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Festival de Cannes 2022 : "Esterno notte", la magistrale relecture par Bellocchio de l'assassinat d'Aldo Moro en un film de cinq heures

Habitué du Festival, le cinéaste italien de 82 ans revient sur la Croisette avec "Esterno notte", une série sur l'enlèvement d'Aldo Moro pendant les années de plomb en Italie, présentée sous la forme d'un film de plus de cinq heures. Fastueux, haletant, remarquable.

Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Toni Servillo est le pape Pie VI dans "Esterno Notte" de Marco Bellocchio.  (DR)

Peu avant 9 heures du matin, l'immense salle Debussy du Palais des festivals est pleine à craquer pour la projection hors compétition dans la section Cannes Première, du dernier film de Marco Bellocchio, en présence du réalisateur et de l'équipe au complet. Durée : plus de cinq heures. Un marathon pour les festivaliers qui affrontent d'un coup les six épisodes d'une série qui sera désormais diffusée en deux parties au cinéma en Italie. Après l'entracte, aucun fauteuil n'a visiblement été déserté et l'ovation après projection l'a confirmé : baptême réussi, dans ce format, pour le grand cinéaste italien, il faut dire très aimé par le festival qui lui a conféré l'année dernière la Palme d'or d'honneur.

"Ça a réveillé mon imagination"


Dans Esterno Notte (en français, extérieur nuit), Marco Bellocchio retrouve l'affaire de l'enlèvement d'Aldo Moro du printemps 1978 : un drame central dans l'histoire des années de plomb qui tint l'Italie en haleine pendant 55 jours et qui se solda par l'assassinat, par les Brigades Rouges, du président du parti de centre droit au pouvoir, coupable d'avoir tenté une ouverture du gouvernement aux communistes. La commémoration de ces événements à l'occasion de leur quarantième anniversaire en 2018 et son déluge de livres et autres enquêtes parus à ce moment, ont "inspiré" le cinéaste, rencontré dans une terrasse de Cannes, le lendemain. "Plus encore qu'un intérêt historique, ça a réveillé mon imagination", nous dit-il. 

Attention : version italienne non sous-titrée

"J'avais observé de l'intérieur l'emprisonnement d'Aldo Moro dans mon film Buongiorno Notte. J'ai voulu maintenant en explorer l'extérieur, en choisissant des personnages de l'affaire, et donc le ministre de l'intérieur de l'époque, la femme d'Aldo Moro, le pape, et deux des terroristes". Résultat, une plongée passionnante dans cette histoire où Bellocchio a choisi de s'intéresser, à chaque épisode, au point de vue d'un des personnages. Pour chacun se repose donc la question centrale : pourquoi Moro a-t-il été assassiné, pourquoi n'a-t-on pas réussi (ou voulu) le libérer ?

Au plus près des personnages de l'affaire

Si le film est globalement une charge contre le parti de la Démocratie Chrétienne (DC), Bellocchio ne condamne jamais les personnes devenues ses personnages. Il nous fait vivre au plus près d'eux et de leur vision subjective de la réalité. Ainsi par exemple perçoit-on la rage de Eleonora Moro de voir l'incapacité de l'Etat à trouver un compromis permettant de sauver son mari. Ou le ministre de l'intérieur Cossiga en charge de l'affaire (et fils politique de Moro) englué dans l'enquête – les plans de lui dans la salle d'écoute de la police sont remarquables -. Enfin le pape Paul VI, ami personnel de Moro, autoriser qu'on livre des liasses de billets aux terroristes si cela peut permettre une issue favorable…

Pour donner corps à son propos, le réalisateur s'est offert un casting de choix. Le brillant Toni Servillo (La grande bellezza) est dans la peau du pape, Fabrizio Gifuni (découvert dans Nos meilleurs années), incarne Aldo Moro, d'une troublante ressemblance et justesse, et enfin Barbara Buy, égérie de Nanni Moretti, interprète avec délicatesse Eleonora Moro.

Digressions oniriques

Du beau cinéma, à la photographie impeccable et à la musique grandiose, mais qui a su s'adapter aux règles des séries haletantes d'aujourd'hui. "Evidemment, ça a comporté un style plus sec et plus rapide, qui évite de s'attarder sur certaines situations mais qui soit plus sur les personnages. Un style plus efficace et plus facile. Souvent c'est juste champ contre-champ !", s'amuse le réalisateur.

Un style qui n'aura pas empêché ses morceaux de bravoure, des digressions oniriques et parfois très lyriques, si caractéristiques du cinéma de Bellocchio, Comme ce plan inouï d'Aldo Moro portant littéralement sa croix tel le Christ, dans le rêve éveillé du pape en ce jour de Pâques, qui en perd sa santé. "Il est clair que la vérité historique a besoin de ces libertés, de cette fiction", dit simplement Bellocchio. C'est ainsi.

L'affiche du film de Marco Bellocchio "Esterno Notte".  (DR)

La fiche

Genre : Drame, Historique
Réalisateur : Marco Bellocchio
Acteurs : Fabrizio Gifuni, Margherita Buy, Toni Servillo
Pays : Italie
Durée : 300 minutes
Sortie : non communiquée

Synopsis : 
L'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades rouges en 1978.

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