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La comédienne Emmanuelle Riva disparaît à 89 ans

Emmanuelle Riva, une des plus grandes comédiennes françaises, César de la meilleure actrice en 2013 pour son interprétation d’une femme en phase terminale après un accident vasculaire cérébral, dans "Love" de Michael Haneke au côté de Jean-Louis Trintignant, est décédée des suites d'un cancer vendredi soir à Paris.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Emmanuelle Riva avec son César du Meilleur rôle féminin dans "Amour" en 2013
 (VILLARD/BENAROCH/SIPA)

Remarquée pour son talent

Née dans une famille modeste des Vosges en 1927, d’un père d’origine italienne, Emmanuelle Riva se sent très tôt une vocation d’actrice, et rejoint une troupe amateur de la ville de Remiremont, près d’Epinal. Contre la volonté familiale, elle est reçue au concours de comédie de l’école de la rue Blanche, à Paris, et s’installe dans la capitale en 1953. Trop âgée pour entrer au Conservatoire d’art dramatique, son talent la fait remarquer et elle obtient son premier rôle au théâtre dans "Le Héros et le soldat " de Georges Bernard Shaw.
Repérée par Alain Resnais qui la voit sur scène dans "L’Epouvantail " de Dominique Rolin, le cinéaste la fait tourner dans son premier long métrage, "Hiroshima mon amour". Déjouant les codes narratifs en vigueur, le film connaît un retentissement international en 1959 et propulse Emmanuelle Riva sur le devant de la scène mondiale.
En 1961, elle est l’interprète principale de "Kapo " de l’Italien Gillo Pontecorvo, puis la même année donne la réplique à Jean-Paul Belmondo dans "Léon Morin prêtre" de Jean-Pierre Melville, d’après le roman de Béatrix Beck.

Emmanuelle remporte sa première distinction internationale l’année suivante, en 1962, à la Mostra de Venise, pour son interprétation dans le rôle-titre du film de Georges Franju "Thérèse Desqueyroux", adapté du roman éponyme de François Mauriac, où elle donne la réplique à Philippe Noiret et Sami Frey. Georges Franju fera encore appel à elle en 1965  dans "Thomas l’imposteur " sur un scénario de Jean Cocteau.

Reportage : D. Wolfromm / V. Christophe :

Une deuxième carrière

La comédienne abandonne alors les écrans, préférant la scène en se mettant au service de grands metteurs en scène, tels que Jacques Lasalle, Roger Planchon ou Claude Régy.

Il faut attendre les années 80 pour la revoir au cinéma, auprès de cinéastes exigeants, tels que Marco Bellochio ("Les Yeux, la bouche ", 1982), Philippe Garrel ("Liberté la nuit ", 1983), ou Krzysztof Kieslowski pour "Trois couleur : bleu" (1993), où elle joue la mère de Juliette Binoche.
Elle renoue avec le devant de la scène en 2012 dans "Amour" de Michael Haneke, au côté de Jean-Louis Trintignant. Elle a alors 85 ans et est la doyenne des actrices françaises. Le film remporte la Palme d’or à Cannes, le César du meilleur film, le César de la meilleure interprète féminine, l’Oscar du meilleur film étranger, le Prix de la meilleure actrice européenne, le BAFTA (César britannique) de la meilleure actrice et est nommée à l’Oscar. Son interprétation d’une femme octogénaire victime de deux accidents vasculaires cérébraux, à laquelle se dévoue son mari joué par Jean-Louis Trintignant, émeut le monde entier, le public, comme la critique.

Outre son génie à la scène, comme à l’écran, Emmanuelle Riva publia trois recueils de poèmes, "Juste derrière le sifflet des trains" (1969, réédité en 1976), "Le Feu des miroirs" (1975) et "L’Otage du désir" (1982). Les photos qu’elle prend de la ville au cours du tournage d’"Hiroshima mon amour" illustrent également l’ouvrage collectif "Tu n’a rien vu à Hiroshima".

Jusqu'au bout

Emmanuelle Riva avait aussi tourné assez récemment dans un film, "Paris Pieds nus" de Dominique Abel et Fiona Gordon, qui doit sortir en mars sur les écrans. Elle avait aussi participé à un film islandais qui n'est pas encore sorti.

"Jusqu'au bout, elle a été active", a dit à l'AFP son agent, Anne Alvares Correa. L'automne dernier, l'actrice avait ainsi donné une lecture à la Villa Médicis à Rome, a-t-elle rappelé.
"Emmanuelle Riva a profondément marqué le cinéma français qu'il s'agisse, avec ‘Hiroshima mon amour’ (...) d'invoquer une mémoire blessée ou, avec ‘Amour’ (...) d'évoquer la fin de la vie", a réagi le président François Hollande dans un communiqué.

"Femme libre et discrète, Emmanuelle Riva a incarné de façon singulière tous les visages de l'amour, tout au long d'une vie dédiée aux plus grands auteurs", a souligné de son côté la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, dans un communiqué.

"Comédienne empreinte d'élégance et de fragilité, au cinéma comme au théâtre, elle jouait avec passion et exigence encore récemment dans ‘Savannah Bay’ de Marguerite Duras" dans une mise en scène de Didier Bezace (2014), a relevé la ministre.

Visage harmonieux, silhouette élancée, Emmanuelle Riva captivait par sa voix et sa diction. C'était "une femme bouleversante, une artiste à l'exigence rare. C'est une voix inoubliable qui s'en va. Une voix habitée par l'amour des mots et de la poésie", a souligné Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Dans "Hiroshima mon amour" (1959) où elle interprète une actrice française éprise d'un architecte japonais après la Seconde guerre mondiale, "sa voix s'emparait du texte de Marguerite Duras", déclare à l'AFP Gilles Jacob, ancien président du Festival de Cannes. "Elle en faisait une chose unique, comme une espèce de cantate religieuse".

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