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Festival de Gérardmer : quand le cinéma fantastique rencontre l’actualité

Au dernier jour du festival, trois films se distinguent par leur sujet traitant de la finance, des lanceurs d’alerte, ou du premier confinement au printemps 2020.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Beau Knapp dans "Mosquito State" de Filip Jan Rymsza; (DROITS RESERVES)

Si le fantastique et la science-fiction sont les genres de l’imaginaire, comme des fééries modernes, ils abordent en abîme des réalités contemporaines. Ils pointent souvent en filagramme des troubles sociétaux (famille, couple, genre…) ou projettent dans le futur des problématiques anxiogènes du présent (science/technologie, politique, écologie…) et s’apparentent à des sonnettes d’alarme.

Le 28e Festival de Gérardmer, qui se termine ce dimanche 31 janvier, en a donné trois exemples probants. Mosquito State, a en toile de fond la crise financière des subprime, Sweet River, les lanceurs d’alerte, et Host, le confinement du printemps 2020.

"Mosquito State" : invasion de moustiques à Wall Street

En 2007, Richard Boca, introverti maladif, est un brillant et riche analyste financier à Wall Street. Après avoir invité une jolie collègue dans son penthouse, et qu'un de ses subordonné cherche à prendre sa place, sa vie bascule. Alors qu’une invasion de moustiques frappe Central Park, Richard est piqué par un de ces insectes virulents, et fait une violente réaction cutanée. Par vengeance, il en fait un élevage et développe un étrange pouvoir sur la nuée qu'il a engendrée.

Situé à la veille de la crise des subprime, cette surprenante coproduction américano-polonaise est le meilleur film visionné à ce jour en compétition, et pourrait bien décrocher la timbale, tant il est original, pertinent et d’une beauté visuelle renversante. Si les clins d’œil à La Mouche (1990) de David Cronenberg abondent, c’est l'intrigue financière qui domine. La métaphore des moustiques, souvent assimilés à des vampires (tous deux sucent le sang), reprend celle des hauts financiers baptisé "ploutocrates" dans la presse du XIXe siècle, suceurs des deniers des ouvriers. Une réussite totale !

"Sweet River" : une mère courage affronte une vindicte locale

En Australie, Hanna a perdu son fils enlevé par un tueur en série qui vient de mourir dans une bourgade reculée. Enquêtant sur place pour retrouver le corps de son disparu, elle soulève de lourds secrets locaux liés à la culture de la canne à sucre, et doit affronter l’opposition des riverains mais aussi celle des nombreuses victimes mortes qui viennent la hanter.

Cette femme effondrée, devenue alcoolique et droguée suite à la disparition de son fils, est une mère-courage. Son combat pour connaître la vérité s’apparente à celui d’une Erin Brockovich, seule contre tous (Steven Soderbergh, 2000) ou à l'assureur du récent Dark Water (Todd Haynes, 2020), deux films également liés à la pollution d’une rivière. Celle de Sweet River est souillée par les morts, ceux d’une communauté qui veut maintenir le couvercle sur des pratiques occultes pour maintenir un équilibre précaire et dangereux dans le village. Une belle métaphore des lanceurs d’alerte, un peu longue mais traversée de fulgurances.

"Host" : le spiritisme à l’heure des confinements

Moyen métrage britannique de 1h02, Host voit un groupe d’adolescentes pratiquer une séance de spiritisme via la plateforme de visioconférence Zoom pendant le confinement du printemps 2020. Après la rigolade, des phénomènes violents de hantise se manifestent chez chacune des protagonistes. Host est sans doute le premier film à évoquer l’époque actuelle, dominée par la crise sanitaire du coronavirus et ses conséquences psychiques sur les individus.

La première originalité de ce petit film réalisé avec "deux euros six cents", est de respecter la ligne graphique d’un écran d’ordinateur de bout en bout. On se croirait devant son écran en train d’assister à une visioconférence, avec ses interfaces, les vignettes des participants… et ses bugs. Le plus inquiétant étant l’intrusion des esprits invoqués par les apprenties médium, comme si les morts (décédés du Covid-19 ?) venaient les happer. Mélange de Démons (Lamberto Bava, 1985) où des entités s’échappent d’un écran de cinéma, et de la série de films Paranormal Activity (six films de 2009 à 2015 et un septième attendu en 2022), Host est à la fois angoissant, cynique et amusant. Quand le manque de moyen rime avec créativité.

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