Cannes 2019 : "Jeanne" de Bruno Dumont, un film contemplatif au milieu des paillettes
Ce samedi 18 mai Bruno Dumont présentait "Jeanne" dans la section Un certain regard, la suite de son premier film sur la vie de Jeanne d’Arc. Une œuvre profonde, sensible, portée par une bouleversante comédienne de dix ans.
Samedi 18 mai : salle Debussy, dans le Palais des festivals, le réalisateur Bruno Dumont est accueilli par une ovation, avant même la projection de son film en compétition dans la section Un certain regard. Alors que les équipes du film seront généralement nombreuses lors d’une première, lui est seulement accompagné par Lise Leplat Prudhomme, la jeune comédienne qui incarne Jeanne d’Arc. "Charles Péguy disait qu’on a tous toujours douze ans", dit Dumont : "Jeanne a toujours douze ans, Lise en a dix, ce qui accentue la jeunesse, la beauté, l’innocence".
La Pucelle d’Orléans dérange
Jeanne est la suite de Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc – interprété par la même comédienne - présenté à Cannes en 2017, à la Quinzaine des Réalisateurs. On est en 1429, en pleine de Guerre de Cent ans, l’héroïne a déjà délivré la ville d'Orléans. Et s’apprête à mener bien d’autres combats, dont la bataille de Paris, malgré l’opposition du roi. La Pucelle d’Orléans dérange, la défaite de Paris lui coûtera cher, son arrestation, le procès de Rouen, le bûcher.
Voici pour l’histoire. Que respecte Bruno Dumont, du moins pour la chronologie, fidèle à la pièce de Charles Péguy dont il s’est inspiré. Ce qu’il filme, c’est surtout le récit d’une jeune fille habitée par la grâce qui lui confère sa force : une conviction solide, une opiniâtreté à toute épreuve qui se lisent dans son regard, merveilleusement saisi par le cinéaste. Epoustouflante Lise Leplat Prudhomme.
Acteurs non professionnels
A ses côtés, une foule d’acteurs pour la plupart inconnus (à l’exception d’un Fabrice Luchini, excellent et grave en Charles VII), des "gueules" comme Dumont sait en trouver et valoriser comme un Pasolini. Pour nourrir son récit, le cinéaste du Nord s’appuie aussi sur les lieux : ainsi les étendues de dunes (cadre récurrent de son œuvre), enveloppent littéralement les scènes autour des batailles – qui, elles ne sont pas représentées. Tandis que dans la deuxième partie du film, l’architecture des cathédrales l’emporte, majestueuse, redessinant complètement l’action.
Enfin les dialogues, l’un des atouts du film. Une délicieuse impression d’irréel et d’abstrait émane des échanges sur la guerre : comme ces conversations, plus spirituelles que stratégiques parmi les collines de sable, entre Jeanne en armure, des autorités ecclésiastiques portant leurs plus beaux habits, ou encore des seigneurs de la guerre à la parole pauvre et maladroite. A l’inverse, le procès pour sorcellerie contre Jeanne offre une série de dialogues théologiques de haute tenue... et d’une grande drôlerie.
Une bande originale signée Christophe
Ah, on allait oublier : le parti pris musical de Jeanne peut en déconcerter plus d’un. Des sonorités électroniques saturées et planantes, signées du chanteur Christophe (qui fait également une apparition des plus réussies). C’était une manière, selon Bruno Dumont, d’ancrer l’histoire dans le présent. L’esprit de contemplation, laisse-t-il entendre, est aussi d’aujourd’hui.
La fiche
Genre : Historique
Réalisateur : Bruno Dumont
Acteurs : Lise Leplat Prudhomme, Annick Lavieville, Justine Herbez
Pays : France
Durée : 2h17
Sortie : 11 septembre 2019
Distributeur : Les Films du Losange
Synopsis : Année 1429. La Guerre de Cent Ans fait rage. Jeanne, investie d’une mission guerrière et spirituelle, délivre la ville d’Orléans et remet le Dauphin sur le trône de France. Elle part ensuite livrer bataille à Paris où elle subit sa première défaite. Emprisonnée à Compiègne par les Bourguignons, elle est livrée aux Anglais. S’ouvre alors son procès à Rouen, mené par Pierre Cauchon qui cherche à lui ôter toute crédibilité. Fidèle à sa mission et refusant de reconnaître les accusations de sorcellerie diligentées contre elle, Jeanne est condamnée au bûcher pour hérésie.
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