Hitler de retour dans une comédie allemande
Hasard de calendrier, le film, adapté du best-seller de l'écrivain Timur Vermes publié en 2012 et tiré à 2,3 millions d'exemplaires, sort alors que l'Allemagne est au prise avec un afflux de centaines de milliers de migrants, entraînant une certaine résurgence de mouvements populistes et d'actes racistes.
"Il est de retour" ("Er ist wieder da") raconte les aventures d'un Hitler catapulté en 2014. Le dictateur, mort en 1945 dans son bunker, se réveille au pied d'un immeuble, près de 70 ans après la chute du Reich, et découvre une Allemagne multiculturelle dirigée par une femme.
Le moustachu apprend que la Pologne existe toujours, découvre les chaînes culinaires du câble ou encore Wikipédia. Vite repéré par une télé qui le prend pour un comédien, il devient une vedette du petit écran.
Plus qu'une simple adaptation, le réalisateur allemand David Wnendt a aussi filmé des séquences bien réelles de rencontres entre l'acteur Oliver Masucci grimé en Hitler et des passants.
Souvent accueilli par des sourires
Touristes, fans de foot ou villageois bavarois : le faux Hitler est souvent accueilli par des sourires, signes de la main, voire des saluts nazis et discute politique avec un public souvent réceptif. "Oui, créons un camp de travail!" confie l'un au dictateur, quand d'autres, malgré les caméras, lui témoignent leur sympathie. "Il existe une colère muette dans le peuple, comme en 1930", décrète d'ailleurs le dictateur.L'acteur s'est dit quelque peu effrayé de ce succès, tout comme une partie de la presse. "Les gens ont besoin de parler, ils veulent s'épancher auprès d'un Hitler paternel qui les écoute. J'ai trouvé effrayant la vitesse avec laquelle on peut conquérir les gens. Ils se tenaient tout de même debout aux côtés de Hitler ", raconte dans les colonnes du quotidien Bild Oliver Masucci, qui estime avoir pris 20.000 à 25.000 "Hitler selfies" lors du tournage.
"Un faux Hitler, une petite moustache a manifestement un effet décomplexant, comme un catalyseur et offre un aperçu du gouffre allemand", commente le Berliner Morgenpost, pour qui le dictateur n'est en réalité "jamais parti". "L'idéologie de droite, qui couve jusqu'à aujourd'hui, a récemment trouvé de nouvelles tribunes pour se faire entendre", poursuit le quotidien, en référence notamment aux populistes d'Alternative für Deutschland (AfD) ou des islamophobes du mouvement Pegida lancé à l'automne 2014 qui avec la crise des réfugiés attire à nouveau des foules dans l'Est du pays. Dans la salle, certains spectateurs n'ont pas manqué d'y reconnaître certaine réalité, tandis que d'autres dénonçaient une caricature maladroite.
"Hitler fait vendre, Hitler est pop"
"C'est la réalité. Il faut en parler. Ce film montre que les gens sont manipulables et permet d'aborder, certes d'une façon légère, par le rire, un sujet dont on n'a pas le droit de parler en Allemagne. Il arrive exactement au bon moment car le danger est là", soutient Tobias à la sortie de la salle obscure."C'est trop artificiel", s'insurge a contrario Angela, qui a préféré le livre, "le film veut trop en faire avec la peur du national-socialisme. Le film ne montre que les pires séquences" de rencontres entre Hitler et les passants. L'hebdomadaire Der Spiegel est tout aussi irrité : "quelle serait la réaction convenable des passants face à l'Hitler -mascarade?". L'expérience "ne démasque en réalité rien du tout".
Enfin, pour le quotidien Tagesspiegel, ce film illustre avant tout le succès médiatique croissant ces dernières années des sujets sur le dictateur.
"Hitler vend, Hitler est pop", commentait mercredi le journal, renvoyant à une "banalisation du mal", alors que la figure du dictateur, longtemps tabou, apparaît maintenant dans nombre d'ouvrages et publicités.
Et le despote n'en a pas fini de hanter les écrans outre-Rhin, la grande chaîne privée RTL prévoyant une série télévisée. "Hitler est une matière extrêmement captivante et en même temps particulièrement actuelle", expliquait RTL au quotidien Berliner Zeitung.
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