Cannes 2019 : première Palme d'or à la Corée du Sud pour "Parasite" de Bong Joon-Ho
Le jury du 72e Festival de Cannes a récompensé pour la première fois un film sud-coréen, "Parasite" et un cinéaste majeur, Bong Joon-ho. Il a surpris en primant Céline Sciamma, Mati Diop et Ladj Ly. Antonio Baderas obtient, lui, le prix d'interprétation qu'il a dédié à Pedro Almodovar, dont l'ombre planait sur le palmarès.
72e cérémonie de clôture du Festival de Cannes, avec un palmarès très attendu, ce 25 mai, au terme d'une édition considérée comme l'une des meilleures de ces dernières années par les festivaliers. Un palmarès qui ne surprend pas avec la récompense au Sud-Coréen Bong Joon-ho, mais qui déjoue en grande partie les pronostics exprimés pour les autres lauréats.
La Palme d'or à Parasite de Bong Joon-ho
Parasite du réalisateur coréen Bong Joon-Ho a fait l'unanimité du jury. Bong Joon-ho brille dans ce thriller qui dépeint la violence dues aux inégalités sociales en Corée, mais qui demeurent universelles. Un scénario qu'il a co-écrit d’après un roman de l’auteur japonais Hitochi Iwaaki.
Le grand cinéaste coréen, passé plus d’une fois par Cannes, multi récompensé dans nombre de festivals, démontre encore son art de la narration, de la mise en scène et de sa direction d’acteurs. Sur la scène du Grand Théâtre Lumière, il a remercié deux grandes inspirations françaises, Henri-Georges Clouzot et Claude Chabrol. Il remercie également ses acteurs et en particulier son comédien fétiche Song Kang-Ho, son "biome", a-t-il dit, mis à l'honneur,en le faisant monter sur scène.
Le Grand prix à Atlantique de Mati Diop
Grosse surprise : la remise du Grand prix à la Franco-Sénégalaise Mati Diop bouleversée par la récompense, reçue des mains de Sylvester Stallone : "c'est fou ce que vous avez fait !", lance-t-elle.
Nièce du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty, qui lui a donné la vocation, Mati Diop a réalisé avec Atlantique son premier long métrage, une fable politique qui évoque une jeunesse sénégalaise tentée par le départ à la recherche d'un avenir meilleur. Le film était inattendu au palmarès en raison de l'obscurantisme de sa narration. Il demeure toutefois d'une poésie indéniable. C'est ça aussi, Cannes.
Le Prix du jury ex-æquo aux Misérables de Ladj Ly et à Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles
Les Misérables de Ladj Ly : un film qui a époustouflé la Croisette au lendemain de l’ouverture du festival, autour d’un quartier de Montfermeil où règnent la confrontation et la violence entre habitants et policiers. "Le film parle des rapports difficiles entre les différentes communautés (...) Le seul ennemi commun entre les policiers et les habitants est la misère", dit Ladji Ly très applaudi. "Je voulais juste dire que c'est possible", a déclaré ce jeune réalisateur qui a fait preuve d’une belle maîtrise dans son écriture, sa mise en scène, son rythme et sa direction d’acteurs.
Bacurau des Brésiliens Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles est le deuxième film récompensé dans cette catégorie. Il mélange sujet social, politique, environnemental et défense du patrimoine culturel. Le duo de réalisateurs a magnifié une région aride et perdue du Brésil au cœur du sujet. mais pas seulement. Bacurau est un grand film, dans son sens (la défense du patrimoine immatériel) et sa forme : l'inventivité de la mise en scène, toute en progression, avec un rappel sincère aux films des années 1970, jusqu'à un climax qui rappelle le meilleur d'un Tarantino.
Le prix d'interprétation féminine à Emily Beecham dans Little Joe
Emily Beecham a été récompensée pour son rôle principal dans Little Joe de l’Autrichienne Jessica Hausner, un film boudé par la critique et pourtant passionnant. Notamment dans l’originalité de son sujet sur les manipulations génétiques.
Film froid, Little Joe rappele David Cronenberg, qui devrait beaucoup l'aimer pour son sujet et sa forme. Emily Beecham y joue tout en intériorité, ce qui lui a sans doute valu cette Palme. Une manière de reconnaître ce film, mal accueilli par la critique, pourtant splendide dans son image et sa mise en scène, là où où on aurait voulu le voir reconnu.
Le Prix d'interprétation masculine à Antonio Banderas dans Douleur et gloire
Une récompense justifiée pour la sobriété du jeu d'Antonio Banderas dans Douleur et Gloire d'Almodovar, comme alter ego du réalisateur. Il diffuse en même temps une émotion palpable. "C'est un prix pour lequel je suis très reconnaissant en mon nom et aussi pour le personnage de Salvador. Tout le monde sait que c'est Pedro Almodovar. Je l'ai rencontré il y a quarante ans, et on a fait huit films ensemble, je l'admire, je l'aime c'est mon mentor", a lancé l'acteur en lui dédiant son prix.
Le Prix de la mise en scène à Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Le jeune Ahmed
Le Jeune Ahmed des frères Dardenne touche par la pertinence du propos, sa sobriété et son efficacité. "Nous avons filmé un jeune fanatique religieux dans ces temps sombres (...) Mais c'est aussi une ode à la vie. C'est la vocation du cinéma", ont commenté les frères Dardenne.
C'est toutefois un peu fort d'offrir le prix de la Mise en scène aux Dardenne, alors qu'il filment toujours pareille (avec talent) depuis 20 ans. Surtout au regard d'autres films comme Le Lac des oies sauvages qui repart bredouille, bien plus inventif dans cette catégorie. Dont acte.
Le Prix du scénario à Céline Sciamma pour Portrait d’une jeune fille en feu
Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma, qui fut remarquée en 2007 à Un certain regard avec La Naissance des pieuvres, remporte le prix du scénario..
Original, puisqu’il ne s’agit pas d’une adaptation, le script l’est aussi dans son sujet sur la création, génératrice d’une passion amoureuse entre deux femmes au XVIIIe siècle.
Recevant son trophée, elle a déclaré que cette écriture l’avait "ramenée à (sa) solitude originelle, comblée par le travail en équipe qu’oblige le cinéma, avec le regard des collaborateurs, des autres sur soi". Une thérapie ? Il demeure que son film vaut par l'écriture et au-delà. Bon choix.
Une mention spéciale à It Must Be Heaven d'Elia Suleiman
Dans la lignée coutumière du Palestinien Elia Suleiman, It Must Be Heaven reste dans le sillage de Buster Keaton, Jacques Tati et Pierre Etaix. Cette mention spéciale imposée par le président du jury Alexandro Gonzalez Inarritu reflète sans doute sa passion pour un cinéma modeste, minimaliste.
It Must Be Heaven reste dans ses limites : un joli film, au propos politique fort, mais pas un grand film. Suleiman a été bien plus puissant auparavant et le sera doute encore plus tard.
Les autres prix
La Caméra d'or qui récompense un premier long métrage a été décernée par le président du jury Rithy Panh à César Díaz pour Nuestras Madres présenté à la Semaine de la critique. Il a dédié son prix aux 250 000 victimes du régime génocidaire guatémaltèque
La Palme d'or du court métrage est elle, attribuée à La Distance entre le ciel et nous, de Vasilis Kekatos. Le prix a été remis par Claire Denis, présidente du jury, au nom de la Cinéfondation.
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