Cet article date de plus d'onze ans.

Juliette Binoche incarne Camille Claudel internée

Dans "Camille Claudel 1915" de Bruno Dumont, présenté mardi à la Berlinale, Juliette Binoche incarne la réclusion de l'artiste française dans un asile en 1915. Pendant 1h37, l'actrice crève l'écran en exprimant, quasi sans paroles, la douleur de l'enfermement forcé de celle qui fut 15 ans durant la maîtresse et l'inspiratrice du sculpteur Auguste Rodin.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Juliette Binoche incarne Camille Claudel dans "Camille Claudel 1915" de Bruno Dumont.
 (ARP Sélection)

Retrouvez la critique du film sur le Blog franco-allemand de la Berlinale

"C'est la partie la plus obscure de sa vie, celle d'une recluse que l'on ne  connaît qu'à travers son dossier médical et sa correspondance (sur lesquels est  basé le film). Cela m'a beaucoup plu de développer toute la cinématographie autour de quelque chose de simple, trois jours dans cet asile et dans l'idée de l'attente de son frère", a expliqué le réalisateur.

Tourné dans un véritable asile psychiatrique
Juliette Binoche joue entourée de femmes d'un établissement psychiatrique actuel de Saint-Rémy de Provence ainsi que les infirmières et le médecin en chef, filmés "tels qu'ils sont" et "avec leur accord", et jouant leur propre rôle, dit le réalisateur.

Juliette Binoche a passé trois semaines avec les patients de la résidence pour se préparer. Elle dit avoir eu "du mal à trouver sa place parfois dans le film, à être proche (des patients) mais pas trop".

Camille Claudel refuse leur quotidien, comme elle refuse de continuer à sculpter. En filigrane, son syndrome de persécution, sa paranoïa. Au premier plan, une femme dont tout l'être crie à l'injustice. Visage émacié et pâle,  yeux rougis, corps tendu, chevelure négligée, elle oscille, entre lutte et résignation, entre colère et compassion, rire et larmes, dans ce sanctuaire vivant.
Binoche voulait "exprimer la nudité"
"La vraie gageure, explique Juliette Binoche, était d'exprimer la nudité dans tout : les émotions, le paysage, être rien, lâché dans la solitude au fond d'un asile pendant 30 ans, alors que c'est un être d'une très grande envergure avec une passion exceptionnelle de créer en elle, de montrer ce que la vie peut faire parfois aux êtres qui ont le plus à donner".

L'ascèse des lieux et la somptuosité d'une nature aride, toute en pierres et en arbres noueux, contribue à cette impression de dénuement, exprimée par l'actrice de manière "expressionniste", dit Dumont.
Une scène de "Camille Claudel 1915" de Bruno Dumont
 (ARP Sélection)
Devenir le paysage, tout en silence
Le personnage marche, mange, regarde un arbre et son être devient ce qu'elle fait, le paysage, les pierres. Dans ce théâtre, les êtres humains s'observent, comme en alerte, et la moindre action peut tourner au drame,  devenant hurlement, distorsion, exacerbation des émotions.

Autre gageure, dit l'actrice, "c'est qu'on est tout en silence et qu'il y a deux ou trois moments extrêmement parlés, comme si toutes les paroles qu'elle n'avait pas réussi à dire sortaient d'un coup".

Camille Claudel passera encore 29 années à l'asile où elle mourra à 79 ans le 19 octobre 1943. Inhumée dans un caveau collectif, on n'a jamais retrouvé son corps.

"Camille Claudel 1915" est attendu en salles le 13 mars.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.