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Les derniers mots de Jean-Louis Trintignant sur scène : les adieux d'un grand

Le rideau se lève et c'est presque comme s'il nous accueillait dans son salon: pour son dernier récital de poésie à Vannes, et peut-être la dernière soirée sur scène de sa longue carrière, Jean-Louis Trintignant apparaît installé dans un fauteuil, comme les deux musiciens qui l'accompagnent.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Publié Mis à jour
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Jean-Louis Trintignant sous les ovations au Théâtre Anne-de Bretagne de Vannes
 (Mathieu Pélicart / PHOTOPQR/LE TELEGRAMME)

A bientôt 83 ans, le grand comédien a décidé de tirer sa révérence sur un dernier spectacle, mercredi soir, à Vannes. "C'est la dernière date, c'est l'âge qui me fait arrêter", confiait-il la semaine dernière au quotidien Le Télégramme. "Il faut laisser la place aux jeunes!"

Selon le programme, le spectacle, qui vient de tourner dans toute la France pendant plus de trois ans, s'intitule "Trois poètes libertaires du XXè siècle", Jacques Prévert, Boris Vian et Robert Desnos. Mais ce soir, après les applaudissements intiaux, Jean-Louis Trintignant a décidé de raccourcir le titre: "ça s'appelle "Libertaires", dit-il, jugeant soudain que le titre initial, "ça fait un peu prétentieux, ennuyeux"... et que, sur les conseils de ses amis, il a décidé de "raconter des histoires", plutôt que d'"embêter tout le monde avec de la poésie".

Histoires d'amour et de mort

Et voilà l'artiste parti pour 75 minutes d'"histoires", dans les pas de Desnos, Prévert et Vian. Histoires de vies, histoires d'amour, histoires de mort aussi, soutenues, soulignées ou prolongées, selon les cas, par l'accordéon de Daniel Mille et le violoncelle de Grégoire Korniluk, tous deux très inspirés. Entre deux textes, battant la cadence du pied ou de la main, Trintignant, pantalon et pull sombres sur chemise blanche, regarde ses musiciens avec bienveillance, invitant à l'occasion le public à les applaudir.

Les poèmes que le comédien a choisi de réciter ce soir -il assure faire son tri, chaque fois différent, parmi un répertoire d'une centaine de titres- abordent des sujets durs, comme la guerre, la Résistance, l'inceste, l'exploitation, les ombres des amis disparus ou l'amour partagé mais définitivement inaccessible, tel le dernier poème de Desnos à sa chère femme juste avant qu'il ne meure du typhus, en 1945.

Des textes poignants, récités sans coup férir d'une voix grave et puissante

Pour relâcher la tension, comme un pied de nez à cette chienne de vie, Jean-Louis Trintignant enchaîne avec un petit texte joyeux et drôle, et ses yeux brillent comme ceux d'un garnement, heureux du bon tour qu'il vient de jouer aux adultes. Il chantonne aussi le début du Déserteur (Boris Vian) avant de le dire dans sa version originale, antérieure aux ciseaux de la censure: "Si vous me poursuivez, prévenez vos gendarmes, que j'emporte des armes et que je sais tirer...".

Une ovation interminable

Sans doute eux aussi emportés par la sobriété de la mise en scène, signée Gabor Rassov, et l'émotion dégagée par le spectacle, les nombreux lycéens présents dans la salle n'ont pas pipé mot. Mais quand Trintignant se lève, signant la fin du récital et venant saluer les spectateurs, encadré par ses deux musiciens, les applaudissements fusent pendant plusieurs minutes et la salle se lève pour ovationner l'artiste, visiblement heureux. Jusqu'à ce qu'il lâche, regardant ses musiciens dans un sourire complice: "On en connaît une autre...." Comme les musiciens, il rejoint son fauteuil.

Soudain, un bruit de vagues semble émerger délicatement de l'accordéon de Daniel Mille. Et Trintignant entame: "Souviens-toi, Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest, ce jour-là..." Derniers moments de magie avant une nouvelle ovation interminable.


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