"Les enfants des autres" : Rebecca Zlotowski interroge avec nuances la place des belles-mères dans les familles recomposées
La cinéaste réussit un film fin et émouvant sur la famille et le désir d’enfant, à travers la figure d’une belle-mère, incarnée par Virginie Efira, en proie à ses contradictions.
L’Histoire du cinéma n’a pas toujours été tendre avec les belles-mères. Dans de nombreux films, elles sont en concurrence avec d’autres femmes, généralement leurs belles-filles. Le long-métrage américain Sa mère ou moi ! (2005), de Robert Luketic, avec Jennifer Lopez et Jane Fonda, peut tristement en témoigner. On pense aussi, bien sûr, à la marâtre dans Blanche-Neige et les Septs Nains (2005), exemple par excellence de la belle-mère malfaisante. En 1992, le cinéaste Peter Jackson (Le Seigneur des anneaux, Le Hobbit) a même transformé une belle-mère en zombie partant à l’assaut de sa famille (et de tout un quartier) dans la comédie horrifique Braindead.
Peu d’œuvres mettent en scène de manière nuancée ou positive une relation entre une femme et sa belle-fille, ou entre une mère et une belle mère. Avec Les enfants des autres, la réalisatrice Rebecca Zlotowski (Grand Central, Une fille facile) change la donne avec délicatesse et talent.
Compte à rebours
Enseignante dans un lycée parisien, Rachel (Virginie Efira), une quarantenaire bien dans ses baskets, tombe amoureuse de son professeur de guitare, Ali (Roschdy Zem). Ce dernier a une petite fille de 4 ans, Leila, née d’une précédente relation avec une femme nommée Alice (Chiara Mastroianni). L’idylle entre Ali et Rachel se développe, et le lien entre Leila et sa belle-mère aussi. Etapes par étapes, elles apprennent à se connaître et à s’aimer. Rachel s’occupe de l’enfant par moments comme si c’était sa propre fille.
En parallèle, la professeure de français s’interroge sur ses propres possibilités de maternité. Son âge, une baisse de sa fertilité et l’annonce de la grossesse de sa petite sœur la déstabilisent. D'un coup le sentiment d’être piégée par un compte à rebours biologique et relationnel l'envahit. "Tu es un idéaliste, moi je suis pragmatique", soufflera-t-elle à Ali, qui ne souhaite pas de deuxième enfant dans l’immédiat. Une situation d'inégalité vécue par beaucoup de femmes.
La figure de la belle-mère réhabilitée de manière positive
Sans clichés, Rebecca Zlotowski aborde de manière simple et émouvante l’histoire de cette enseignante tiraillée entre "la fierté d’appartenir au groupe des femmes sans enfants" et "l’impression de louper une expérience que la moitié du monde traverse".
Plusieurs scènes de vie quotidienne retranscrivent avec beaucoup de finesse la relation de Leila avec Rachel et redonnent ainsi à la figure de la belle- mère de la profondeur et de la nuance. On adopte son point de vue, on s'identifie à son personnage. Le film s’ouvre et se ferme sur elle. A plusieurs reprise elle au cœur de l’iris de la caméra, comme pour nous rappeler sur qui se concentre l’action.
Autre atout du film, Alice, la mère biologique de Leila n’est pas une ennemie. "C’est Ali qui me fait souffrir, pas vous" lui glissera Rachel à la suite d’une dispute avec son compagnon. Et d’ajouter : "arrêtons de nous excuser pour ce que font les hommes". Les deux femmes ne sont pas en concurrence, leur entente est distante mais cordiale, chacune ayant conscience de son rôle. Une belle réflexion sur la famille recomposée.
La fiche
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Rebecca Zlotowski
Casting : Virginie Effira, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni
Pays : France
Durée : 1h43
Sortie : 21 septembre 2022
Distributeur : Ad Vitam
Synopsis : Rachel a 40 ans, pas d’enfant. Elle aime sa vie : ses élèves au lycée, ses amis, ses ex, ses cours de guitare. En tombant amoureuse d’Ali, elle s’attache à Leila, sa fille de 4 ans. Elle la borde, la soigne, et l’aime comme la sienne. Mais aimer les enfants des autres, c’est un risque à prendre…
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.