"C'est un univers riche et plein d'humanité" : après la BD et la série, "Yakari" arrive au cinéma
Créé il y a cinquante ans par les bédéistes Derib et Job, le célèbre petit indien s'invite dans les salles de cinéma le 12 août. Le coréalisateur Xavier Giacometti nous emmène dans les coulisses de cette nouvelle adaptation.
Il a bercé l'enfance de plusieurs générations, d'abord sur papier puis à la télévision. Le petit Sioux Yakari et son fidèle mustang Petit Tonnerre partent pour la première fois à l'assaut des salles de cinéma avec une nouvelle adaptation qui revient aux origines de l'histoire.
Yakari, la grande aventure, réalisé par Xavier Giacometti et Toby Genkel, est tiré du tout premier album de Derib et Job, Yakari et Grand Aigle, publié en 1973. L'occasion de présenter le personnage à une nouvelle génération d'enfants et d'installer les principaux axes narratifs, notamment le don qu'obtient Yakari de parler avec les animaux et son amitié avec Petit Tonnerre, le mustang le plus rapide de la plaine. Une série de péripéties entraîne le petit garçon dans un voyage initiatique, porté par des paysages nimbés de lumière, aux couleurs chatoyantes.
Cet univers et ces personnages, Xavier Giacometti les connaît bien. Avant le film, le cinéaste a adapté la bande dessinée culte pour la télévision. A son actif : quelque 150 épisodes diffusés à partir de 2005 dans les émissions France Truc et Zouzous. Il nous raconte le passage de son petit protégé au cinéma.
franceinfo Culture : Yakari et vous, c'est une longue histoire, comment a-t-elle commencé ?
Xavier Giacometti : Ça a commencé il y a une quinzaine d’années. Je connaissais le personnage car c'est un grand classique de la bande dessinée. C’est une œuvre incroyable, avec un univers très riche. On a été capables d'écrire 152 épisodes, un long-métrage et on peut encore raconter des tas d'histoires.
Après la série, pourquoi avoir porté Yakari sur grand écran ?
C’est une question qu’on s’est posée il y a dix ans. On était en train de travailler sur la saison 2 de la série et on s’est dit que Yakari était fait pour le cinéma. Tous les ingrédients sont là : les grands espaces, l'aventure et ce monde sauvage vu à travers les yeux d'un petit Sioux de six ans… Mais c'était un rêve, un rêve complètement fou ! L’idée a fait son chemin. Ce qui est fort dans ce que Derib et Job ont créé, c’est que Yakari peut évoluer sur tous les supports.
Quelles techniques d'animation avez-vous utilisées ?
On a mélangé de l'animation en 3D et des décors en 2D. Mais notre travail est de faire oublier au spectateur que ce sont deux techniques différentes. Ainsi, on voulait que l'animation (en 3D) se rapproche le plus possible de la bande dessinée et donc de la 2D. Pour les décors, on a travaillé sur la profondeur, la spatialisation, de manière à faire oublier que ce sont des dessins en aplat. Nous avons choisi cette technique car la 3D est très lourde à produire. Or, Yakari se déplace énormément. Réaliser les décors en 2D nous permettait de le faire aller plus loin et dans des lieux plus variés.
Les décors sont très riches, comment les avez-vous réalisés ?
On a notamment travaillé sur les couleurs, qui évoluent en fonction de l’état d’esprit du personnage. Avant de me pencher sur les paysages, j'ai beaucoup discuté avec David Dany, le directeur artistique. Quand on façonne les décors, la lumière ou les couleurs, on raconte l'histoire. Même la musique [composée par Guillaume Poyet] renforce chaque idée ou intention. Les couleurs sont un élément narratif, pas seulement des fonds, pour faire joli. Il faut que le spectateur soit sensible à ce qui se passe dans la tête de Yakari. Par exemple quand il rencontre Petit Tonnerre, le ciel est bleu électrique, car dans son esprit, c'est la fête. Il devient plus nuageux quand Yakari se fait éjecter du cheval, parce que pour lui, c'est dramatique.
Comment décririez-vous Yakari ?
Tous les enfants du monde peuvent s’identifier à lui. Ce n’est pas un enfant sage, mais un enfant tout court. Il fait des bêtises, il se trompe parfois mais il a énormément d'énergie. Il est également généreux, c’est un cœur pur. Yakari a un coup de foudre pour Petit Tonnerre. Il veut devenir son ami et part à l'aventure pour cela : c'est une démarche désintéressée. Il est respectueux des autres et à la fin du film il a gagné en maturité. Yakari, c'est tout ça. C'est pour cela qu'on s'y attache et que 50 ans après le premier album, il existe toujours.
Qu'apprend-il à une nouvelle génération d'enfants ?
Ce qui donne une modernité et une universalité à Yakari - mais c'était déjà présent dans la BD - c'est que les membres de sa tribu vivent au même rythme que la nature, et ne prélèvent que ce dont ils ont besoin. Yakari porte un message de respect de tout ce qui nous entoure. Malheureusement c’est une problématique qui se pose aujourd’hui. On questionne la place de l’homme dans la nature, car on est à la merci d'un virus ou d'un changement climatique et que si on n'avait pas essayé de produire plus que ce dont on a besoin, peut-être qu'on en serait pas là aujourd'hui. L’idée n’était pas de faire de Yakari un pamphlet écologiste. Notre intention était de raconter une belle histoire, celle d’un enfant qui vit en harmonie avec la nature. Grand Aigle lui dit : "celui qui fait le bien autour de lui est un brave". C'est l'ADN de Yakari.
Vous préparez également un nouvel album avec l'illustrateur Derib ?
L'éditeur a souhaité me confier le scénario de la prochaine BD, Le fils de l’aigle, qui sortira en octobre. J'ai dit oui tout de suite sans réfléchir aux conséquences. Je ne savais pas à quoi ressemblait un scénario de bande dessinée ou si j'en étais capable… Mais ça ne se refuse pas, c'est un super cadeau ! Ça fait 15 ans que je vis avec Yakari, je suis complètement imprégné de ces personnages, de cet univers. J'ai proposé d'ajouter dans cette bande dessinée des liens avec le film : on y retrouvera la Griffe de l'Ours, cette falaise qui permet à Yakari de se repérer. J'ai aussi absolument voulu garder Tilleul, le petit castor : c'est un personnage génial. Il est mignon, mais aussi teigneux, c'est un petit malin.
Après le cinéma, quelle est la prochaine étape pour Yakari ?
Si on me repropose de travailler sur un album de Yakari, je serai très heureux. Je rêve aussi de refaire un long-métrage, ou une nouvelle saison de la série. Pour l’instant il n’y a rien d’officiel, on verra. Que je travaille dessus ou pas, Yakari a forcément un avenir car c'est un univers riche et plein d'humanité.
La fiche
Genre : Animation, famille, aventure
Réalisateur : Xavier Giacometti, Toby Genkel
Acteurs : Aloïs Agaësse-Mahieu, Arielle Vaubien, Hannah Vaubien
Pays : France, Allemagne, Belgique
Durée : 1h23
Sortie : 12 août 2020
Distributeur : Bac Films
Synopsis : Alors que la migration de sa tribu est imminente, Yakari le petit Sioux part vers l'inconnu pour suivre la piste de Petit-Tonnerre, un mustang réputé indomptable. En chemin, Yakari fera la rencontre magique de Grand-Aigle, son animal totem, de qui il recevra une superbe plume... et un don incroyable : pouvoir parler aux animaux. Seul pour la première fois, sa quête va l'entraîner à travers les plaines, jusqu'au territoire des terribles chasseurs à peaux de puma... Mais comment retrouver la trace du tipi ? Au bout du voyage, le souffle de l'aventure scellera pour toujours l'amitié entre le plus brave des papooses et le mustang plus rapide que le vent.
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