Festival de Cannes : une sélection en or
Les trois comités de sélection du Festival (films français, films étrangers, films de second choix) ont visionné 1858 productions, pour n’en retenir au final qu’une soixantaine. Ils sont répartis dans la compétition officielle, la section Un Certain Regard, les films hors compétition et les séances spéciales.
L’EuropeDix-neuf films concourent, pour l’instant dans la course à la Palme d’or, dont sept sous bannière française. Le Festival se réserve toutefois la possibilité d’en rajouter d’ici le début des hostilités, comme c’est de mise depuis plusieurs années. En effet, les films arrivent souvent à la dernière minutes et régulièrement non finalisés, pour tout ce qui relève de la post production (montage, effets spéciaux, sonorisation…) La sélection française voit le retour de François Ozon pour la deuxième fois en compétition après « Swiming Pool » (2003), avec "Jeune et Jolie" : Le portrait d’une jeune fille de 17 ans en 4 saisons et 4 chansons. "La vie d'Adèle" permet pour la première fois à Abdellatif Kechiche (« La Vénus noire ») d’être dans la sélection reine. "Jimmy P." d’Arnaud Desplechin) a été tourné en anglais aux Etats-Unis, avec Mathieu Amalric et Benico del Toro. Roman Polanski (Palme d’or 2002 pour « Le Pianiste ») présente « La Venus à la Fourrure », avec Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric, sans que pour autant le film adapte le roman éponyme de Sacher Masoch.
Figurent également "Un château en Italie" de Valeria Bruni-Tedeschi, seule réalisatrice en compétition, avec Louis Garrel, Xavier Beauvois et la réalisatrice-comédienne dans un drame bourgeois. Enfin, « Michael Kohlhaas » de Arnaud des Pallières, réunit Mads Mikkelsen (Prix d’interprétation pour « La Chasse » en 2012), Bruno Ganz et Sergi Lopez, dans un film se déroulant au XVIe siècle dans les Cévennes. Enfin, le cinéaste iranien Asghar Farhadi, qui nous avait donné en 2010 le magnifique « Une séparation », réalise son premier film en France et en français, « Le Passé ». Avec Bérénice Bejo et Tahar Rahim, le film revisite les thèmes de prédilection de Farhadi : le divorce et les conflits familiaux. Le reste de l’Europe est peu présente, mais expose des films prometteurs. Avec notamment le retour du réalisateur de « Drive » (Prix de la mise en scène en 2011), le Danois Nicolas Winding Refn, qui projettera « Only God Forgive », toujours avec Ryan Goslin. Situé à Bangkok, Thierry Frémaux a qualifié le film de « Punk et radical ». Les Pays-Bas seront représentés par le talentueux réalisateur des « Habitants », Alex Van Warmerdam qui présentera « Borgman ». L’Italie sera aussi présente avec « La Grande Bellezza » signé Paolo Sorrentino, pour la troisième fois en compétition à Cannes, avec son acteur fétiche Toni Servillo. Etats-Unis et Mexique
Très présent l’an dernier avec des films essentiellement de genre, les Etats-Unis reprennent le chemin de Cannes, alors qu’ils l’avaient quelque peu déserté auparavant, Hollywood étant très frileux à la redoutable vindicte critique cannoise. La sélection étasunienne s’avère des plus alléchantes. Avec en premier lieu le retour des frères Coen, disparus de la Croisette depuis "No Country for Old Man" (2008). Avec « Inside Llewyn Davis », les frères les plus célèbres du cinéma filment pour la première fois New-York, où ils habitent, et plus précisément le « Village », à travers le parcours de l'une de ses figures emblématiques, le musicien folk Dave von Ronk. Autre grand retour, celui de James Gray avec « The Immigrant » (ex « Lowlife ») où sont rassemblés Joaquin Phoenix et Marion Cotillard dans le New York de 1920. Venus de Pologne, ils vont être confrontés à la misère, la prostitution et la folie meurtrière. Alexander Payne (« The Descendants ») vient pour la première fois sur la Croisette avec « Nebraska », un road movie, où l’on retrouve Bruce Dern, absent des écrans depuis des lustres, en père de famille alcoolique ayant gagné un million de dollars, ce que ses proches refusent de croire. Steven Soderbergh ne voulait pas présenter « Ma vie avec Liberace » en compétition. C’est grâce à l’insistance de Thierry Frémaux que ce biopic (« qui n’en n’est pas un », dixit Frémaux ») du pianiste américain Douglas Eye Liberace, se retrouve en lice, avec Michael Douglas, Matt Damon et Dan Aykroyd. Un cinquième film en provenance des Etats-Unis a été rajouté à la compétition officielle après la conférence de presse. Et non des moindres puisqu'il s'agit de "Only Lovers Left Alive" de Jim Jarmush, un film de vampires avec Tlda Swinton, Tom Hiddleston et John Hurt. Le continent américain sera enfin présent avec le film mexicain « Heli » de Amat Escalante (Prix FIPRESCI de la critique internationale à Cannes pour « Sangre » présenté à Un Certain Regard en 2006). « Heli » à pour toile de fond le monde des narco trafiquants imbriqué dans une histoire familiale.
L’Orient et l’Afrique
Comme de coutume l’Asie est bien représentée cette année encore à Cannes. Présent à Un Certain Regard en 2010 avec « I Wish I Knew, histoires de Shanghai », et en compétition en 2008 avec « 24 City », le Chinois Jia Zhangke projette « A Touch of Sin », qui évoque le quotidien d’une famille chinoise.
Le Japonais Takashi Miike (« Hara-Kiri – mort d’un samouraî », en compétition en 2011) présente « Shield of Straw », un thriller où un puissant politique cherche à se venger de l’assassin de sa fille en recrutant par petites annonces un tueur à gages. Autre japonais en lice : Hirokazu Koreeda, en compétition à Cannes en 2004 avec son formidable « Nobody knows », revient avec « Like Father, Like Son », où un businessman cupide subi une crise existentielle quand il apprend que son fils de 6 ans a été échangé par un autre à la naissance.
Cette sélection des films en compétition, s’achève avec une des rares productions africaines projetées à Cannes. Le réalisateur tchadien Mahamat Saleh Haroun présente en effet « Grigris », sur un jeune africain à la jambe paralysé rêvant d’être danseur, dont les efforts pour y parvenir sont tués dans l’œuf quand il doit travailler pour des trafiquants d’essence, afin de sauver son oncle malade. Mahamat Saleh Haroun avait remporté le Prix du jury à Cannes en 2010 pour son magnifique « Un homme qui crie ». Les films hors compétition
« Gatsby le magnifique », adaptation du roman éponyme de Scott Fitzgerald, et remake en relief du film de 1971 de Jack Clayton, est signé Baz Luhrmann. Le réalisateur australien avait déjà fait l’ouverture de Cannes avec « Moulin rouge » en 2001, tout en étant en compétition. Le rôle-titre, interprété à l’origine par Robert Redford, est tenu par Leonardo DiCaprio et celui de Daisy, autrefois endossé par Mia Farrow, par Casey Mulligan que l’on a pu voir dans « Drive ». Le film de clôture est « Zulu » du français Jérôme Salle. Un thriller avec Orlando Bloom et Forest Whitaker situé dans une Afrique du Sud encore hantée par l’apartheid, où un policier blanc et un autre noir enquêtent sur l’assassinat d’une adolescente, enquête qui va bouleverser leur vie.
Autre film important de cette sélection, le nouveau Guillaume Canet, « Blood Ties », également un thriller, projeté sous bannière américaine, avec Clive Owen et Marion Cotillard. A New York en 1974, l’histoire de Chris, la cinquantaine, qui sort de prison, recueilli par son frère, flic en pleine ascension. Il cherche à le remettre sur le droit chemin, mais les démons de Chris vont reprendre le dessus. Johnnie To fera l’objet d’une séance de minuit, avec « Blind Detective », production que Thierry Frémaux a présenté comme un film de « détective aveugle, à l’image de la tradition de films de samouraïs aveugles ». Stephen Frears présentera « Muhammad Ali’s Greatest Fight », avec Benjamin Walker et Christopher Plummer, sur le refus en 1967 du boxeur Mohamed Ali de servir au Vietnam, et le procès qui lui valut la prison.
Une curiosité : le documentaire inédit de Roman Polanski, « Week-end of a Champion », sur le coureur de Formile 1 Jackie Stewart, lors de sa victoire au Grand Prix de Monte-Carlo en 1972.
Un hommage sera rendu à Jerry Lewis, avec son dernier film en tant qu’acteur, « Max Rose » de Daniel Noah, où il joue au côté de Claire Bloom un veuf se remémorant les moments importants de sa vie. Un autre hommage visera le cinéma indien dont c’est le centenaire cette année, le sous-continent étant l’invité d’honneur de cette 66e édition cannoise. « Bombay Talkies », signé par quatre cinéastes indiens, est un film à sketches qui célèbre ces 100 ans du cinéma indien. Un Certain Regard
La sélection Un Certain Regard rassemble pour le moment quinze films, mais d’autres devraient les rejoindre d’ici l’ouverture du Festival. Parmi eux, le film d’ouverture de Sofia Coppola, « The Bling Ring », avec Emma Watson. Le film reconstitue l’histoire vraie d’un groupe d’adolescentes qui, de 2008 à 2009, a cambriolé des stars de Hollywood, comme Orlando Bloom, Megan Fox ou Paris Hilton. On retiendra également « Les Salauds » de Claire Denis, avec Vincent Lindon, Chiara Mastroianni et Julie Bataille, un complexe thriller familial. James Franco (acteur dans « Le Monde fantastique d’Oz », mais également réalisateur) présentera son film de 2011 « As I Lay Dying », dans lequel il est l’interprète principal. Il y transporte avec les siens le corps d’une proche disparue, jusqu’à sa ville natale.
L’actrice Valeria Golino verra la projection de son premier film, « Miele », où une femme aide dans la clandestinité les personnes atteintes de maladie incurable à mourir. Jusqu’à ce qu’un septuagénaire en parfaite santé lui demande de l’aider à mourir. Le cinéaste d’origine cambodgienne Rithy Panh revient sur ses années de jeunesse au Cambodge dans « L’Image manquante ».
En guise de conclusion provisoire
Cette sélection encore ouverte reflète une importante diversité de pays concurrents, dont sont pourtant absents les pays de l’Est ou la Russie, très présents les dernières années, ou encore l’Allemagne et l’Espagne.
A la question récurrente de l’omniprésence de certains cinéastes d’année en année, Thierry Frémaux ne cesse de répondre « Les grands metteurs en scène font les grands films », raison pour laquelle ils reviennent régulièrement à Cannes. Quant à la présence d’une seule femme dans la compétition, le délégué général répond qu’il ne s’agit pas d’un manque de parité au sein du Festival, mais d’un manque de parité dans l’ensemble du cinéma et que si Cannes en fait parler, cela ne peut être que bénéfique à cette cause. Enfin, le Festival s’adjoint cette année une initiative dédiée aux dessinateurs de presse en invitant l’association « Cartooning for Peace » initiée par Plantu et Kofi Annan en 2008. De plus en plus menacés à travers le monde, ces « carttonistes » seront à l’honneur sur la durée du Festival, avec une exposition et une vente aux enchères de dessins, qui ira au profit de l’association.
Une façon de revendiquer une fois encore la liberté d’expression, et la défense des créateurs, à Cannes qui, cette année, selon le président Gilles Jacob, lance « un appel à l’indocilité ».
Le Festival 2013 : à suivre sur Culturebox !
Culturebox sera largement présent à Cannes avec un mini-site consacré au Festival, animé par plusieurs journalistes sur place. Vous pourrez retrouver les critiques de tous les films présentés, ainsi que des interviews, toutes les nouvelles de la Croisette. Et des regards décalés, des surprises !
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