"Filme l'avenir" : l'initiative de Jamel Debbouze qui rapproche les jeunes de leur rêve de cinéma
Un petit film de 90 secondes pour mettre le pied à l'étrier. C'est la proposition de Filme l'avenir à des jeunes qui souhaitent faire carrière dans le cinéma. La tournée estivale de la cinquième édition a démarré jeudi 4 juillet au Point Fort, espace culturel majeur à Aubervilliers. Cette formation au 7e art, organisée par l'association de l'humoriste Jamel Debbouze et conçue par Aurélie Cardin, se décline en vingt-trois autres rendez-vous à travers la France jusqu'au 20 août prochain. Pendant deux jours, à chaque escale, des jeunes de 16 à 30 ans peuvent se frotter à leurs rêves : exercer les métiers du cinéma dans le cadre d'une formation initiale ou d'une réorientation professionnelle.
L'apprentissage pour la trentaine de participants consiste à réaliser un film collectif de 90 secondes sous la houlette d'un professionnel. Le fil rouge de cette année : "On s'bouge !". Un leitmotiv "en lien avec la grande cause nationale du sport", précise Aurélie Cardin. Plus qu'un clin d'œil aux Jeux de Paris, c'est un hymne au mouvement aussi bien dans l'art que dans le quotidien. "C'est aussi une métaphore de ce que nous faisons. On bouge les lignes, on lutte contre les stéréotypes", poursuit Aurélie Cardin. "Filme l'avenir" rend une industrie réputée élitiste plus accessible dans les quartiers populaires et les campagnes, de Mamoudzou (Mayotte) à Blaye (Gironde) en passant par Marseille. "L'atmosphère politique [devenue plus électrique avec les élections législatives 2024] nous donne encore plus l'envie de faire cette tournée." Cette dernière s'appuie sur le tissu associatif dans chaque localité d'accueil.
Encadré par les pépites de "Talents en court" du Comedy Club
Les jeunes sont encadrés par des personnalités qui, il y a quelques années encore, étaient des néophytes comme eux. Ils ont été révélés par "Talents en court" du Comedy Club de Jamel Debbouze. Un "tremplin", qui existe depuis 2012, où les talents viennent pitcher leurs courts de 15 minutes sur la scène du Comedy Club. "Ce sont des autodidactes, des gens qui n'étaient pas du sérail et qui sont devenus des professionnels du cinéma", explique Aurélie Cardin, en charge de l'initiative.
Parmi eux, la cinéaste Maïmouna Doucouré qui a obtenu le César du court-métrage pour Maman(s) en 2017. Récemment, la réalisatrice de Mignonnes était membre du jury Un Certain Regard au Festival de Cannes. "Talents en court" a permis aussi de découvrir Nora El Hourch qui a signé HLM Pussy ou encore Steve Achiepo, le réalisateur du film Le Marchand de sable. Josza Anjembe, qui a réalisé le court-métrage Le Bleu blanc rouge de mes cheveux est aussi une révélation de ce tremplin. "Une vingtaine de Talents en Court ont été sélectionnés aux César", note Aurélie Cardin. Aujourd'hui, ces professionnels aguerris "ont à cœur de transmettre". "Ils ont de la pédagogie et sont exigeants dans le geste cinématographique. Ils veulent donner à leurs élèves l'envie d'aller plus loin". Vingt-quatre "pépites" du "tremplin" rejoindront la tournée.
S'inspirer de tout
Pour les apprentis, la première journée de formation commence par les témoignages de "personnalités inspirantes" invitées pour l'occasion. Shaima Kolli, championne d'Europe de qwankido (art martial), Ayoub Marceau, stand-uppeur du Comedy Club et ancien athlète de haut niveau, ainsi que le sociologue Akim Oualhaci, lui-même pratiquant de boxe, accompagnent la première session à Aubervilliers.
Les organisateurs espèrent que "les anecdotes et le parcours de ceux qui viennent rencontrer les jeunes" constitueront de la matière pour leurs films. À Aubervilliers, "les élèves ont accès à l'espace Zingaro [théâtre équestre de Bartabas] où il y a une cinquantaine de chevaux", un décor potentiel pour leurs œuvres. Tout comme l'atelier du sculpteur Rachid Kimoune, "originaire d'Aubervilliers et mondialement connu pour ses œuvres monumentales".
La première matinée se poursuit avec la découverte d'un kit pédagogique. "On explique ce qu'est un film, un court, comment il se construit, ce qu'est la dramaturgie, la situation initiale, l'élément déclencheur, le climax, la résolution... On essaie de leur donner les clés pour qu'ils comprennent les termes employés par leurs encadrants et qu'ils arrivent à réaliser un film percutant". Après les explications, des travaux pratiques autour de courts de 90 secondes déjà produits.
Dès la fin de la matinée, les groupes sont formés. Chaque professionnel est en charge d'une équipe de cinq personnes. La phase d'écriture démarre alors. Les différentes équipes travaillent sur leurs pitchs l'après-midi après avoir été initiées aux codes du cinéma. Au terme de cette première journée, les tâches se répartissent au sein de chaque équipe sous la supervision de l'encadrant. La deuxième journée est dédiée aux tournages effectués avec "des caméras professionnelles cette année", puis au montage qui se fait de manière collective. Les films sont projetés à 17h. "Les participants ne sont jamais dans une position passive, fait remarquer Aurélie Cardin. On fait la part belle à leurs imaginaires et à leurs idées. Nous les poussons à les mettre en forme, de la façon la plus spectaculaire, sensible et poétique possible".
"Un vivier d'emplois"
Au total, 70 films seront produits. Une soixantaine sera diffusée par France.tv Slash, la chaîne du groupe France Télévisions dédiée aux jeunes adultes. La diffusion est une validation supplémentaire pour ces apprentis. Pour poursuivre leur initiation, ils sont d'ailleurs invités à participer à "Talents en Court" du Comedy Club, qui se tient une fois par mois.
À la suite de la tournée, une masterclass est organisée dans les locaux de France Télévisions, partenaire de l'initiative. Le 15 novembre prochain, vingt films issus de la formation seront projetés dans le cadre du festival Cinébanlieue créé par Aurélie Cardin. Pour ceux qui n'ont pas pu participer à la tournée, un concours national est ouvert jusqu'au 30 septembre pour accueillir leurs œuvres de 90 secondes. Certaines seront également sélectionnées et diffusées pendant le festival Cinébanlieue en novembre.
Démocratiser l'accès au cinéma, "c'est notre vocation", insiste Aurélie Cardin. "C'est un secteur où l'on va employer énormément. Il ne faut pas que seuls les élèves, dont les parents peuvent payer des écoles privées à 10 000 euros l'année, puissent y accéder parce que l'industrie est un vivier d'emplois. Et dans les quartiers et la ruralité, on a besoin de boulot", souligne Aurélie Cardin.
Depuis 2020, "Filme l’avenir" a formé plus de 2000 jeunes dans 73 villes et ils ont tourné 350 films. "Certains sont entrés à la CinéFabrique à Lyon, une école gratuite très ouverte sur les profils, d'autres à la Femis ou à l'INA, indique Aurélie Cardin. D'autres encore se sont formés sur le tas et travaillent pour des productions".
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