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Mort de Jean-Louis Trintignant : "Emu et bouleversé", Philippe Labro dit son "respect permanent pour son talent et son intelligence"

L'acteur Jean-Louis Trintignant est mort ce vendredi à l'âge de 91 ans. Le journaliste et réalisateur Philippe Labro se souvient d'un acteur à la filmographie et l'interprétation "prodigieuses".

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Louis Trintignant lors du dernier Festival de Cannes, en mai 2022. (LAURENT EMMANUEL / AFP)

"Je suis ému et bouleversé, je vous avoue", a réagi vendredi 17 juin sur franceinfo le journaliste et réalisateur Philippe Labro, après la mort de Jean-Louis Trintignant à l'âge de 91 ans. L'acteur a joué dans le deuxième film de Philippe Labro, Sans mobile apparent, en 1971. "J'ai été en admiration et en respect permanent pour son talent et son intelligence", se souvient le réalisateur. Si "les dialogues sont là", Jean-Louis Trintignant, lui, "les prend et les sublime". "Sa filmographie est l'une des plus complètes de sa génération", estime Philippe Labro.

franceinfo : Quel souvenir gardez-vous de votre collaboration avec Jean-Louis Trintignant dans "Sans mobile apparent" ?

Philippe Labro : Un souvenir inoubliable. C'est grâce à lui que ce film policier tout à fait classique, écrit par Jacques Lanzmann et moi-même, a pris une dimension autre. Son interprétation est prodigieuse. Il faut bien dire, d'ailleurs, que sa filmographie est prodigieuse. Il a tourné tous les rôles ou presque, avec tous les metteurs en scène. Il a tout fait. Il était capable de s'adapter à tous les personnages avec plusieurs éléments très forts. Évidemment il y a cette voix extraordinaire, ce charme un peu subtil, un peu mystérieux, parfois un peu ironique, en même temps capable de tendresse. Et son déplacement à l'écran, sa faculté de nous faire croire au personnage. Moi, je suis ému et bouleversé, je vous avoue. Il a été ma grande chance comme metteur en scène. C'était mon deuxième long métrage. Il sortait du Conformiste, ce chef d'œuvre de Bertolucci. Et grâce à un producteur habile, Jacques-Eric Strauss, il avait accepté de tourner dans ce polar, mon deuxième long métrage. J'ai été en admiration et en respect permanent pour son talent et son intelligence.

Est-ce que croiser la route de Jean-Louis Trintignant vous a transformé et a changé votre vie ?

En tout cas, cela a changé mon chemin de cinéaste puisqu'avec ce succès, j'ai ensuite pu faire L'Héritier avec Jean-Paul Belmondo. Avoir eu Trintignant et après l'avoir vu interpréter l'inspecteur Carella, dans ce polar qui se passe sur la Côte d'Azur, m'a sans doute fait gagner un peu plus de crédit auprès d'autres comédiens ou d'autres producteurs. Mais ce n'est pas la question. Ce qui compte, c'est d'avoir eu cette chance d'avoir en face de moi quelqu'un qui comprenait tellement bien le personnage qu'il a tellement bien interprété. Quand on dit 'diriger un comédien', on ne dirige pas les gens comme Trintignant. On leur donne trois, quatre indications, et ils savent parfaitement et très intelligemment interpréter le rôle qui a été écrit. Et Jean-Louis, la seule vraie consigne que je lui ai donnée, c'est "pensez à Humphrey Bogart ! ".

Il y a une expression qui dit : transformer, changer les choses en or. Est-ce que c'est ce que faisait Trintignant avec un rôle ? Est-ce que d'un rôle qui aurait pu être moyen, il arrivait à lui donner une épaisseur et une chair que les autres n'auraient peut-être pas perçues ?

C'est exactement ça. Le texte est là. Les dialogues sont là, très brillants, très forts. Mais il les prend et il les sublime. Il y a une séquence en particulier lorsqu'il interroge Stéphane Audran dans une voiture. Ce n'est pas seulement sa voix, c'est le visage, ce sont les yeux, ce sont les expressions. C'est le comédien par excellence. Il sait absolument faire passer ce que nous, nous essayions de faire comprendre en ayant écrit ce texte. Je suis très ému de vous en parler. Je m'en suis rendu compte surtout au montage.

Quand je me suis retrouvé devant ma table de montage à voir le trésor qu'il nous proposait, j'en suis resté admiratif toute ma vie. Je lui ai redemandé un rôle qu'il a fait aussi très talentueusement, dans La Crime, avec Claude Brasseur, où il jouait le rôle d'un ministre qui se rend compte que sa vie est foutue et qui se suicide d'un coup de couteau après avoir épluché une orange. C'était inouï. Il y avait quelque chose de singulier, d'extraordinaire. Regardez sa filmographie. On parle de Piccoli, Bouquet. Mais si vous regardez de près, il me semble que sa filmographie est l'une des plus complètes de sa génération.

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