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Le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov arrêté et inculpé

Le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov a été arrêté pour des soupçons de détournement de fonds publics, a annoncé mardi le Comité d'enquête russe. Quelques heures plus tard, il a éré inculpé pour "fraude" malgré ses dénégations en garde à vue. Une affaire qui est dénoncée par de nombreux représentants du milieu du théâtre et du cinéma en Europe.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov (2016)
 (LOIC VENANCE / AFP)

68 millions de roubles

Directeur artistique du Centre Gogol, un célèbre théâtre contemporain de Moscou, et réalisateur de films présentés aux festivals de Cannes ou de Venise, M. Serebrennikov, 47 ans, a été interpellé sur un tournage à Saint-Pétersbourg (nord-ouest) et emmené dans la capitale pour être interrogé dans les locaux du Comité d'enquête.
 
Il a été inculpé de "fraude à grande échelle", un délit passible de dix ans d'emprisonnement, a annoncé dans un communiqué ce service chargé des principales affaires placé sous l'autorité directe du Kremlin. "Il n'a pas reconnu sa culpabilité pendant l'interrogatoire", a ajouté la même source. Le tribunal Basmanny de Moscou doit décider, lors d'une audience prévue mercredi à 12H00, d'un placement en détention provisoire ou d'une assignation à résidence du réalisateur, qui a passé la nuit en cellule, selon son avocat Dmitri Kharitonov. C'est une "cellule standard aux murs verts" qu'il partage avec "un homme soupçonné de corruption", a raconté M. Serebrennikov à la chaîne de télévision indépendante Dojd.
 
De nombreuses personnalités comme le directeur du respecté théâtre du Bolchoï, Vladimir Ourine, ont d'ores et déjà appelé à sa remise en liberté. Certains, comme l'écrivain Boris Akounine, ont dénoncé un acte de censure directement ordonné par le Kremlin.
 
Selon les enquêteurs, il est soupçonné d'avoir "organisé le détournement d'au moins 68 millions de roubles", soit un peu moins d'un million d'euros au taux actuel. Cette somme avait été attribués par l'Etat entre 2011 et 2014 pour le projet "Plateforme" mené par son théâtre précédant, le Studio-7.

Dans le collimateur des orthodoxes

Le metteur en scène, qui avait jusqu'alors le statut de témoin, a rejeté en juin ces accusations comme "une situation absurde et schizophrénique". Selon lui, les enquêteurs lui reprochent d'avoir bénéficié de fonds publics pour ce projet qui n'aurait jamais vu le jour alors qu'il s'est poursuivi pendant trois ans et l'un des spectacles, le "Songe d'une nuit d'été", ayant été montré plus de 100 fois depuis.

L’artiste a été récompensé en 2016 du prix François Chalais à Cannes pour son film "Le Disciple" et son dernier film, "Trahison", a été en compétition à la Mostra de Venise. Il est le directeur artistique du Centre Gogol, scène jusqu’alors assoupie, qu'il a transformée en lieu incontournable de la scène théâtrale contemporaine à Moscou et dont l'audace des mises en scène a été critiquée par des militants orthodoxes et le ministère de la Culture.

Sans être un opposant affiché au Kremlin, cet homme de théâtre a critiqué la pression de plus en plus forte exercée par le pouvoir sur la création artistique, la comparant aux "pratiques soviétiques les plus pathétiques".

Les perquisitions menées à son domicile en mai dans le cadre de cette affaire avaient provoqué une vive émotion dans les milieux culturels russes mais aussi à l'étranger, lui attirant de nombreux messages de soutien de la part notamment, en France, d’Isabelle Huppert.

Des acteurs et des directeurs de théâtre français dont le directeur du festival d'Avignon Olivier Py avaient dénoncé dans une lettre de soutien le "traitement inadéquat" réservé à "ce trublion génial de la scène théâtrale et du cinéma russe (qui) paye douloureusement sa liberté de création".
Kirill Serebrennikov en plein travail au Bolchoï (2017)
 (Damir Yusupov/AP/SIPA)

Passeport confisqué

Les perquisitions menées à son domicile en mai dans le cadre de cette affaire avaient provoqué une vive émotion dans les milieux culturels russes mais aussi à l'étranger, lui attirant de nombreux messages de soutien de la part notamment, en France, d’Isabelle Huppert.

Des acteurs et des directeurs de théâtre français dont le directeur du festival d'Avignon Olivier Py avaient dénoncé dans une lettre de soutien le "traitement inadéquat" réservé à "ce trublion génial de la scène théâtrale et du cinéma russe (qui) paye douloureusement sa liberté de création".

Plusieurs spectacles ou expositions ont été ciblés par des activistes orthodoxes ces dernières années au nom des valeurs conservatrices prônées par Vladimir Poutine et le ministre de la Culture Vladimir Medinski.

Le Kremlin a toujours démenti tout caractère "politique" dans l'affaire visant Kirill Sebrennikov. Interpellé par un acteur lors d'une cérémonie publique sur ce cas, Vladimir Poutine aurait qualifié d'"imbéciles" les responsables de cette enquête, selon un journaliste du quotidien "Kommersant présent".

M. Medinski a de son côté assuré que l'affaire n'avait "aucun rapport avec les gouts et les couleurs ni avec la création", reconnaissant être "comme spectateur très éloigné de l'esthétique de Serebrennikov" et disant son "incompréhension" qu'un "créateur controversé" occupe des postes de gestionnaire d'établissements subventionnés.

L'affaire a été relancée début août après le témoignage à charge de l'ancienne comptable du Studio-7, actuellement en détention provisoire, rapporté par des médias russes. Le metteur en scène s'est vu récemment confisquer son passeport bien qu'il soit attendu en septembre à Stuttgart pour monter une version de l'opéra allemand "Hänsel et Gretel".

Début juillet, le vénérable théâtre Bolchoï de Moscou a annulé, quelques jours avant la première, un ballet consacré au danseur Rudolf Noureev mis en scène par M. Serebrennikov. Face aux spéculations, son directeur Vladimir Ourine a invoqué des problèmes de "qualité" et rejeté toute pression des autorités, assurant quele spectacle serait montré plus tard dans la saison.

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