"Hunger Games", une saga plus politique qu'il n'y paraît
La franchise, avec Jennifer Lawrence dans le rôle principal, a beau être un énorme succès, son message pourrait presque être subversif.
Dans un futur proche mais imaginaire, l'Amérique du Nord est devenue Panem, une nation totalitaire administrée d'une main de fer par le président Snow. Le territoire de Panem est divisé en une douzaine de districts, plus ou moins pauvres. La saga Hunger Games, en livres d'abord, sous la plume de Suzanne Collins, met en scène cet univers dystopique. Le troisième et avant-dernier volet des aventures de Katniss Everdeen, l'héroïne incarnée par la très cool Jennifer Lawrence, sort mercredi 19 novembre au cinéma.
Les deux premiers films de la franchise ont rapporté respectivement 552 et 690 millions d'euros de recettes à travers le monde, estime le site spécialisé Mojo Box Office. En librairie ou dans les salles obscures, Hunger Games est un vrai phénomène culturel, qui s'adresse plutôt à un public adolescent. Mais derrière le pur divertissement, le sous-texte de ces films d'action s'avère plus politique qu'il n'y paraît. Explications.
Une héroïne face à une crise de la représentativité
En conférence de presse, pour la sortie du dernier opus, intitulé La Révolte, et qui montre, comme son nom l'indique, la rébellion d'une partie de la population de Panem contre le pouvoir en place, Donald Sutherland, l'interprète du président Snow, a souhaité que les films incitent les jeunes générations à voter. Et l'acteur, cité par le Guardian (en anglais), d'ajouter : "J’espère qu’ils comprendront, par exemple, que le personnage que je joue est un oligarque qui existe, plus spécialement aux Etats-Unis, mais sans aucun doute dans le monde occidental, et ils doivent s’en rendre compte." C'est l'un des enjeux, dit-il, du nouveau volet de l'adaptation de la trilogie littéraire : que les jeunes se choisissent un leader pour les représenter.
Sans dévoiler l'intrigue du film et son dénouement, Katniss Everdeen se retrouve dans Hunger Games : La Révolte au cœur d'une guerre de communication menée par les chefs de la rébellion : le Daily Beast (en anglais) souligne même une analogie avec quelques vidéos du groupe Etat islamique. A l'instar des opus précédents, dans lesquels l'héroïne était manipulée à des fins de propagande, elle est désormais l'icône malgré elle de la rébellion. "Elle doit composer avec la glaciale dirigeante rebelle (Julianne Moore, cachée derrière des cheveux blancs), qui se révèle presque aussi totalitaire que le président Snow", précise le site Vulture (en anglais). Une manière, peut-être, d'illustrer la crise de représentativité politique actuelle.
Un scénario qui évoque les inégalités sociales
Car – c'est le propre des dystopies – l'univers fictionnel imaginé par Suzanne Collins fait toujours plus ou moins écho à une réalité. Panem, par exemple, est dominé par le district 1, qui jouit de toutes les richesses, du pouvoir et contrôle tous les autres. Des banquets fastueux (voire des orgies) sont organisés quand la population du district 12, où vit l'héroïne Katniss Everdeen, vit dans la misère. Là encore, Hunger Games tend un miroir évident à la société moderne, dans laquelle 1% de la population détient près de la moitié des richesses mondiales, comme le rappelle Le Figaro.
Dans une interview au New York Times (en anglais) datée de 2011, la peu prolixe Suzanne Collins, auteure des livres et productrice exécutive des films, ne niait pas les parallèles. "C'est crucial que les jeunes lecteurs envisagent tous les scénarios possibles quant à l'avenir de l'humanité, déclare-t-elle. J'espère qu'ils s'interrogent sur les élements des livres qui se révèlent pertinents dans leurs propres vies. Que ce soit à propos du réchauffement climatique ou encore sur des questions comme : 'Comment dois-je me sentir alors que certains considèrent leur repas comme acquis quand d'autres meurent de faim ?'"
Une critique du voyeurisme
Hunger Games dénonce aussi à certains égards les dérives de la téléréalité. Le titre de la saga évoque en fait le concept d'un jeu où des candidats de chacun des districts s'entretuent sous l'œil avide des caméras et du public. Et pour survivre, les candidats doivent plaire aux téléspectateurs, qui les sponsorisent. Une critique du voyeurisme et du spectacle qui prend d'ailleurs une drôle de résonance quand des photos intimes de Jennifer Lawrence sont dévoilées sur internet.
"Le fait que je sois un personnage public, le fait que je sois une actrice ne veut pas dire que j'ai demandé ça", a réagi l'actrice dans l'édition américaine de Vanity Fair. C'est un peu la même chose dans le film : Katniss Everdeen n'a rien demandé mais devient pourtant une icône surmédiatisée après sa victoire aux dits "jeux". "Elle ne veut pas être une héroïne", résume la productrice Nina Jacobson dans le magazine Cinema Teaser.
Evidemment, le message d'Hunger Games peut être interprété librement. Ainsi, décrypte The Hollywood Reporter (en anglais) au moment de la sortie du premier film, les militants du mouvement Occupy Wall Street aux Etats-Unis se retrouvent tout autant dans la portée politique d'Hunger Games que certains ultras du libéralisme. Cité par le magazine, John Tamny, éditorialiste chez Forbes, y voit par exemple "la cruauté oppressive des gouvernements", dont il pense pouvoir se passer.
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