Le festival vu par un membre du Jury Révélation : Cérémonie de remise de prix et clôture de la Semaine de la Critique
Il arrive parfois dans un jury que tous ses membres soient subjugués par un même film, qui s'impose alors comme une évidence. Ce ne fut pas le cas de ce jury Révélations. Certains films nous plaisaient beaucoup mais ne possédait pas cette dimension que suppose l'intitulé "révélation" ou "visionnary" ou bien nos désirs personnels ne s'accordaient pas à la dimension collective du jury.
Après moult discussions et arguments pesant en faveur ou à l'encontre de certains films, nous nous sommes retrouvés avec trois finalistes. Lequel choisir ? Tous très différents, nous essayions de déterminer quel critère pourrait prendre le dessus sur les autres et faire pencher la balance envers LE film que nous récompenserions.
Puis, un seul titre du film se retrouve sur toutes les lèvres, dans tous les esprits, sous toutes les mains.
Salvo, donc.
Comment donner quelques éléments d'explication sans en dévoiler trop ? Comment tenter de faire comprendre une décision construite sur quelques jour quand chaque film a demandé des semaines, des mois, des années de labeur ? Comment faire preuve de générosité lorsque l'on doit arrêter un choix strict sur des critères sommaires ?
C'est moins pour le film dans son ensemble, comme grand tout, que pour la somme de ces petits riens que nous avons souhaité lui donner ce prix. Mais des petits riens qui ont tout de grands moments, des instants proches d'une certaine grâce et d'une promesse de poésie à nous avoir donnés terriblement envie de voir le prochain film que ce couple de réalisateurs aura à nous offrir.
Quand bien même sa maîtrise technique lui fait perdre parfois un peu de vue ce qu'il cherche à raconter, il existe dans Salvo un profond désir, une réelle envie de cinéma qui fait raccord avec ce que Révélation veut dire ; avec ce que la semaine de la critique cherche et défend.
Un premier film qui réussit à évoquer la ville de Palerme en des termes purement cinématographiques, c'est-à-dire en plaçant l'espace au centre de sa mise en scène sans la transformer en réquisitoire politique, nous a particulièrement séduit.
Il faut voir les derniers plans de nuit dans la montagne - où aurai du s' achever le film - pour comprendre tout ce que Salvo comporte de prometteur dans la future carrière de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza. Une distance, un vrai regard sur les choses et les corps, un désir de les mettre en scène porté par une vision prégnante du politique.
A ce sujet, Jeudi soir, lors de la cérémonie de la remise des prix, Miguel Gomes s'est particulièrement distingué en faisant preuve d'un talent d'orateur né masqué subtilement par une nonchalance que l'on peine à croire feinte.
"Quand je suis ici (Cannes), je sais pas pourquoi j'ai des pulsions marxistes qui me saisissent alors je ne dirais pas un mot tant que mes camarades jurés ne me rejoignent pas sur scène" déclare- t-il avant que ces quatre jurés montent sur scène.
Dans un festival du cinéma construit en grande partie autour du faste des apparences et gigotant sous un climat fait de petite et grandes hiérarchies, cette soudaine prise de conscience et rappel des tensions, divisions de classes est réjouissante.
Cinéphiles de tous les pays, levez vous.
Simon Pellegry était Membre du Jury Révélation France 4. Il est notamment l'auteur de "Ne pas déranger, nous sommes en séance". Il collabore à Spectres du Cinéma. On peut aussi le retrouver sur son blog Siperabe.
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