La mort du cinéaste égyptien Youssef Chahine
Youssef Chahine avait été hospitalisé à Paris pendant un mois à
la suite d'une hémorragie cérébrale survenue en Egypte et qui l'a
plongé dans le coma le 16 juin. Il est décédé dans la nuit à l’âge de 82 ans. "Youssef Chahine est décédé à 03H30 ce matin", a déclaré son ancien disciple, le réalisateur Khaled Youssef.
La télévision publique égyptienne avait peu auparavant annoncé
le décès du dernier monstre sacré des cinéastes égyptiens. "Mort de Youssef Chahine", pouvait-on lire en
bandeau, sur des extraits de ses films et des images
d'archives du cinéaste.
Une œuvre intimiste et politiquement engagée
Né le 25 janvier 1926 dans l'Alexandrie cosmopolite, il a pris l'Egypte
comme toile de fond sur laquelle il n'a cessé, en une quarantaine de films,
d'imprimer sa mémoire et ses idées de gauche et anti-islamistes.
Eduqué en français et en anglais, il part étudier à 21 ans le cinéma à
Pasadena, en Californie, et reviendra sur son destin dans un cinéma égyptien
alors phare du monde arabe, ce qu'il n'est plus. "Il voulait être acteur, mais s'est aperçu qu'il bégayait un peu et n'était pas si beau, alors il s'est dit: je vais jouer à travers d'autres", a raconté Omar Charif, star mondiale découverte par Youssef
Chahine.
Pauvreté, combat ouvrier et lutte d'indépendance, il s'empare de tout le
registre du cinéma engagé des années 50 et 60 pour faire passer des messages
politiques dans le genre du mélodrame néo-réaliste.
Plus de 25 films à son actif
De réputation internationale, Chahine avait réalisé plus de
25 films depuis le début de sa carrière dans les années 1950.
Quelques titres se distinguent, comme Eaux noires (1956), avec Omar
Charif, Gare centrale (1958), où il interprète un mendiant, et la Terre
(1969), chef-d'œuvre poétique et politique consacré au monde paysan.
Sans renoncer aux sagas politiques, Chahine se lance dans le roman filmé de
sa jeunesse avec Alexandrie, pourquoi? (1978, prix spécial du jury à Berlin
l'année suivante), La mémoire (1982), Alexandrie encore et toujours (1989),
qui formeront sa trilogie autobiographique.
Alors que l'islamisme se répand, Youssef Chahine s'insurge, lui qui connut
dans son enfance une Egypte tolérante, multi-ethnique, où les chrétiens, comme
il l'est, et aussi les juifs vivaient en harmonie avec les musulmans. L'émigré (1994), inspiré de la vie du patriarche biblique Joseph, et Le destin (1997), de celle du philosophe arabe Averroès, lui valent la colère et la censure des intégristes égyptiens.
Survient le 11 septembre 2001, qui inspira à Chahine un court-métrage
controversé, dans un film collectif, suivi en 2004 d'un autre film pour dire,
son désamour de l'Amérique. Critique évidente du régime autocratique en Egypte, son dernier film, Le chaos, co-signé avec Khaled Youssef en 2007, ne remporta pas le succès qu'il
escomptait en Egypte, ni à l'étranger.
Réalisateur, scénariste et producteur, il avait obtenu en 1997 le Prix du cinquantième anniversaire du Festival de Cannes pour l'ensemble de son œuvre.
"Défenseur des libertés"
Nicolas Sarkozy a rendu hommage au cinéaste égyptien, "fervent
défenseur de la liberté d'expression et plus largement des libertés
individuelles et collectives", selon le président français. "Le 7ème art vient de perdre l'un de ses plus célèbres serviteurs, Youssef Chahine. Très attaché à son Egypte mais ouvert sur l'universel, réalisateur engagé, fervent défenseur de la liberté d'expression et plus largement des libertés individuelles et collectives, Youssef Chahine aura cherché, tout au long de sa vie, à travers l'image, à dénoncer la censure, le fanatisme et
l'intégrisme", a écrit le chef de l'Etat dans un communiqué. "Son talent lui permettait de développer différentes formes d'expression artistique et d'aborder tous genres de films: les films autobiographiques, les reconstitutions historiques ou encore la comédie musicale. Intellectuel d'une grande indépendance, Youssef Chahine était un fervent défenseur du mélange des cultures", a conclu Nicolas Sarkozy.
Les funérailles de Youssef Chahine auront lieu demain au Caire. Puis le cinéaste sera enterré dans le caveau familial à Alexandrie, la grande ville du nord de l'Egypte où il est né.
Edwige Coupez, avec agences
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