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Festival de Cannes 2021 : "Le Genou d'Ahed", brûlot sans concession de Nadav Lapid sur Israël

Ours d'Or à Berlin en 2019 pour "Synonymes", et passé par la Semaine de la critique, le réalisateur israélien est cette année dans la course à la Palme d'or.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Avshalom Pollak et Nur Fibak dans "Le Genou d'Ahed" de Navad Lapid. (PYRAMIDE FILMS)

Que cela soit dans Le Policier (2011) ou Synonymes (2019), le réalisateur israélien Nadav Lapid interroge son pays et non l'identité juive. Il ne parle pas d'un peuple mais d'une nation, de ses habitants et de ses institutions. Avec Le Genou d'Ahed, le cinéaste tire à boulets rouges sur la politique locale, sa censure et la conscription en Israël. Une gouvernance qui, selon lui, isole le pays dans le concert des nations.

La politique israélienne dans le viseur

Cinéaste, Y. est invité dans un village au milieu du désert pour présenter un de ses films et en débattre. Yahalom, jeune directrice des bibliothèques d’Israël au ministère de la Culture, l’accueille les bras ouverts. Alors qu’il peine à faire le deuil de sa mère, Y. va lui exposer sa vision d’un pays qui ne respecte plus les libertés d’expression et individuelles.

Si Nadav Lapid gardait une forme narrative limpide dans ses films précédents, notamment Le Policier, qui respectait la structure d’un thriller, ou Synonymes, construit comme un parcours initiatique, Le Genou d’Ahed est plus expérimental. Trois récits s’enchevêtrent : un cinéaste prépare un film sur une jeune palestinienne torturée, sa rencontre avec une fonctionnaire de la Culture, et le récit de son passage par l’armée. L’ensemble alimente un discours franchement hostile à la politique israélienne.

Poétique militante

Le gouvernement israélien est vilipendé en bonne et due forme, sans que Benjamin Netanyahou - Premier ministre de 1996 à 1999, puis de 2009 à 2021 - soit nommé une seule fois. Les souvenirs de la guerre du Liban du cinéaste, aller-ego de Nadav Lapid, dénoncent l'enrôlement militaire obligatoire en Israël, un lavage de cerveau par l’Etat aux yeux du cinéaste.

Avshalom Pollak et Nur Fibak dans "Le Genou d'Ahed" de Navad Lapid. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

Mais c’est à la censure politique, des idées et de l’art, que s’attaque bille en tête Nadav Lapid. La dernière partie du film, où il expose crûment ses opinions, l’oppose à une population en phase avec les attentes de l’Etat. Il renforce ainsi sa démonstration : un pays sournoisement dirigiste, qui gouverne par la peur.

La thèse de Nadav Lapid passe par une forme élaborée, traversée d’images splendides mais âpres. Le déluge orageux d'ouverture est de ce point de vue particulièrement impressionnant. Le film entremêle les temporalités plurielles et les lieux, la nostalgie d’un temps passé heureux, et les souffrances subies sous le drapeau. Le mère du cinéaste serait décédée, mais l'est-elle vraiment, puisqu'il lui parle au téléphone ?...

Si le discours politique est limpide dans ses tenants et aboutissants, Le Genou d'Ahed et sa poétique militante de l’image et du sens peut laisser le spectateur distant ou indifférent. Reste un film exigeant et révélateur du malaise que traverse la société israélienne aujourd'hui. 

Avshalom Pollak  dans "Le Genou d'Ahed" de Navad Lapid. (PYRAMIDE FILMS)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Navad Lapid
Acteurs : Avshalom Pollak, Nur Fibak
Pays : Israël / France / Allemagne
Durée : 1h40
Sortie : 19 septembre 2021
Distributeur : Pyramide Distribution

Synopsis : Y., cinéaste israélien, arrive dans un village reculé au bout du désert pour la projection de l’un de ses films. Il y rencontre Yahalom, une fonctionnaire du ministère de la culture, et se jette désespérément dans deux combats perdus : l’un contre la mort de la liberté dans son pays, l’autre contre la mort de sa mère.

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