Festival de Cannes 2021 : "La Fracture" de Catherine Corsini, le poil à gratter sur la crise sociale en France
Une des réalisatrices majeures du cinéma français revient sur la Croisette avec Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmai, et Assiatou Diallo Sagna, une soignante remarquable dans un film hors-normes.
C’est la deuxième fois que Catherine Corsini est en compétition à Cannes, après La Répétition en 2001. Emblématique d’un cinéma d’auteur exigeant et intimiste, la réalisatrice change de registre dans La Fracture. Elle interroge la crise sociale française dans un film choral autour des "gilets jaunes" et des personnels soignants, tout en parlant d'amour.
Si le sujet est grave, le film est d’une drôlerie irrésistible, avec Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmai, et Assiatou Diallo Sagna, une actrice non professionnelle, soignante remarquable, dans un film hors-normes.
Mieux vaut en rire qu’en pleurer
Julie vient de rompre avec sa compagne Raf, qui fait une mauvaise chute. Elles se retrouvent toutes deux aux urgences, alors qu’affluent dans l’hôpital des blessés de la plus grosse manifestation de "gilets jaunes" à Paris. Elles y croisent Yann, très en colère, meurtri par une grenade policière. La tension monte dans la capitale, les blessés sont en surnombre et l’hôpital est débordé : bienvenue dans la nuit la plus longue…
On n’attendait pas Catherine Corsini sur un film aussi drôle avec un sujet social. Si l’on rit beaucoup, La Fracture n’est pas pour autant une comédie, ni une satire, ou une parodie. Les situations sont trop réalistes pour être de simples détournements. Elles semblent des anecdotes vécues dont "il vaut mieux rire que pleurer". Assiatou Diallo, aide-soignante, y joue son propre rôle. Au cœur de l’action, elle personnifie ce que vit le personnel soignant au jour le jour. Très applaudie, La Fracture fait évidemment écho à la pandémie.
Drôle de drame
S’il fallait qualifier La Fracture, cela pourrait être un pamphlet drolatique. Pio Marmai, en chauffeur routier qui n’a pas déclaré son absence pour manifester, énervé contre Macron, contre les patients, contre l’hôpital, et Valeria Bruni Tedeschi, en amoureuse éconduite, font des numéros de pur délire qui mettent à rude épreuve les zygomatiques. Le film est au croisement de Hara-Kiri et des Monty-Python. Mais il est aussi traversé de drames et d’émotions fortes.
C’est à l’écriture de Catherine Corsini que l’on doit une telle perspicacité, cet humour dévastateur et l’émotion qui appuie là où ça fait mal. Sa mise en scène, virevoltante au cœur de ce chaos en huis-clos de l’hôpital, le rythme dans lequel elle nous entraîne, évoquent Drôle de drame (1937) de Marcel Carné qui relève de l’absurde. Absurde dont le film n’est pas loin. Une vision de l'époque contemporaine qui touche juste, vécue et tourné à chaud, avec un œil critique et fécond, sans colère ni militantisme. Seulement une histoire habitée de vrais personnages filmés avec cœur. Chapeau ! La Palme ?
La fiche
Genre : Comédie dramatique
Réalisatrice : Catherine Corsini
Acteurs : Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmai, Assiatou Diallo Sagna Pays : France
Durée : 1h38
Sortie : Prochainement
Distributeur : Le Pacte
Synopsis : Raf et Julie, un couple au bord de la rupture, se retrouvent dans un service d’Urgences proche de l'asphyxie le soir d'une manifestation parisienne des "gilets Jaunes". Leur rencontre avec Yann, un manifestant blessé et en colère, va faire voler en éclats les certitudes et les préjugés de chacun. À l'extérieur, la tension monte. L’hôpital, sous pression, doit fermer ses portes. Le personnel est débordé. La nuit va être longue…
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