Cet article date de plus de sept ans.

La saga "Alien" décryptée en quelques livres

Sorti il y a six semaines, "Alien : Covenant", cinquième film de la franchise inaugurée par Ridley Scott en 1979, n’a pas soulevé l’enthousiasme, rassemblant tout de même 1 241 676 spectateurs. Il revient à des fondamentaux du film originel, fondé sur une esthétique non conventionnelle, exportée dans six "suites", revisitées dans une série de Beaux livres exhaustifs sur la saga.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Costume d'"Alien" exposé dans le musée HR Giger de Gruyère (Suisse) 
 (FABRICE COFFRINI / AFP)

Lampistes

À l’encontre des films de science-fiction classiques, la mission spatiale d’"Alien : le 8e passager", n’est pas composée d’un équipage de conquérants à la "Star Trek", ni de héros engagés dans une guerre galactiques du type "Star Wars", ou d’astronautes professionnels comme dans "2001 : l’Odyssée de l’espace". Pour la première fois, dans "Alien", les membres d’équipage du vaisseau Nostromo sont des lampistes, des camionneurs de l’espace qui rapatrient une cargaison minière vers la Terre depuis une lointaine planète.
"Alien, le 8e passager" (1979) Ridley Scott : les camionneurs de l'espace, équipage du Nostromo : Ian Holm, John Hurt, Sigourney Weaver, Tom Skerritt, Yaphet Kotto, Harry Dean Stanton, Veronica Cartwright
 (UFD)
Le navire a perdu la flamboyance des fusées chromées de la S-F des années 50, encore décelable dans le mythique USS Enterprise de "Star Trek". Il ne reprend pas plus la blancheur immaculée des navires de "2001" ou de "Star Wars". Dans "Alien", le Nostromo est un cargo minier, composé d’une plateforme de raffinerie usagée, tractée par un vaisseau crasseux, dont l’intérieur est encombré, rouillé, perclus de câbles.
"Alien le 8e passagers" (1979) de Ridley Scott : coursive du Nostromo
 (UFD)
Les suites retiendront ces codes. Dans "Aliens, le retour" (1986) de James Cameron, les astronautes sont des Marines qui se font décimer les uns après les autres dans une colonie extraterrestre dévastée. Dans "Alien 3" (1992) de David Fincher, plus d’astronautes, mais des prisonniers pouilleux abandonnés sur une planète perdue dans une fonderie délabrée. "Alien, la Résurrection" (1997) de Jean-Pierre Jeunet, met en scène un équipage composé de pirates de l’espace, dans un vaisseau bricolé, puis un navire naufragé…
Autre innovation de taille : exit le héros à la testostérone. Le coscénariste Walter Hill propose que Ripley, au départ un homme, devienne une héroïne. Un changement de taille qui imposera Sigourney Weaver à l’écran pour en faire une star, et changera l’image de la femme dans tous les films d’action futurs.
Sigourney Weaver dans "Alien, le 8e passager" (1979) de Ridley Scott
 (UFD)

Xénomorphe

Mais si le public va s’attacher à Ripley/Sigourney Weaver, c’est la créature qui fait la différence. Quand la préproduction d’"Alien" est lancée, son apparence est le principal défi posée à Ridley Scott qui craint avant tout le ridicule que pourrait revêtir l’extraterrestre (baptisé plus tard "xénomorphe" dans "Aliens"). Après plusieurs dessins rejetés, le scénariste Dan O’Bannon présente au cinéaste la première monographie éditée du peintre suisse apparenté au surréalisme, H. R. Giger, "Nécronomicon" (Humanoïdes associés, épuisé). Le cinéaste est subjugué par la noirceur gothique et dérangeante de ses peintures aux ambiances sataniques très sexuées.
Alien 2 "Nécronom IV" H. R. Giger, modèle pour la créature d'"Alien" (1979) de Ridley Scott 
 (Bony/SIPA)
Scott s’arrête sur "Necronom IV", peinture au spirographe représentant une créature de profil, au crâne oblong, prolongée de tuyères dorsales, à la mâchoire carnassière, et fidèle à l’esthétique "biomécanique" du peintre consistant à mélanger les chairs à des éléments mécaniques. Le réalisateur fait aussitôt appel à Giger pour concevoir le monstre. Le principal changement fut de gommer ses yeux, ce qui lui imprime une terreur accrue.
"Alien le 8e passager" (1979) de Ridley Scott : Space Jockey
 (UFD)
Impressionné par la créativité et la rapidité d’exécution de Giger, Ridley Scott lui demande d’élargir son plan de travail à tout ce qui gravite autour de la créature. Il lui confie la planète et le vaisseau échoué qu’explore l’équipage, le gigantesque extraterrestre fossilisé à l'intérieur (baptisé "space jockey"), les œufs d’aliens, le parasite fécondateur qui s’en échappe ("face hugger"), l’alien nouveau-né ("chestbuster"), et les cocons qui n’apparaitront que dans la version "director’s cut" du film en 2003.

Les archives Alien

"Alien : toutes les archives" expose l’invention et le développement de l’esthétique de la franchise originelle, avec Sigourney Weaver ("Le 8e Passager", "Aliens, le Retour", "Alien3", "Résurrection").

Ce très beau livre, édité chez Huginn et Muninn qui se consacre à la pop culture, foisonne d’une richesse iconographique exceptionnelle, souvent rare, voire inédite.
Les Archives Alien : 1re de couverture 
 (DR)
L’ouvrage s’ouvre sur une interview de Sigourney Weaver qui a joué quatre fois le rôle emblématique de Ripley. Les dimensions (33X26cm, 380 pages) participent d’un livre spectaculaire où toutes les étapes de la réalisation de chaque film sont visualisées et commentées. Des dessins de production au rendu final, il passe en revue les personnages, les décors, les costumes, les accessoires…

Somme sur les origines et le développement de la saga "Alien", ces "Archives" rassemblent les ultimes documents sur le sujet avec une ambition éditoriale remarquable.

Aliens - La Guerre selon Cameron

De dimensions comparables aux "Archives Alien", "Aliens - La Guerre selon Cameron" (Huginn et Muninn) se focalise sur "Aliens, le Retour" de James Cameron que la 20th Century Fox sort six ans après le film de Scott.
"Aliens : la guerre selon James Cameron" : 1re de couverture
 (DR)
Commençant par le casting, l'ouvrage enchaîne sur la réalisation de chaque étape du récit dans un fastueux catalogue de photographies commentées par des légendes intégrées à une iconographie immergeante. L’image domine dans une mise en page éclatée qui exalte le sujet, notamment dans les chapitres consacrés à l’alien et à la reine.

Une troisième partie se consacre aux "coulisses" : les costumes d’aliens et poupées animatroniques grandeur nature, manipulées par câbles (les images numériques n’existent pas alors) ; les effets spéciaux, les vaisseaux et véhicules, armes, décors… sont visités. Par contre, aucun dessin de production. Le livre est préfacé par Carrie Henn, la jeune actrice qui avait 8 ans à l’époque dans le rôle de Newt, au cœur du film. À la fois narratif et making of, "Aliens - La Guerre selon Cameron" constitue une plongée dans le film de 1986.

Tout l’art du film Alien Covenant

Dans un format à l’italienne (carré), "Tout l'art d'Alien Covenant" est un pur making of du film de Ridley Scott, initiateur du mythe il y a 38 ans. S’y retrouve tout le processus de création du long métrage, suite de "Prométhéus", premier épisode d’un nouveau cycle de la franchise racontant ce qui précède les quatre films de la série originelle, dont le lien est Ripley/Sigourney Weaver..
Alien Covenant : 1re de couverture
 (DR)
Le format et la composition de l’ouvrage rappellent "Giger‘s Alien" consacré à la contribution de H. R. Giger à la création du film de 1979, aujourd'hui épuisé. L'ouvrage hyper documenté et illustré privilégie l’image grand format dans la continuité des deux ouvrages précédents. Mais sous une forme renouvelée, grâce au format à l’italienne peu courant.

Comme "La Guerre selon Cameron", "Tout l’art d’Alien Covenant" (toujours chez Huginn et Muninn) est écrit par Simon Ward, d’où une construction semblable. On y retrouve toutes les composantes du film, du casting aux effets spéciaux, en suivant les étapes narratives du film. S’il y a bien quelques dessins préparatoires, ils sont parcellaires, la priorité revenant aux photos de plateau, avec toujours une belle ambition éditoriale.

Alien

Petit livre de la collection "BFI : les classiques du cinéma", où l’on trouve également les films "Shining" et "Brazil", "Alien" analyse le premier film de la saga sous toutes les coutures.
"Alien" : 1ere de couverture du livre de Roger Luckhurst
 (BFI)
Riche et pertinent, cet ouvrage de poche signé Roger Luckhurst évoque la naissance du film et explore ses prolongements thématiques. Il en ressort la rupture instaurée avec la S-F au cinéma, à l’époque (1979). C’est alors un des rares représentants de la science-fiction horrifique qui s’inspire des deux seuls opus marquants du genre : "It, the Terror from outer Space" (Edward L. Cahn, 1958, inédit en France) et "La Planète des vampires" (Mario Bava, 1965, ressorti récemment). Ridley Scott apporte une maturation à ce qui deviendra après lui une véritable tendance ("Inseminoïd", "La Galaxie de la terreur", "Mutant", "The Thing, "Life"..,)

L’apport essentiel du scénariste Dan O’Bannon, fan de SF qui revendique ses sources, est enrichi par le principal concepteur visuel du film, H. R. Giger, qui remportera un Oscar au titre des effets spéciaux. Face à eux, Ridley Scott ne connaît rien à la science-fiction ni au fantastique. Cette découverte le mènera pourtant à réaliser, dans la foulée d’"Alien", un deuxième film révolutionnaire de la S-F : "Blade Runner" (1982). Un petit livre foisonnant et passionnant.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.