Festival de Cannes 2023 : rencontre avec Mouloud Aït Liotna, réalisateur de "La maison brûle, autant se réchauffer", premier film kabyle sur la Croisette
"Je n’ai pas sauté de joie, j’étais content mais calme", confie Mouloud Aït Liotna, réalisateur du film La maison brûle, autant se réchauffer. Son premier film a été sélectionné pour la Quinzaine des cinéastes dans la catégorie court métrage. Il avoue être quelqu’un de réservé, non exubérant derrière sa barbe bien fournie. Mouloud Liotna est tellement réservé qu’il a voulu s’effacer dernière un pseudo. "Ce n’est pas mon vrai nom, Liotna c’est pour rendre hommage à ma région, à la région de mes parents. J’ai gardé mon prénom", précise Mouloud… Ouyahia, l’ancien étudiant en cinéma et philosophie. Son ami et coproducteur, Jules David confie : "on s’est rencontrés il y a huit ans à la fac, en master de production à Montpellier. Mouloud est brillant intellectuellement, il est érudit. Il a une vision un peu noire du monde et n’aime pas être mis en avant".
Premières fois
Tout en retenue, jusqu’à sa joie. Pourtant, le jeune cinéaste de 32 ans a plusieurs raisons de se réjouir. "C’est le premier festival à qui j’avais envoyé une version non finie du film". Et le premier à l’accepter. Mouloud Aït Liotna avoue aussi que c’est sa première interview. "Ma première interview de toute ma vie", insiste-t-il. Beaucoup de premières fois pour l’enfant de Tazmalt, Béjaïa. C’est aussi la première fois qu’un film kabyle est sélectionné à Cannes. La maison brûle, autant se réchauffer est un miracle. La météo, d’abord. "J’ai imaginé mon film en hiver, un temps humide, gris. Avant le tournage, en janvier 2023, il avait fait beau pendant des mois. Je me suis résigné à tourner en plein soleil. Une semaine avant le tournage, il a plu très fort et il y avait même de la neige en montagne. Et il n’a plus plu depuis. Aucune goutte", confie Mouloud Liotna, réalisateur, scénariste et coproducteur.
Il était une fois trois amis…
La maison brûle, autant se réchauffer raconte une histoire d’amitiés entre trois jeunes kabyles, à la veille du départ de l’un d’eux pour la France. C’est aussi l’histoire d’une Kabylie qui se vide de ses habitants, notamment des jeunes qui, contraints et forcés ou simplement attirés par un ailleurs plus prometteur, s’exilent. Yanis, le personnage central, rêve d’Europe, un de ses deux amis veut s’installer au Sahara et l’autre vit comme il peut chez lui. "C’est une histoire ancrée dans un territoire, dans une langue. Je veux parler d’aujourd’hui, pas du passé", affirme, d’une voix douce mais déterminée, celui qui dit avoir en horreur "le folklore". Y a-t-il des éléments autobiographiques dans ce film d’auteur ? "Sûrement mais ce n’est pas ma vie", tranche le réalisateur. "On reconnaît un peu Mouloud dans chacun des trois personnages", nuance Jules David. Mouloud Ouyahia, admirateur de Robert Bresson et de Tariq Teguia, préfère montrer que démontrer. Bientôt en Algérie ? "La première africaine, je la réserve aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa. C’est obligatoire", sourit-il. La maison brûle, autant se réchauffer, un film poétique, porté par des acteurs amateurs inspirés.
Fiche technique
Réalisation et scénario : Mouloud Aït Liotna
Durée : 43 minutes
Distribution : Mehdi Ramdani et Mohamed Lefkir
Synopsis : Yanis, un jeune Kabyle, part demain pour Paris. Il rallie la petite ville locale pour régler ses dernières affaires. Il y apprend la mort d’un ami d’enfance, en rencontre un autre à l’enterrement. Une mésaventure au café transforme cette dernière journée au bled en galère et en road-movie, d’abord désespéré, puis pensif et mélancolique, dans une Algérie terreuse et détrempée
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