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"Spectre" : James Bond, au service de la publicité

Depuis des années, les marques s'arrachent littéralement l'agent 007. Et le business est juteux.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Les marques font partie de l'ADN de James Bond, ici incarné par Daniel Craig en 2006. (ARCHIVES DU 7EME ART / AFP)

James Bond n'est pas seulement un excellent agent secret, c'est aussi une formidable tête de gondole. Montres, costumes, voitures, alcool... Tout ce qui passe entre les mains de l'agent 007 se transforme en or, pour le plus grand bonheur des producteurs. Pour Spectre, qui sort en salles mercredi 11 novembre, les recettes marketing sont ainsi estimées à près de 200 millions de dollars (185,7 millions d'euros) par la RTS, alors que le film en a coûté 300 (près de 279 millions d'euros).

A vrai dire, les marques font partie de l'ADN de James Bond. Dans ses écrits, Ian Fleming, l'auteur de la saga, a toujours pris le soin de préciser le fabricant des chemises de son héros, de ses cigarettes fétiches, ou du vin qu'il aimait déguster. Si dans les années 1960, et les premières adaptations cinématographiques, Aston Martin ou Dom Pérignon ont d'abord fait timidement leurs apparitions, rien n'était à l'époque vraiment contractuel. Elles prêtaient des voitures et des caisses de champagne. C'est à partir de Moonraker, en 1979, que le phénomène prend de l'ampleur, avec l'ouverture à d'autres produits qui n'ont cette fois plus rien à voir avec l'œuvre originale, comme 7UP, Dior ou encore Air France... Avec Goldeneye, en 1995, le placement fonctionne à outrance, jusqu'à atteindre l'overdose en 2002 avec Meurs un autre jour (Die another day, en anglais), rebaptisé ironiquement Buy another day, avec pas moins de 21 marques partenaires !

Mais, depuis l'arrivée de Daniel Craig en 2006, la tendance s'est radicalement inversée. Pour Spectre, 007 compte seulement sept marques partenaires. "Les producteurs se sont rendus compte que trop de marques pouvaient tuer la marque principale, c'est-à-dire James Bond. Et que cela ne sert à rien de l'étouffer", analyse le journaliste Guillaume Evin, spécialiste de James Bond et auteur de James Bond l'encyclopédie 007 (éd. Hugo & Cie).

On ne retrouve désormais que des produits haut de gamme, qui correspondent à l'image du personnage.

Guillaume Evin, journaliste

à francetv info

Un business digne d'une Coupe du monde

Aujourd'hui, le business est minutieusement encadré par la production. "Les marques qui gravitent autour du héros sont comme des cercles concentriques", explique Guillaume Evin. Au centre, on retrouve les marques indissociables de l'univers du film, comme Aston Martin, Omega ou encore Bollinger. Elles utilisent l'image de Bond dans leurs pubs, et fournissent ce qu'il faut pour le tournage. Pour Spectre, Aston Martin a ainsi spécialement créé une voiture, la DB10, et l'a construite en seulement 10 exemplaires.

De son côté, la marque suisse Omega a imaginé pour Bond une nouvelle montre, la "Seamaster 300 Spectre". Fabriquée en série limitée (à 7 007 exemplaires), elle est vendue au public pour la somme de 6 300 euros. La marque helvète n'a évidemment pas manqué l'occasion d'accompagner la sortie de son produit de luxe d'un clip publicitaire abreuvé d'extraits du film.

Dans le deuxième cercle, on retrouve des marques partenaires de la promotion. Elles payent de grosses sommes pour utiliser l'image de l'espion et en faire, par ricochet, la promotion. Mais elles n'ont pas le privilège d'apparaître dans le film. Quant au dernier cercle, il rassemble les marques qui doivent se contenter d'acheter le droit de griffer leurs produits.

Pour Jacques de Cock, consultant en marketing et professeur à la London School of Marketing, interrogé par l'International Business Time, la marque James Bond a tellement optimisé son dispositif qu'il ressemble désormais, toutes proportions gardées, à ceux d'une Coupe du monde ou des Jeux olympiques. Sur un demi-siècle, les produits marketing auraient ainsi rapporté près de 15,5 milliards d'euros, selon ses estimations. Mais, dans le détail, la production garde bien secret le montant des contrats, allant jusqu'à mettre son veto lorsque le Financial Times demande une interview à la costumière du film, de peur que des informations confidentielles ne fuitent.

Pour ressembler à 007, déboursez 1,5 million d'euros

Ce qui est certain, c'est que, pour les marques, miser sur Bond, c'est l'assurance de bénéficier d'une exposition maximale, puisque, des adolescents aux quinquagénaires, il n'y a pas d'âge pour aimer le super espion.

La plupart du temps (standing du personnage oblige), ce sont évidemment des produits haut de gamme, voire très haut de gamme, qui en bénéficient le plus. Un exemple avec le pull à col roulé moulant de la marque N'Peal que porte Daniel Craig sur l'affiche de Spectre, vendu pour la modique somme de 274 euros. Le film n'est pas encore sorti que le produit est déjà en rupture de stock, rapporte le site jamesbondstyle.com. Et s'il vous prenait l'envie de devenir James Bond, au moins en apparence, il vous en coûterait la petite enveloppe de 1,52 million de dollars (1,41 million d'euros), s'est amusé à estimer Business Insider. 

L'affiche de James Bond sur laquelle Daniel Craig porte un pull de marque N'Peal. (COLUMBIA / EON / DANJAQ / MGM / THE KOBAL COLLECTION)

Un espion qui ne cède pas à toutes les sirènes

Formidables machines de pubs, les films de la série font aussi exploser les ventes de produits qui n'ont parfois rien demandé. Exemple avec la robe et les boucles d'oreille que porte Léa Seydoux dans une scène de Spectre : simplement achetés par les costumiers du film dans un modeste magasin de Londres, les deux s'arrachent désormais à prix d'or. Autre exemple en 2006, avec la marque de spiritueux Lillet, qui avait largement bénéficié de la recette du cocktail Vesper, imaginé par Bond dans Casino Royale, rapportait à l'époque 20 Minutes.

Si les compagnies se l'arrachent en coulisses, le héros ne cède pourtant pas à toutes les sirènes. Dans un mail dévoilé par Wikileaks et relevé par le Financial Times, on apprend que Sony, dont la branche Sony Pictures distribue le film, a mis près de 10 millions de dollars sur la table pour que l'espion se serve de son dernier téléphone Xperia équipé d'un système Androïd. Offre déclinée par la production, avec un argument qui fait mal : "James Bond n'utilise que le meilleur."

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