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"BoJack Horseman" et "Le droit à la paresse" : nos conseils pour se cultiver pendant le confinement

Série d’animation devenue véritable phénomène, "BoJack Horseman" est une satire trash et sans aucune limite du monde hollywoodien, incarnée par une distribution de stars impressionnante.

Article rédigé par Yann Bertrand, Thierry Fiorile
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
BoJack Horseman et son idole, Secretariat. (NETFLIX)

Pour passer le temps avec le confinement, franceinfo vous propose des conseils culture pendant cette période particulière de lutte contre le coronavirus. Chaque jour, nous vous conseillons de la lecture, de la musique, des séries ou des films.

Une série d'animation : BoJack Horseman

Ce dessin animé-là, il n’est pas franchement conçu pour les enfants. Car si depuis les Simpsons, le monde de l’animation sait parler aux adultes, sans respecter ni la morale ni les conventions du genre, ce BoJack Horseman, à regarder en version originale pour les voix connues et hilarantes, franchit un nouveau palier. BoJack est un cheval, déjà, dans un monde où les humains et les animaux cohabitent comme si de rien n’était. BoJack est aussi un acteur hollywoodien, très connu grâce à une série dans les années 1990, devenu un has been aujourd’hui. Le problème, c’est que BoJack est aussi un peu cintré, drogué, alcoolique, incapable de s’engager.

Rarement une série n’était allée aussi loin, dénonçant aussi bien le monde du showbiz que les politiques, la consommation à outrance, les réseaux sociaux, le mode de vie américain, en fait. En six saisons, la dernière mise en ligne sur Netflix en début d’année, cette série originale de la plateforme américaine a rassemblé derrière elle des millions de fans à travers le monde, devenant un monument de culture populaire moderne. Grâce à BoJack, on hurle de rire ou on pleure de rage, l’émotion est partout dans les recoins d’une histoire finalement très déprimante.

Will Arnett et Aaron Paul, le Jesse Pinkman de Breaking Bad, prêtent leurs voix et bien plus aux deux personnages principaux. Mais d’Andrew Garfield à Paul McCartney, en passant par Daniel Radcliffe ou Lin-Manuel Miranda, le casting des invités est impressionnant. Chaque épisode de 20 minutes est une découverte ; BoJack, sale, méchant, dépressif... Mais tellement attachant.

Un livre : Le droit à la paresse, de Paul Lafargue

C'est un classique des sciences sociales, un pamphlet d'une quarantaine de pages, drôle, vif, provocateur pour l'époque, qui paraît en 1880. Paul Lafargue est un acteur important de la création du mouvement socialiste en France, il y a consacré sa vie. Révolutionnaire, républicain, anti-clérical, il estime que la classe ouvrière de la fin du XIXe siècle, est possédée par une étrange folie. "Cette folie, c'est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces de l'individu et de sa progéniture", c'est ainsi que débute "le droit à la paresse".

Selon Lafargue, les ouvriers aveuglés par la morale chrétienne et bourgeoise, "se sont laissés pervertir par le dogme du travail", laissant aux possédant le loisir de jouir eux, des bonheurs de l'existence.

Vilipender ainsi les travailleurs, était d'autant plus audacieux que Paul Lafargue était le gendre de celui qui s'était donné pour mission d'éclairer les classes laborieuses : Karl Marx en personne. Il le rencontre à Londres, se met à son service et ne tarit pas d'éloge sur cet homme charismatique et bourreau de travail. Un amour pas vraiment réciproque. Quand Paul Lafargue avoue ses sentiments pour Laura Marx, la préférée de son père, celui-ci constate cinglant le déplacement de "l'attraction du père à la fille". Marx l'appelle "le créole", il l'est par sa mère cubaine et ne se résoudra au mariage de sa fille qu'une fois la question de la dote réglée.

Un temps considéré comme un sympathique pamphlet, "Le droit à la paresse" est devenu un texte fondateur. Annonciateur des revendications futures d'une classe ouvrière à l'époque écrasée de travail, il porte une provocation dont certains ne se remettront pas : l'emploi du mot "paresse" n'est pas innocent, il ne dit pas loisir, ni temps libre, qui seront plus tard des valeurs marchandes. Paul Lafargue est en avance sur son temps, il dénonce la surproduction et la recherche incessante de nouveaux marchés. Pour les marxistes orthodoxes il va sans doute trop loin, le travail, quand même ! Il est capable de fulgurances et de contradictions non résolues, mais sa lecture est réjouissante, "ô paresse, mère des arts et des nobles vertus, sois le baume de nos angoisses humaines", à méditer par les temps qui courent.

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