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"Killers of the Flower Moon" : cent ans après, la douleur toujours à vif des descendants d'Amérindiens osages assassinés

La tribu amérindienne Osage a été déplacée contre son gré et s'est implantée sur les terres rocailleuses de l'Oklahoma. Des prospecteurs ne tardent pas à découvrir que la réserve repose sur un énorme champ pétrolifère. S'ensuivent meurtres et disparitions.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
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Des poupées traditionnelles exposées derrière la petite-fille de Mollie Burkhart, Margie Burkhart, au White Hair Memorial à Hominy, Oklahoma, le 29 septembre 2023. (CHANDAN KHANNA / AFP)

Le vent souffle dans le cimetière de Gray Horse sur les terres du peuple amérindien Osage dans le nord de l'Oklahoma. Tandis que des aigles planent dans le ciel, Margie Burkhart pointe du doigt les tombes de ses ancêtres assassinés il y a un siècle. La tragédie qui a frappé sa famille constitue l'intrigue du  film de Martin Scorsese Killers of the Flower Moon, tiré du best-seller du même nom. Mollie Burkhart, la grand-mère de Margie, incarnée à l'écran par l'actrice amérindienne Lily Gladstone, a vu dans les années 1920 les membres de sa famille – sa mère, ses sœurs, son beau-frère – se faire assassiner les uns après les autres. "Ils choisissaient méthodiquement qui tuer", assène Margie Burkhart, cheveux de jais et regard perçant. Les responsables ? Le propre mari de Mollie, Ernest Burkhart, joué par Leonardo DiCaprio, et son oncle William Hale (Robert De Niro). Deux colons blancs, avides de s'emparer des titres d'exploitation du pétrole de cette famille osage. 

"C'était juste de la cupidité"

Si aujourd'hui quelques chevalets de pompage parsèment encore les pâturages jaunis du village de Gray Horse, ce n'est rien comparé au boum du tournant du XXe siècle où les derricks recouvraient la prairie sur des kilomètres. À l'époque, l'un des plus grands gisements pétrolifères des États-Unis avait été découvert sur la réserve. Et les Osages détenaient les titres d'exploitation exclusifs de cette manne. Ils ne pouvaient être ni cédés ni vendus, seulement hérités. "Les Osages étaient considérés comme les personnes les plus riches du monde", raconte Kathryn Red Corn dans la maison construite par son arrière-grand-père osage à Pawhuska, siège de l'actuel gouvernement tribal. Ce qui a suscité la convoitise, notamment de pionniers blancs.

Des personnes ont commencé à venir et à épouser des membres de la tribu pour leur argent, poursuit l'octogénaire au visage carré et aux boucles d'oreille argentées. "Ils les faisaient assassiner puis ils héritaient de leurs possessions", ajoute-t-elle, dans son salon décoré d'art osage et de photos noir et blanc de ses ancêtres. Son grand-père, Raymond Red Corn senior, lui aussi osage, soupçonnait sa seconde épouse, une Blanche, de l'empoisonner. Il est mort du jour au lendemain au début des années 1920, alors qu'il était dans la quarantaine et en bonne santé, d'après Kathryn. Aucune enquête n'a été menée.

"Ils m'ont pris mes grand-tantes"

Chez Margie Burkhart, la colère et la souffrance sont toujours palpables. Des sentiments ravivés par le visionnage du film de Martin Scorsese lors d'une projection privée cet été. "Ils m'ont pris mes grand-tantes. J'aurais pu avoir une grande famille. J'aurais pu avoir plein de cousins, nièces, neveux, mais j'ai grandi sans eux", souligne-t-elle, la gorge serrée. "William Hale n'avait pas besoin de faire ça. C'était l'un des hommes les plus riches du comté d'Osage, il avait beaucoup de bétail. Beaucoup d'argent", ajoute Margie. "C'était juste de la cupidité".

"Simplement parce qu'ils étaient amérindiens, leur vie avait moins de valeur", résume avec amertume Jim Gray, dont l'arrière-grand-père Henry Roan a été assassiné en 1923. Un meurtre aussi orchestré par William Hale pour toucher une police d'assurance-vie. Seuls 5% des assassinats d'Osages survenus à cette période ont fait l'objet d'une enquête fédérale, estime Jim Gray, qui a été chef de la nation Osage de 2002 à 2010. "Ces histoires n'ont pas été racontées, il n'y a eu aucune justice pour ces familles", lance-t-il à Skiatook, au nord de Tulsa. Jim Gray avoue avoir été saisi d'anxiété lorsqu'il a appris que Hollywood s'intéressait à ce douloureux passé. "Allions-nous devenir les seconds rôles de notre propre histoire ?"

"Ce n'est pas dans nos livres d'histoire"

"Imaginez notre surprise quand Scorsese nous a contactés, s'est entretenu avec nous, nous a écoutés et a réécrit des grosses parties du scénario", assure-t-il. Le script devait s'axer au départ sur l'enquête fédérale mais s'est finalement centré sur le couple Mollie-Ernest. "Vous allez voir ce film et vous allez ressentir l'influence des Osages", explique Jim Gray. Il espère que la sortie du long-métrage suscitera une prise de conscience sur "les personnes qui ont été piétinées" pour que les États-Unis deviennent "ce qu'ils sont aujourd'hui". "Les gens ne veulent sans doute pas en parler. Ce n'est pas dans nos livres d'histoire", poursuit-il. "Mais nous devons connaître notre passé, en particulier ses erreurs, pour ne pas les répéter".

Margie Burkhart aspire aussi à ce que le drame vécu par les Osages ne tombe pas dans l'oubli. "Dans deux, trois ans, quand le film ne sera plus dans l'actualité, j'espère que les gens continueront d'en parler", conclut-elle.

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