Cannes 2019 : "Vivre pour chanter" la Chine et sa modernisation forcée vue à travers une troupe d'opéra traditionnel
Vivre Pour Chanter (Huo Zhe Chang Zhe) du Chinois Johnny Ma était projeté lundi 20 mai à La Quinzaine des Réalisateurs. A travers le combat d'une petite troupe d'opéra traditionnel, il illustre la modernisation à marche forcée de la Chine aux dépends des traditions.
Vivre Pour Chanter (Huo Zhe Chang Zhe), le second long métrage du réalisateur sino-canadien Johnny Ma a été complètement tournée à Chengdu, la capitale du Sichuan, une province du centre de la Chine. Ville moyenne, elle compte quatorze millions d'habitants. Comme dans toutes les métropoles chinoises l'Etat conduit une modernisation à marche forcée. Les anciens quartiers sont tous rasés sans que les habitants soient consultés. A la place des maisons traditionnelles, souvent en très mauvais état, des immenses tours poussent comme des champignons après la pluie.
Dans la périphérie de la ville, au coeur d'un quartier misérable, une troupe d'opéra traditionnel chinois est la seule source de distraction aux alentours, particulièrement pour les habitants les plus âgés. Alors que les bulldozers détruisent une à une les maisons, la directrice de la troupe reçoit un courrier lui annonçant que son théâtre va prochainement être rasé. Sans prévenir le reste de la troupe, elle tente de lui trouver un nouveau lieu. L'administration est sourde et il va falloir se résigner à partir. Mais peu à peu les personnages traditionnels font irruption dans sa vie. Dans le même temps les plus jeunes artistes pressent la directrice de moderniser ses spectacles, l'une d'elle, sa nièce, commence même une carriere de chanteuse.
On retrouve dans Huo Zhe Chang Zhe des éléments communs à de nombreux films chinois : l'opéra traditionnel avec ses maquillages et ses costumes multicolores, la musique ancienne et les percussions dissonantes. Mais le bruit des bulldozers vient démentir ces sensations d'immuabilité. Derrière l'impression que rien ne change jamais dans l'Empire du Milieu, la modernité avance en aveugle et détruit tout sur son passage. En suivant les efforts de ces artistes pris en étau entre les avancées du "progrès" à l'extéreur et leur art vieillissant qui n'intéresse plus que les vieux, Johnny Ma nous livre ainsi un portrait en creux de la Chine d'aujourd'hui.
Très belle lumière
Sans être exagérément léchée comme dans La cité Interdite (Zhang Yimou, 2006) par exemple, l'image est particulièrement belle et les lumières si parfaitement maîtrisées qu'elles en deviennent un personnage à part entière. Le directeur de la photo, Matthias Delvaux accompagnait d'ailleurs le réalisateur et l'une de ses interprètes, la jeune Gan Guidan lors de la projection cannoise.
La pièce dans la pièce
Huo Zhe Chang Zhe se présente comme un opéra dans l'opéra, une situation assez courante dans le cinéma asiatique. Les personnages traditionnels prennent part à certaines scènes clés, le film quittant d'un coup la réalité pour faire un tour dans l'allégorie. Au final, on ne peut que se prendre d'affection pour ces Chinois dont la voix n'est pas entendue et se retrouve sacrifiée sur l'autel des intérêts étatiques. Le Sichuan, c'est loin. Mais ce n'est pas si loin.
Huo Zhe Chang Zhe (To live to Sing, traduction française Vivre pour chanter)
Film Chinois, avec coproduction française, de Johnny Ma avec Zaho Xiaoli, Gan Guidan, Lao Wu Durée 1h44
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.