: Interview "Je suis un passeur, pas un critique de cinéma" : Patrick Brion présente vendredi sa dernière émission du "Cinéma de minuit" qu'il a créée
Un générique culte et une voix captivante, vendredi 20 décembre, Patrick Brion présentera le dernier numéro du "Cinéma de minuit". Lancé en 1976 sur France 3, le ciné-club se sépare de son fondateur. L'émission continuera de programmer des classiques du cinéma, mais sans inclure la célèbre présentation proposée par Patrick Brion en début de film. Désormais âgé de 83 ans, celui qui regarde près de 50 films par mois a inspiré des générations de cinéphiles : c'est aujourd'hui la fin d'une époque.
Franceinfo Culture : "Le Cinéma de minuit", c'est avant tout une voix. Pourquoi vous n'apparaissez jamais à l'écran ?
Patrick Brion : C'est volontaire, plutôt que d'apparaître à l'écran, je préfère rester dans l'ombre et permettre aux spectateurs de rentrer dans une atmosphère nocturne avec une musique, un générique et d'écouter une présentation du film. C'est ça qui est important, pas de me mettre en avant, d'ailleurs personne ne savait que c'était moi qui m'occupais du "Cinéma de minuit". Mon nom n'est jamais apparu au générique, sauf dans cette dernière émission, comme c'est la fin.
Un ciné-club à la télévision. C'était important pour vous de présenter les grands classiques du cinéma sur le petit écran ?
L'émission tire son succès d'une programmation astucieuse qui mélange des grands classiques avec des films plus rares. À cette époque-là, il n'y avait pas tellement de cassettes et beaucoup de personnes habitaient en province. Avec le "Cinéma de minuit", le public pouvait revoir des classiques ou les découvrir, c'était une époque de grande curiosité pour le cinéma. Il existe des chefs-d'œuvre, il serait dommage de les perdre dans la nuit des temps. César de Marcel Pagnol – le film diffusé pour ma dernière émission – illustre cet objectif. C'est à la fois un chef-d'œuvre de l'histoire du cinéma d'auteur, aussi capable de toucher un large public, y compris les enfants.
Que vouliez-vous apporter au public ?
Je suis un passeur, pas un critique, car en aucun cas, je donne mon opinion, le spectateur doit penser ce qu'il veut du film. L'idée est d'offrir une présentation informative au public : au lieu de garder la connaissance que j'ai, je préfère la faire partager aux autres. Je prépare un texte court que je lis en studio avec des informations sur le film, la carrière du cinéaste et son contexte de réalisation. C'est important de montrer que le cinéma n'a pas commencé avec Tarantino dans les années 2000 et existait bien avant.
Quel héritage reste-t-il de cette époque cinéphile ?
Aujourd'hui, il y a moins de regard sur l'histoire du cinéma et les films anciens. Les ciné-clubs à la télévision visent surtout à faire la promotion des films, je n'ai rien contre mais ce n'est pas pareil. Donc il y a encore du travail à faire, les nouvelles générations ne connaissent pas forcément le 7e art, il faut les prendre par la main et leur permettre de découvrir ce qu'est le cinéma.
Que prévoyez-vous pour la suite ?
J'écris des livres sur le cinéma et je vais continuer, et si je peux présenter un ciné-club quelque part, je le ferai. Mon métier a toujours été de permettre aux gens de voir des films, je n'ai pas de raison de m'arrêter aujourd'hui.
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