L'adieu discret des Egyptiens à Omar Sharif
"Le monde a perdu un grand acteur", a salué l'ex-ministre des Antiquités et égyptologue Zahi Hawass à l'issue de la cérémonie. "Omar Sharif a représenté l'Egypte dans le monde de la meilleur façon possible", a renchéri l'acteur Hussein Fahmy. Ses proches et quelques vedettes égyptiennes se sont retrouvés pour ses funérailles dans une mosquée de la banlieue du Caire où se tiennent les cérémonies religieuses officielles. Après la prière traditionnelle, le cercueil, couvert d'un drapeau de l'Egypte et d'une étoffe noire sur laquelle étaient brodés des versets du Coran, a été transporté dans une voiture pour être conduit au cimetière Sayyeda Nefissa, au sud de la capitale.
Reportage : V. Gaget / M. Lesouef
Il avait fait sa dernière apparition au cinéma en 2012 dans "Rock The Casbah", de Laïla Marrakchi. Omar Sharif, riche d'une carrière de plus de 70 films, est mort d'une crise cardiaque dans un hôpital spécialisé pour les patients atteints d'Alzheimer.
La découverte du théâtre
Michel Chalhoub est né le 10 avril 1932 à Alexandrie, dans le nord de l'Egypte, dans une famille de négociants en bois précieux d'origine syro-libanaise. A 11 ans, sa mère le trouvant trop gros, l'envoie dans une école anglaise, le Victoria college d'Alexandrie, dans l'espoir qu'il y sera moins tenté par la nourriture. L'objectif est atteint et, en plus, il y découvre le théâtre et l'anglais, que ce polyglotte parlera couramment comme le français, l'italien ou encore le grec.
Rencontre avec Youssef Chahine
Après des études de mathématiques et de physique à l'Université du Caire, il accepte de travailler cinq ans avec son père, alors qu'il rêve de jouer. Sa rencontre avec Youssef Chahine fait basculer sa vie. Le réalisateur le fait tourner en 1954 dans "Ciel d'enfer". Ce film marque sa rencontre avec la star égyptienne Faten Hamama, qu'il
épouse un an plus tard. Pour elle, Omar Sharif, élevé dans le rite grec-catholique melkite, se convertit à l'islam. Il confiera plus tard se sentir "agnostique".
Fréquemment partenaire de sa femme à l'écran, c'est à ses côtés qu'il joue son premier rôle occidental dans "La châtelaine du Liban" de Richard Pottier en 1956.
Une star internationale
Six ans plus tard, "Lawrence d'Arabie" de David Lean, où il joue au côté de Peter O'Toole, fait de lui une star internationale. Il remporte le Golden Globe du meilleur second rôle en 1963 et signe avec la Columbia. A Hollywood, Omar Sharif décide de se séparer de son épouse car "entouré de belles femmes, j'étais persuadé que j'allais tomber amoureux d'une starlette et je ne voulais pas l'humilier, ni l'empêcher de refaire sa vie".
Incarnation d'un certain "éternel masculin" (titre de son autobiographie parue en 1976), l'acteur à l'élégante moustache et à la voix rauque assurera pourtant n'être plus jamais tombé amoureux et démentira la plupart des conquêtes qui lui seront prêtées.
En 1965, il retrouve David Lean qui le dirige dans "Le docteur Jivago" pour lequel il reçoit le Golden Globe du Meilleur acteur pour son interprétation du médecin russe.
Très éclectique, il incarne par la suite Gengis Khan, le tsar Nicolas II, le Capitaine Nemo et joue notamment dans "Funny girl" de William Wyler (1968)
avec Barbra Streisand, "Mayerling" (1968) de Terence Young, Che! (1969) de Richard Fleischer.
Acteur et flambeur
Rarement satisfait de ses prestations -- "je suis content de dix secondes dans un film et de dix secondes dans un autre", disait-il --, l'acteur confiera avoir tourné "beaucoup de mauvais films" par nécessité. Car loin des plateaux de tournage, Omar Sharif est un flambeur. Joueur de bridge professionnel -- il a écrit un livre sur le sujet et des jeux vidéos portent son nom -, amateur de courses hippiques, il fréquente assidûment les casinos pour tromper sa "solitude", disait-il. "Tout l'argent que je gagne, je le perd. Quand j'ai de l'argent, je suis obligé de le dépenser, mais ça ne me gêne pas de ne pas en avoir", assurait-il. Pour payer ses dettes de jeux, il devra même vendre en urgence le seul appartement qu'il ait jamais possédé, à Paris.
Omar Sharif, dont l'humour était aussi fin que le caractère ombrageux, préférait d'ailleurs mener une vie de "nomade". "Je suis le seul acteur au monde qui suis étranger partout. J'avais ma valise, j'allais dans les hôtels" de luxe, comme "invité", racontait-il.
Couronné en 2003 par un Lion d'or au festival du film de Venise pour l'ensemble de sa carrière, il avait reçu, en 2004, le César du meilleur acteur pour "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran" de François Dupeyron.
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