"Le Règne animal", un film fantastique audacieux signé Thomas Cailley avec Romain Duris et Adèle Exarchopoulos
Prenez un père plein de certitudes (Romain Duris) qui vomit la junk food et n'aime rien tant que balancer des citations de René Char pour se justifier auprès de son fils, du style : "Celui qui vient au monde pour ne rien changer, ne mérite ni égard ni patience", un homme persuadé qu'il va sauver sa femme d'un mal mystérieux qui s'est emparé d'elle. Ajoutez un fils paumé à l'allure dégingandée (Paul Kircher) qui résiste comme il peut à l'enthousiasme et au volontarisme paternel. Prenez enfin une gendarme ambitieuse (Adèle Exarchopoulos) condamnée à préparer des grillades pour les hommes de l'armée.
Fable écologique intimiste
Mélangez le tout avec des créatures mi-homme mi-animal qui terrorisent la population, un poulpe qui sème la terreur dans les supermarchés, un bipède plumé qui s'évade violemment d'une ambulance, et vous aurez une idée du nouveau film de Thomas Cailley, Le Règne animal, qui a été présenté au dernier Festival de Cannes, et qui sort en salles mercredi 4 octobre. Une combinaison étonnante de film fantastique et de fable écologique, aussi spectaculaire qu'intimiste.
Après Les Combattants en 2014, le deuxième film de Thomas Cailley nous plonge dans une société où tout semble normal si ce n'est que des êtres humains sont frappés d'une maladie obscure et se transforment peu à peu en créatures animales. François, le père et Emile, le fils, déménagent dans le Sud, accompagner Lana, la femme de l'un et la mère de l'autre, touchée par la maladie et contrainte d'être enfermée dans un centre spécialisé.
Quelle place donner à ces mi-humains mi-animaux ?
Le scénario écrit avec Pauline Munier s'inspire en partie du dérèglement de nos vies durant la pandémie. "Nous avons commencé l’écriture en 2019, raconte Thomas Cailley. Quelques semaines plus tard le covid était partout, nous étions confinés. Les événements autour de nous ont validé cet instinct : on s’adapte très vite. Au bout de quelques semaines on trouvait normal de voir des troupeaux de sangliers dans les centres-villes déserts et des couvre-feu à répétition."
Comment cohabiter avec ces nouvelles créatures indomptables ? Quelle place donner à ces êtres vivants aussi dangeureux qu'attachants ? Le Règne animal résonne avec l'urgence écologique actuelle et interroge nos interactions avec le reste du vivant. Un film ambitieux servi par des maquillages précis et texturés et un mélange d'effets spéciaux suffisament maîtrisés pour que le scénario conserve sa force et sa crédibilité.
Le Règne animal doit aussi beaucoup à ses acteurs et à la performance de Paul Kircher, révélé en 2022 dans le film Le Lycéen de Christophe Honoré . Il incarne avec une puissance incroyable ce corps d'adolescent dont il perd peu à peu le contrôle.
Le film de Thomas Cailley est porté par des scènes intenses comme cette nuit en voiture, en plein cœur de la forêt, où le père et le fils à la recherche de Lana s'évadent sur la chanson de Pierre Bachelet Elle est d'ailleurs, ou encore la lumière éblouissante de cette chasse à l'homme, le soir de la Saint-Jean, au milieu des champs de maïs. A cet instant, la musique originale d'Andréa Laszlo De Simone transporte loin. Mention spéciale enfin, au chien Albert. On lui aurait volontiers décerné au dernier Festival de Cannes une "Palme Dog".
La fiche
Genre : Fantastique
Réalisateur : Thomas Cailley
Acteurs : Romain Duris, Adèle Exarchopoulos, Paul Kircher, Tom Mercier
Pays : France
Durée : 2h10
Sortie : 4 octobre 2023
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