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La recette du fulgurant succès de Xavier Dolan

Avec la sortie de "Mommy", mercredi, le réalisateur canadien de 25 ans est devenu la nouvelle coqueluche des médias, mais aussi du public. Autopsie d'un phénomène. 

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Le réalisateur Xavier Dolan, lors d'une conférence de presse, à Montréal (Canada), le 26 mai 2014.  (CHRISTINNE MUSCHI / REUTERS)

Xavier Dolan est partout. A seulement 25 ans, le Canadien, déjà auteur de cinq films (un par an depuis ses 20 ans), est le phénomène de la rentrée. Réalisateur, acteur, scénariste, producteur...  A l'occasion de la sortie de Mommy, mercredi 8 octobre, le jeune homme pressé a fait la une des Cahiers du cinéma, des Inrocks, de Libération, de Têtu, du Figaro Madame, de Première... 

Si Mommy est salué quasi unanimement par la presse, le public ne semble pas en reste : le film a réuni plus de 52 000 spectateurs le jour de sa sortie. C'est presque aussi bien que Gone Girl, de David Fincher, diffusé dans beaucoup plus de salles que Mommy. Un très bon démarrage pour le Québécois qui laisse augurer un succès populaire pour son long-métrage, récompensé à Cannes. Comment expliquer le "phénomène" Xavier Dolan ? Francetv info vous donne la recette (forcément subjective) de son succès.

40% de Jane Campion 

C'est son idole. Jane Campion, réalisatrice de La leçon de piano, est aussi celle qui, présidente du jury du festival de Cannes 2014, lui a remis le prix du jury en mai pour Mommy. Xavier Dolan assume sans sourciller les clins d'œil répétés à la Néo-zélandaise. "Mommy ressemble tellement à Sweetie (réalisé par Jane Campion en 1989), dans ses prémices : l’histoire d’une jeune femme de la classe moyenne qui n’a pas vraiment les moyens, qui a une relation extrême avec son copain qui hérite à temps plein de la garde de sa sœur bipolaire, une fille hyperproblématique, explique le réalisateur à Libération (article abonnés). Donc, c’est sûr qu’il y a des connivences dans nos cinémas, si j’ose dire une chose aussi prétentieuse."

Dans ses films, Jane Campion brosse des portraits de femmes qui doivent se battre contre leur époque, contre la société, contre les autres... Des femmes fortes qui sortent de leur carcan. Xavier Dolan aussi donne le beau rôle aux femmes. Dans Mommy, l'actrice Anne Dorval incarne une mère-courage face à un fils hors de contrôle. Pourquoi un nouveau portrait féminin ? "Parce que j’adore écrire pour les femmes !, répond le réalisateur au quotidien belge Le Soir. J’ai un faible pour les femmes fortes, au caractère bien trempé, qui convoient des idées plus riches que les stéréotypes féminins."

20% de Wong Kar-wai

Autre inspiration indéniable de Xavier Dolan, le réalisateur hongkongais Wong Kar-wai. L'artiste québécois reconnaît d'ailleurs un "abus de ralentis" dans Les Amours imaginaires (2010), l'histoire d'un triangle amoureux où jeune homme et une jeune femme tombent amoureux du même homme. "Pour Les Amours imaginaires, j’avais quand même vu les films de Wong Kar-wai, auquel j’ai rendu un hommage idiot d’ailleurs, avec la même musique et les mêmes plans que dans In the Mood for Love. Je le regrette", confie-t-il aux Inrocks

Ralentis, répétitions, couleurs saturées... Comme Wong Kar-wai, Xavier Dolan filme également les drames, les sentiments crus avec une sensibilité exacerbée mais sans clichés. Laurence Anyways, sorti en 2012, rappelle aussi l'univers du réalisateur hongkongais. Le film narre une histoire d'amour rendue impossible entre une femme et un homme, qui a décidé de changer de sexe. 

15% de Pedro Almodovar 

C'est peu dire que le Xavier Dolan n'apprécie pas le parallèle qui est souvent fait entre son cinéma et celui de Pedro Almodovar. En particulier avec les premiers films du réalisateur espagnol, ceux de la Movida"J’ai eu beaucoup de mal à concevoir qu’on m’impose des références sans savoir quels sont mes goûts et quels films j’apprécie. Par exemple, je n’ai vu que les quatre derniers Almodovar !", s'emportait-il en 2012, interrogé par Paris Match

Difficile, pourtant, de ne pas relever les similitudes entre les deux cinémas : des personnages flamboyants, des scènes d'engueulades et de crises de nerfs monumentales, la figure maternelle omniprésente, une esthétique pop parfois kitsch, un goût pour les couleurs vives, des actrices fétiches (Anne Dorval apparaît, même furtivement, comme dans Tom à la ferme, dans les cinq films que Xavier Dolan a réalisé)... 

15% d'Alfred Hitchcock 

Là encore, il s'en défend. Pour autant, pour Tom à la ferme (2013), Xavier Dolan marche dans les pas d'Alfred Hitchcock. Dans ce thriller psychologique, on retrouve Psychose (la scène de la douche), La Mort aux trousses (la course-poursuite dans un champ de maïs), on pense aussi à Vertigo... "Comme chez Hitchcock, le film fonctionne comme un piège qui se referme inexorablement à la fois sur le héros et sur le spectateur", écrit Le Monde (article abonnés).

"Je ne connaissais pas Hitchcock non plus avant de faire Tom à la ferme, clame Xavier Dolan aux Inrocks. Mais tu crois que je n’ai pas vu à la télé des thrillers psychologiques inspirés d’Hitchcock ? Il a laissé une empreinte dans l’imaginaire collectif et je n’ai pas pu y échapper. C’est juste le principe du téléphone arabe, le principe de la pop." 

8% de Céline Dion

La musique est omniprésente dans l'œuvre de Xavier Dolan. S'il signe avec Mommy une comédie sociale digne de Ken Loach, il n'hésite pas à le truffer de références pop qui donnent des couleurs à son film. On ne change pas, tube de Céline Dion, le mythique Wonderwall, signé par Oasis ou encore l'improbable Vivo per lei interprété par Andrea Bocelli... "J’ai grandi avec Céline Dion !", confie le réalisateur. 

Des tubes des années 1980 ou 1990 cohabitent ainsi avec de la musique classique dans les films de Xavier Dolan. Et il assume ces grands écarts liés à une culture éclectique et populaire. A l'image de ses films préférés : "'Titanic, La Leçon de piano, Magnolia, Batman, le défi, Jumanji Un ensemble de dix films complètement hétéroclites qui viennent de mon enfance", détaille-t-il aux Inrocks.

2% de Beyonce

Son image est soignée, maîtrisée. Beau gosse, il prend volontiers la pose pour un shooting de mode. Avec les médias, Xavier Dolan dose savamment arrogance, coup de gueule, charme et candeur. A 25 ans, le jeune homme ne veut pas seulement séduire grâce à ses films. Le dosage Dolan "tient à l’indémêlable symbiose d’une ambition à la Orson Welles et d’un souci de mise en plis narcissique digne de Beyoncé, d’un cynisme de publicitaire qualifié et d’une candeur élevée en arme de séduction massive", écrit Libération (article abonnés). 

Xavier Dolan pose face aux photographes après avoir reçu le prix du jury à Cannes, le 24 mai 2014, pour son film "Mommy".  (LOIC VENANCE / AFP)

Etre accueilli telle une popstar en France n'est pas pour lui déplaire. Le "phénomène" Xavier Dolan a été reçu au Forum des images à Paris le 5 octobre pour une master-class sur ses cinq films. L'annonce de l'événement a suscité le plantage des serveurs web de réservations. Les billets pour les avant-premières en présence du réalisateur se sont arrachés en un temps record. "Chaque apparition de Dolan en personne pour présenter Mommy à 'son' public génère un climat d’hystérie et de bousculade", rapporte Libé. Un succès fulgurant auquel le réalisateur s'était préparé. Il explique ainsi avoir écrit une semaine avant la remise des prix à Cannes son discours de remerciement prononcé lors du palmarès. Un discours en partie en anglais pour que "tout le monde [l]’entende" : "Il n’y a pas de limite à notre ambition à part celles que nous nous donnons et celles que les autres nous donnent. (...) Tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais. Et puisse ce prix en être la preuve la plus rayonnante."

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