Festival de Cannes 2024 : "Nous combattrons jusqu'à la mort", le cri du peuple Penan contre la déforestation dans "Sauvages", le dernier film de Claude Barras
Si l'animation a son propre festival début juin à Annecy, Cannes a toujours laissé une place de choix à ce genre cinématographique. En témoigne la Palme d'or d'honneur attribuée cette année au légendaire Studio Ghibli, co-fondé par Hayao Miyazaki, à qui l'on doit des chefs-d'œuvre tels que Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Princesse Mononoké.
En témoigne aussi l'accueil réservé au réalisateur suisse Claude Barras. En 2016 déjà, il présentait à Cannes le bouleversant Ma vie de courgette dont le succès en salles fut retentissant avec plus d'un million d'entrées. Sans compter les nombreux prix dont le César du meilleur film d'animation, le cristal du meilleur film et le prix du public au Festival d'animation d'Annecy.
Les marionnettes aux grands yeux écarquillés
À cette époque déjà, Sauvages, était en gestation. Huit ans plus tard, le film projeté en avant-première à Cannes nous plonge sur l'île de Bornéo. À la lisière de l’immense forêt tropicale où elle vit, Kéria, 11 ans, découvre un jour un bébé orang-outan abandonné dans l’exploitation de palmiers où travaille son père. Alors qu’elle prend soin du petit singe, son jeune cousin Selaï vient trouver refuge chez eux pour échapper au conflit qui oppose sa famille à des compagnies forestières. Ces deux rencontres vont mener Kéria au cœur de la forêt où vivent ses ancêtres, un territoire menacé de destruction.
Le nouveau long-métrage de Claude Barras, plaidoyer flamboyant pour la défense du peuple Penan, renoue avec les petites marionnettes aux grands yeux écarquillés qui ont fait le succès de Ma vie de courgette. Signature du réalisateur valaisan, ces personnages singuliers ainsi que les décors ont demandé pour leur fabrication une année entière de travail. Le tournage réalisé à Martigny en Suisse a mobilisé quant à lui une trentaine de personnes durant sept mois.
Sauvages, comme les précédents films de Claude Barras, est réalisé en stop motion, une technique qui demande une extrême patience. Chaque scène est photographiée image par image et sur chacun des 10 plateaux installés en parallèle, la cadence est en moyenne de 4 secondes fabriquées par jour.
"J’ai conscience de n’avoir fait qu’un film. Mais je crois à la force des récits. Si mon film peut rencontrer des volontés, fédérer des idées, alors je serai content de moi."
Claude Barrasréalisateur de "Sauvages"
Si l'intrigue se déroule sur l'île de Bornéo qui abrite l'une des plus grandes forêts tropicales au monde, elle trouve son origine dans les souvenirs d'enfance de Claude Barras. "Je viens d'une famille de paysans semi-nomades, raconte-t-il. Mes grands-parents dans les Alpes pratiquaient le remuage [la transhumance], on changeait de villages en fonction des saisons. Les gens vivaient de manière très simple, au contact de la nature." Un quotidien proche de celui du peuple Penan.
Un peuple autochtone menacé de disparition
C'est ce peuple autochtone menacé de disparition qu'est venu défendre le réalisateur. Quoi de mieux que l'audience internationale du Festival de Cannes pour faire entendre sa voix ? À l'occasion de la présentation du film sur la Croisette, le réalisateur s'est entouré de trois représentants du peuple Penan. Komeok Joe, Nelly Tungang et Sailyvia Paysan ont prêté leur voix aux personnages de Sauvages.
Les deux femmes vivent en France, mais Komeok Joe, lui, est venu de Bornéo témoigner de la destruction de sa forêt ancestrale. Aux journalistes venus l'écouter, il parle de son mode de vie traditionnel, son enfance à suivre ses parents à la chasse et à la pêche. À l'âge de 20 ans, son existence qui bascule avec l'arrivée des multinationales et des compagnies forestières. Les traces de bulldozer dans la forêt, les animaux sauvages qui disparaissent et les poissons qui meurent dans les rivières. "Cette forêt est notre oxygène, notre banque, notre supermarché, explique-t-il. Pour protéger ce réservoir unique de biodiversité "et notre mode de vie, nous combattrons jusqu'à la fin de notre vie", poursuit-il.
Écrit à l'issue d'un long travail d'enquête au plus près de ce peuple autochtone, Sauvages est très proche de la réalité décrite par Tomeok Joe. Il reste encore sur l'île de Bornéo 10% de forêts primaires non exploitées et des gens dont les droits sont spoliés par des politiciens corrompus et des multinationales. Si le film s'adresse aux enfants, c'est pour mieux inviter chacun des spectateurs à agir en refusant de consommer de l'huile de palme ou des bois issus de ces forêts ancestrales ou en participant à la campagne d'impact imaginée pour la sortie du film en octobre prochain.
La fiche
Genre : Animation
Réalisateur : Claude Barras
Aves les voix de : Benoit Poelvoorde, Laëtitia Dosch, Gaël Faye, Komeok Joe, Nelly Tungang et Sailyvia Paysan
Pays : Belgique/France/Suisse
Durée : 1h27
Sortie : 16 octobre 2024
À Bornéo, en bordure de la forêt tropicale, Kéria recueille un bébé orang-outan trouvé dans la plantation de palmiers à huile où travaille son père. Au même moment, Selaï, son jeune cousin, vient trouver refuge chez eux pour échapper au conflit qui oppose sa famille nomade aux compagnies forestières. Ensemble, Kéria, Selaï et le bébé singe baptisé Oshi vont braver tous les obstacles pour lutter contre la destruction de la forêt ancestrale, plus que jamais menacée.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.