quand je regardais des films, pour moi, je regardais les vrais gens dans leur vie". Hormis son père, pianiste oriental "de fou", sa famille n'est pas dans le monde du spectacle. Dans son enfance, il se plaît à apprendre des sketchs par cœur en arabe ou en français et à les réciter à sa tante. "J’ai toujours adoré raconter des histoires", témoigne-t-il. De 2008 à 2012, il commence alors une formation café théâtre et improvisation à la MJC de Villeurbanne dispensée par Delphine Delepaut. C’est là qu’il commence à monter sur scène "en cachette de tout le monde", dit-il. "Je ne le disais ni à ma famille ni à mes amis. Je quittais Villeurbanne et j’allais à Lyon pour monter sur scène et faire des sketchs à L’Accessoire, à l’espace Gerson, là où ont commencé Laurent Gerra, Florence Foresti..." A 16 ans, il est contacté pour jouer dans un téléfilm de France 3. "Sur le tournage, j’ai eu un coup de foudre pour ce métier-là et je voulais en faire ma vie." Cette expérience l’oblige alors à avouer sa passion à sa famille, qui n’a pas été surprise. "J’ai toujours été le bon vivant de la famille, à faire des blagues tout le temps. Quand je suis à la maison tu le sens. Quand je ne suis pas là, c’est calme."

Un certain Philippe lui dispense également des cours de théâtre classique "à la sauvette". Son attrait pour le jeu d’acteur est une évidence. "J’ai toujours eu ce truc qui m’attirait. Je ne savais pas ce que c’était parce que personne ne me parlait d’art, d’acting, de théâtre, de tout ça. C’est juste que je savais que j’avais quelque chose en moi." Après le bac, Oussama entame une licence d’information-communication, sans aller au bout. "J’avais la tête ailleurs", répète-il deux fois. En parallèle, il est animateur auprès de jeunes de 9 à 18 ans. "C’est ma deuxième passion", déclare-t-il en tenant à nous montrer ses "gamins" en photo. L’acteur s'avère un peu ému de raconter tous ses souvenirs parce qu’il "n’en parle pas souvent". Puis, en 2013, il quitte sa ville natale pour suivre le Laboratoire de l’Acteur d’Hélène Zidi-Chéruy à Paris pendant deux ans. Sorti d’école, il enchaîne les castings jusqu'à ses 23 ans. "Je me suis dit : à un moment donné il faut que le plan B devienne le plan A. Il ne faut pas que je regrette ma vie, il faut que je le tente vraiment' ". 

Les premiers cachets

La route semblait donc toute tracée mais pas droite pour le Villeurbanais. "Je ne pars pas de zéro, je pars de moins", affirme celui qui a enchaîné de nombreux jobs alimentaires à l’usine, dans la restauration rapide, la livraison, en vendant des canettes sur le marché… S'il ne cherche pas à se victimiser, durant ses trois premières années à Paris, il y a dix ans, Oussama connaît une très grande précarité. Pendant cinq mois, il se casse le dos la nuit à décharger des camions et mettre en rayon des vêtements puis il va en cours la journée, sans avoir dormi. Après l'école, Oussama parvient à bosser assez rapidement. "Quand tu touches tes premiers cachets, tu mets de la marque dans ton frigo. Quand tu as ton premier Snickers glacé dans le congel, tu es content." C’est à partir du Grand bazar de Baya Kasmi, diffusée en 2019 sur M6, qu’il arrête les petits boulots et peut vivre de son métier. Aujourd'hui, il travaille bien, passant de moins en moins de castings mais plutôt des essais, rencontrant ainsi directement les réalisateurs. 

"Juste voir son nom sur un trombinoscope d’agent c’était mon rêve quand j’étais gamin", rapporte le comédien, humble et reconnaissant. Une fierté vis-à-vis de sa famille aussi. "Mon père a 12 frères et sœurs. On est la première génération à être venue vivre en France et voir son nom comme ça à la fin d’un générique, c’est une émotion incroyable. Là où j’ai eu encore une plus grosse émotion c’est la première fois où j’ai vu mon nom au début d'un film. Alors ça, c’est encore autre chose. Qu’il soit écrit en grand, c’est une sensation assez folle."  

Blagues, gaudrioles et calambours

"Moi, du moment qu’on travaille ensemble, je veux qu’il y ait de la blague, je veux qu’il y ait de la gaudriole, je veux du calambour." De son propre aveu, cette réplique du personnage de Youssef dans la saison 1 de Family business d'Igor Gotesman le définit bien. Très spontanément, il enchaîne les plaisanteries au fil de l’interview. "Ma mère m’a toujours dit (il parle en arabe avant de traduire) : 'tout ce qu’on peut apporter en criant on peut l’apporter dans la douceur.'" D’où la volonté du fils de rechercher "un bel esprit" dans les choses. Ce qui lui vaut sans doute une fidélité et des amitiés tissées au fil des tournages. Il a par exemple tourné pas moins de trois films avec Alexandre Castagnetti, cocréateur avec Clément Marchand de la Chanson du dimanche de 2007 à 2012 et l’un des premiers à lui avoir fait confiance. Récemment, il lui a fait jouer un prof dans L’école est à nous (2022). "Tourner avec Alexandre Castagnetti c’est de la bienveillance, de l’amour, de l’humour, c’est un soleil sur le plateau", estime Oussama qui va même jusqu'à affirmer : "Je tournerai avec lui jusqu’à la fin".

Si on pense très souvent à lui pour des comédies, l’acteur reconnaît : "J’ai plus de facilité dans la comédie mais j’adore aussi faire des drames." Dans Hippocrate, Oussama, pourtant hypocondriaque dans la vraie vie, joue un infirmier. "Sur le tournage, on parle de transplantation, de ceci, de cela mais sur le plateau il y a une ambiance incroyable. Mais entre l’action et le couperet ça ne blague pas, c’est très sérieux." 

Rendre visibles les invisibles

Ses rôles préférés ? "J’aime bien parler des gens dont on ne parle pas, comme les profs de technologie [dans L'école est à nous]." Il va aussi prochainement incarner un éboueur dans un film d’auteur d’Alain Raoust. "C’est exceptionnel ce genre de rôle. J’adore parler des invisibles. Je trouve qu’il y a beaucoup de héros de la vie dont on ne parle pas, qu’il faut mettre en lumière."

La lumière justement, ce n’est pas ce que recherche le comédien. "Je n’en ai rien à faire moi d’être une star. J’ai juste envie de raconter des choses." Ses rôles de second plan lui plaisent, jusqu’à s’attacher à ses personnages. "Dans Hippocrate, ce n’est pas un gros rôle mais ce Rachid, ce petit infirmier, je l’aime, parce que je me raconte tout un background sur sa vie où je me dis qu'il est hyper sérieux dans son taf, il a l’air d’avoir une vie hyper difficile - tous ces gens-là, il faut parler d’eux."

Au moment de notre rencontre, l’acteur jongle entre deux tournages : celui de la saison 3 d’Hippocrate et celui d’une série pour Disney+, Les Enfants sont rois, où il tient l’un des premiers rôles au côté de Géraldine Nakache et Doria Tillier. Son agenda est plein jusqu’en 2024. La saison 2 de Sophie Cross, dans laquelle il incarne un policier, devrait également bientôt être diffusée sur France 3. L’acteur va même remonter sur les planches en septembre 2024 avec Caroline Langlade dans une mise en scène d’Aline Gaillot au Théâtre de l'Oeuvre. Et pourquoi pas une place dans LOL : Qui rit, sort pour ce fervent défenseur de l'OL ? "Je pense que je serais un élément dangereux en attaque mais très nul en défense." 

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