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Cannes 2019 : "Rocketman", Elton John sur le divan

Avec "Rocketman" projeté au Festival de Cannes hors compétition, jeudi 16 mai, Dexter Fletcher réussit son film sur Elton John (souhaité et imaginé, dès le début, par le chanteur lui-même) en alliant de manière originale comédie musicale et… psychanalyse.

Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Taron Egerton dans "Rocketman" de Dexter Fletcher. (018 PARAMOUNT PICTURES. ALL RIGHTS RESERVED.)

Il y a des premiers plans qui, comme les premières lignes d’un bon roman, marquent d’emblée un long métrage. Les premières images de Rocketman sont de ce type. Elton John surgit, au fond d’un couloir : en contre-jour, sa silhouette en ombre chinoise apparaît la première, ou plutôt celle de son costume de scène, une combinaison dotée de grandes ailes. Le chanteur qui s’approche peu à peu porte une coiffe à cornes et des lunettes à la monture perlée en forme de cœur.

Point de non-retour

Un accoutrement extrême, comme le symbole du stade ultime : Elton John est au sommet, mais c’est aussi le point de non-retour pour le chanteur dévasté par l’alcool, la drogue et une foule d’autres addictions. Brusquement, on retrouve l’homme (brillamment interprété par Taron Egerton) dans une réunion d’alcooliques anonymes. Comme pour annoncer que cette fois, il se prend en charge. Il est à bout de forces, à cran. Et une femme l’interroge, précisément comme s’il était sur un divan. La psychanalyse peut commencer. Le film aussi.

Rocketman est le cinquième film de Dexter Fletcher, réalisateur du multi-oscarisé Bohemian Rhapsody. Il utilise ce fil, l’analyse, pour poser les questions, comme autant de chapitres de la vie (ou plutôt d’une partie de la vie, en gros les quarante premières années) du chanteur. Les réponses, elles, prennent la forme d’une comédie musicale. Une double astuce de mise en scène qui offre au film une originalité qui le distingue clairement d’un biopic.

Les chansons, fil conducteur du film

Les chansons d’Elton John (dont les textes ont été modifiés quand c’était nécessaire pour coller au film) servent donc de fil conducteur, presque à la manière d’un livret d’opéra. Your song, I’m still standing, Sorry seeems to be the hardest word, ou encore Rocket Man, évidemment, tous ces tubes offrent autant de thèmes abordés par la psychanalyse d’Elton : l’amour, la solitude, le pardon, la force de se relever...

La référence à l’enfance est l’une des constantes de ce film. Elle exprime la gratitude notamment pour une ouverture exceptionnelle de la famille à la musique, qu’elle soit classique (Elton John est passé par la Royal Academy of Music), rock (l’époque Teddy boy d’Elton), jazz, soul, country. Mais elle exprime aussi et surtout le ressentiment face au manque cruel d’affection paternelle qui ne cessera de le hanter.

Une "vie de solitude" ?

Avec pudeur et de l’humour, parfois, le film aborde tout : l’amitié, à travers l’indéfectible relation quasi-fraternelle avec Bernie Taupin (Jamie Bell, très convaincant), l’auteur des textes d’Elton John. L’homosexualité, annoncée à sa mère depuis une cabine téléphonique… "Tu as choisi une vie de solitude pour toujours", lui répond-elle. L’amour, enfin, à travers la relation tumultueuse et même néfaste avec le beau John Reid (Richard Madden, parfait méchant) qui sera longtemps son manager (un trait également présent dans Bohemian Rhapsody sur Freddy Mercury).

Elton John (Taron Egerton) fait son show dans "Rocketman" de Dexter Fletcher. (WALT DISNEY FRANCE)

Les chansons d’Elton John sont interprétées tour à tour par la plupart des acteurs qui se les transmettent à la manière d’une comédie musicale classique, mais en particulier, évidemment par Taron Egerton qui est Elton John. Très bon comédien, mais aussi chanteur, le Britannique a fait siennes les chansons au terme d’un long travail avec notamment la complicité de la star. La réussite de Rocketman est en partie là, dans la re-création d’un univers, à mi-chemin entre celui d’Elton John et celui des créateurs du film.

Energie

A la conférence de presse qui a suivi la projection de Rocketman, le réalisateur Dexter Fletcher a précisé l’implication du chanteur qui est, rappelons-le à l’origine même du projet du film : "Elton John nous a laissé raconter l’histoire, le film existait par lui-même. (…) Il était présent à tout moment, mais est resté un peu en retrait. On n’a pas eu l’impression que quelqu’un nous épiait".

Le résultat est impressionnant. Moins pour la fidélité à un récit de vie que pour l’émotion qu’il procure et l’énergie qui en émane. Les chansons sont portées avec une incroyable fraîcheur (les titres chantés dans les bars anglais sont très entraînants, la scène du premier concert au Troubadour de Los Angeles est, elle, magique) et les chorégraphies sont efficaces même si elles sont peu nombreuses. Certes, Rocketman perd un peu son souffle dans sa deuxième partie. Sans doute parce que les ressorts qui ont donné naissance au chanteur, puis à son ascension, ne sont plus là à 40 ans, lorsque l’artiste fléchit sous le poids du succès et de ses excès.

La fiche

Genre : Biopic, Comédie musicale
Réalisateur : Dexter Fletcher
Acteurs : Taron Egerton, Jamie Bell, Richard Madden

Pays : Royaume-Uni
Durée : 2h01
Sortie : 29 mai 2019
Distributeur : Paramount Pictures France

Synopsis
 : Rocketman nous raconte la vie hors du commun d’Elton John, depuis ses premiers succès jusqu’à sa consécration internationale. Le film retrace la métamorphose de Reginald Dwight, un jeune pianiste prodige timide, en une superstar mondiale. Il est aujourd’hui connu sous le nom d’Elton John. Son histoire inspirante - sur fond des plus belles chansons de la star – nous fait vivre l’incroyable succès d’un enfant d’une petite ville de province devenu icône de la pop culture mondiale. 

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