La Guadeloupe parie sur le cinéma pour booster son économie
"Ils étaient dix" est le volet qui reprend l'histoire des "Dix petits nègres" d'Agatha Christie. Le tournage prévu jusqu'au 5 avril d'un épisode de l'adaptation en série des romans policiers de l'autrice britannique, est "une belle opportunité pour la région Guadeloupe", confiait début février Sophie Revil, de la société de production Escazal Film, au journal France Antilles.
320 jours de tournages et 15 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2018
Une opportunité, c'est la vision que véhicule la Région Guadeloupe, par la voix de son Bureau d'accueil des tournages (BAT), dirigé par Tony Coco-Viloin. Sa mission: "l'emploi, mais aussi la promotion du territoire et des décors du pays".Selon les derniers chiffres (2018), la Guadeloupe a accueilli 320 jours de tournages pour "15 millions d'euros de chiffre d'affaires" (toutes productions audiovisuelles) dont plusieurs grosses productions comme "Minuscule 2, les Mandibules du bout du monde", film réalisé par Thomas Szabo et Hélène Giraud et tourné en 2017 aux Saintes, qui fait la part belle aux paysages de l'île.
"Nous avons eu des réunions sur le sujet avec Futurikon", la société de production de Minuscule 2, explique Willy Rosier, directeur du comité du tourisme, qui indique ainsi "économiser en campagne de communication territoriale mondiale, puisque le film est distribué dans 72 pays, dont 6.000 salles en Chine". Au total, la Région investit 1,6 million d'euros chaque année. "Nous avons deux fonds d'aide aux oeuvres, explique Georges Brédent, élu régional à la Culture. Le premier est un fonds classique, alimenté par la Région et le Centre National du Cinéma (CNC).
Le second un fonds uniquement régional, qui permet de financer des productions ne rentrant pas dans le giron du fonds CNC." En bénéficie notamment "Death in Paradise/Meurtre au paradis", la série à succès tournée à Deshaies (nord de Basse-terre), diffusée sur la BBC et sur France 2 et qui rassemble en Angleterre jusqu'à 10 millions de téléspectateurs par épisode. "La série est diffusée dans de très nombreux pays, au total on arrive à des millions de fans", rappelle Tony Coco-Viloin.
"L'espoir d'un effet boule de neige"
Selon lui, cela représente autant de personnes à draguer pour des visites de lieux de tournage (des fans viennent déjà), près de 4 millions de retombées nettes sur le territoire, et l'espoir d'un effet boule de neige sur l'accueil de grosses productions étrangères. A cet effet, le BAT a créé en novembre 2018 le Caribbean Location Roadshow, un événement de promotion des décors et paysage locaux, à l'instar de ceux de Londres, Los Angeles ou Paris. "En Guadeloupe, le tourisme ne représente que 3,7 % du PIB (selon l'Institut d'émission des départements d'outre-mer), nous avons une belle marge de progression", souligne Willy Rosier.Mais le fonds régional essuie la critique des acteurs du cinéma local, qui en contestent les retombées financières, et surtout les mécanismes d'attribution de l'argent. "En 2017, ce fonds régional a distribué 700.000 euros dans l'opacité décisionnelle", accuse, dans une tribune envoyée aux médias locaux, Frantz Succab, membre du comité de lecture de la commission CNC. "Part attribuée aux acteurs de la filière audiovisuelle guadeloupéenne: 0,7% du budget total".
Une critique que Georges Brédent qualifie "d'injuste". "D'abord, il ne faut pas oublier qu'il existe aussi le fonds CNC, mieux doté que celui dont il est question. Et pour bénéficier du fonds régional, nous avons un cahier des charges précis sur les dépenses à effectuer sur le territoire et l'appel à la ressource locale en matière de compétences", assure-t-il. Des retombées que les détracteurs qualifient de "résiduelles", fustigeant le dévoiement de la culture en argument marketing pour des paysages, au détriment de l'émergence et de la diffusion des créations locales. En 2019, de nouveaux tournages sont prévus, dont ceux d'un thriller français et de la 10e saison de Death in Paradise.
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