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Festival de Cannes 2023 : "L'Autre Laurens", un savoureux road movie belge qui explore les codes du néo-polar

Le film du réalisateur belge Claude Schmitz est dévoilé à la Quinzaine des cinéastes. Il transporte le spectateur dans les méandres d'une enquête qui sonde la quête d'identité, les schémas patriarcaux et la reconstruction intime. À la fois drôle et mélancolique.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
"L'Autre Laurens" film de Claude Schmitz (2023) projeté en première mondiale à la Quinzaine des Cinéastes du festival de Cannes (Wrong Men / Cheval Deux Trois)

Imaginez un western moderne, tourné entre Perpignan, la frontière espagnole et la Dordogne, ajoutez une galerie de personnages à la fois fantasques et touchants, des répliques caustiques, le tout orchestré par le cinéaste belge Claude Schmitz et vous voici plongés dans la tête de L'Autre Laurens. Un tourbillon d'idées qui joue avec les codes du néo-polar présenté à la Quinzaine des Cinéastes.

On y croise un détective privé, des bikers mi-ange, mi-démon, des flics corrompus, des trafiquants de drogue, une veuve manipulatrice et une ravissante baby doll. Des personnages caricaturaux tout droit sortis d'un film de série B américain que l'histoire emmène sur les territoires du cinéma d'auteur européen. "J'avais envie de faire quelque chose de cette schizophrénie féconde", déclare le cinéaste pour raconter la genèse de son histoire avant d'ajouter : "j'ai voulu mettre de l'ironie et sûrement pas de cynisme, j'ai cherché à investir les codes du film de genre"

Les fantĂ´mes de Laurens

Dans la peau du détective privé, Gabriel Laurens incarné par le magnifique et trop rare Olivier Rabourdin. Sorte d’antihéros à la gueule burinée immédiatement attachant. La cinquantaine bedonnante, les cheveux en bataille, la mine blasée, Gabriel est plus préoccupé par la mort de sa mère que par un énième flagrant délit d'adultère.

C'était sans compter le retour inopiné de sa nièce, Jade. Une bombe blonde à la moue boudeuse façon Brigitte Bardot campée avec brio par la toute jeune Louise Leroy. Elle déboule dans sa vie sans crier gare et vient lui demander d'enquêter sur la mort de son père, le frère jumeau de Gabriel. Des jumeaux que tout oppose. François (le défunt) s'est expatrié dans un château du sud de la France (une demeure où le kitsch règne en maître nommée "La Maison blanche") alors que Gabriel se débat avec ses dettes en Belgique.

Alors quand débarque Jade, la routine de Gabriel est soudainement bousculée par le spectre maléfique de François. Car de fantômes, de faux-semblants et d'apparitions, il en est question tout au long du film. Une thématique chère au metteur en scène dont le travail théâtral est nourri par une fascination pour les pièces de William Shakespeare, plus particulièrement Hamlet.

Personnages hors-sol, répliques délicieuses

À côté de Jade et Gabriel qui offrent de puissantes joutes verbales, L'Autre Laurens se savoure également grâce à un casting délicieux. Il y a une bande de bikers qui rodent sur leurs cylindrés dans le désert, des faux méchants dont les mines patibulaires se métamorphosent en gueules d'anges. Chargé de la protection de Jade, on surprend l'un d'eux raconter une histoire à la jeune fille. Une sorte de conte de fées à l'issue redoutable narré d'une voix douce.

Le duo de flic interprété par Rodolphe Burger et Francis Soetens est, lui aussi, succulent. Sorte de Dupont/Dupond occitans, leurs répliques a fait éclater de rire la salle rappelant à certains la verve d'un certain Michel Audiard. "Un cadavre, parfois ça se cache par timidité mais ça finit toujours par réapparaître".

Francis Soetens et Rodolphe Burger dans le film "L'Autre Laurens". (WRONG MEN / CHEVAL DEUX TROIS)

Plusieurs points d'entrée

Aux confins du film de genre, Claude Schmitz s'aventure dans une dramaturgie un peu plus complexe que dans ses précédents films. "J'avais envie de faire un film sur la trahison des pères au sens large du terme", explique-t-il.

Avec ce troisième opus, le réalisateur s'amuse à brouiller les pistes (quitte à perdre avec malice le spectateur) tout en explorant des thématiques de la société actuelle. Il y est question de patriarcat, de condition féminine, d'altérité, de reconstruction et d'identité. "Il y a évidemment une critique dans le film, mais il y a aussi beaucoup de mélancolie, pour moi, ça raconte la fin d'un monde avec des hommes vieux qui reproduisent des archétypes et au milieu de ça, il y a le personnage de Jade, qui est un peu moi", confie-t-il.

Louise Leroy dans "L'Autre Laurens" de Claude Schmitz. (WRONG MEN / CHEVAL DEUX TROIS)

La fiche

Genre : Fiction
Scénario : Claude Schmitz et Kostia Testut

Pays : Belgique et France
Durée : 1h57
Sortie : prochainement
Distributeur : Arizona Distribution

Synopsis : À la demande de sa nièce, un détective plutôt spécialisé dans les adultères se retrouve à enquêter sur la mort trouble de son frère jumeau, avec qui il avait coupé les ponts. Il rallie la demeure bling-bling du flambeur défunt, non loin de la frontière franco-espagnole, autour de laquelle gravite une faune interlope : veuve américaine revenue de tout, pilote d’hélicoptère ancien marine, vieux Hells Angels à l’accent méridional, flics crapoteux recherchant un gitan disparu.

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