Les négociations entre acteurs et grands studios de Hollywood se soldent par un échec et risquent de paralyser les tournages
Les négociateurs du syndicat américain d'acteurs SAG-AFTRA ont recommandé une grève à l'unanimité après l'échec de négociations avec les studios hollywoodiens, a déclaré la SAG-AFTRA, dont le conseil national se réunira ce jeudi 13 juillet pour voter sur la question.
"Des propositions insultantes"
Comme les scénaristes, les acteurs réclament de meilleures rémunérations pour lutter contre l'inflation et des garanties face aux bouleversements potentiels liés à l'intelligence artificielle, comme le clonage vocal. Ils protestent notamment contre la baisse, liée au streaming, de leurs rémunérations dites "résiduelles", découlant de chaque rediffusion d'un film ou d'une série.
Si la grève était approuvée, les acteurs se joindraient aux scénaristes de cinéma et de télévision qui ont cessé le travail au début du mois de mai. "Après plus de quatre semaines de négociations, l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP) (...) refuse toujours d'offrir un accord juste concernant les questions-clés qui sont essentielles aux yeux des membres de la SAG-AFTRA", comme leur rémunération, a indiqué ce syndicat dans un communiqué.
Ses positions sont beaucoup trop éloignées de celle de l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP), qui regroupe des groupes historiques du cinéma comme Disney, NBCUniversal, Paramount, Warner Bros Discovery et Sony, et des plateformes numériques comme Netflix, Amazon ou Apple.
"Les réponses de l'AMPTP aux propositions les plus importantes du syndicat ont été insultantes et ne respectent pas notre contribution capitale à cette industrie. Les employeurs ont refusé de s'impliquer de manière significative sur certains sujets et, sur d'autres, nous ont complètement ignorés", a écrit dans un communique publié jeudi 13 juillet ce syndicat, qui représente 160.000 comédiens et autres professionnels du petit et du grand écran. Le bureau du syndicat doit entériner jeudi le début de la grève.
S'ils lançaient ce mouvement, les acteurs rejoindraient alors les scénaristes, qui ont cessé le travail depuis début mai. Ce double mouvement social réunissant les visages et les plumes de l'industrie cinématographique sera une première depuis 1960 à Hollywood. Les deux corps de métier réclament une revalorisation de leur rémunération, en berne à l'ère du streaming. Ils souhaitent également obtenir des garanties concernant l'usage de l'intelligence artificielle, pour empêcher l'IA de générer des scripts, ou de cloner leur voix et leur image. L'entrée en grève des acteurs serait un coup dur pour les patrons des studios et plateformes de streaming.
Report des Emmy Awards ?
Depuis mai, les seules productions qui ont décidé de tourner le font sur la base de scripts déjà terminés au printemps, sans pouvoir les modifier. C'est notamment le cas du préquel du Seigneur des Anneaux financé par Amazon, Les Anneaux de Pouvoir. Mais, sans comédiens, les tournages ne seraient tout simplement plus possibles. Seuls quelques talk-shows et émissions de télé-réalité pourraient se poursuivre.
Les acteurs ont aussi le pouvoir de handicaper sérieusement la promotion des blockbusters de cet été, comme le très attendu Oppenheimer de Christopher Nolan, dont la première à Londres jeudi va être avancée d'une heure pour permettre à son casting d'assurer les interviews avant le début d'une éventuelle grève. L'absence de comédiens sur les tapis rouges laisserait un grand vide en Californie. Comic-Con, la grand-messe des geeks et amateurs de bande dessinée américains, devrait ainsi se dérouler sans vedettes à partir du 20 juillet à San Diego. Avant la grève, Disney a expliqué que le lancement de son nouveau film, Le Manoir Hanté, serait réduit à un "événement privé" pour les fans lors du week-end en cas de mouvement social.
Même la cérémonie des Emmy Awards, équivalent des Oscars pour la télé, prévue le 18 septembre, est menacée. La production envisage déjà de reporter l'événement en novembre, voire en 2024, selon la presse américaine. Les stars de Succession Brian Cox, Kieran Culkin et Jeremy Strong, tous trois nominés pour le titre de meilleur acteur dans une série dramatique et membres du syndicat des acteurs, la SAG-AFTRA, ne monteraient pas sur le tapis rouge, en solidarité avec les 160.000 membres de la guilde. Tout comme leur homologue Sarah Snook, pressentie comme favorite pour remporter le prix de meilleure actrice.
Nul ne sait combien de temps le mouvement pourrait durer. Les acteurs n'ont pas fait grève depuis 1980. La dernière grève des scénaristes, qui remonte à 2007-2008, avait duré 100 jours et coûté deux milliards de dollars au secteur.
Mery Streep, Jennifer Lawrence signataires d'une lettre
Début juillet, des centaines d'acteurs célèbres, parmi lesquels Meryl Streep et Jennifer Lawrence, ont signé une lettre insistant sur la nécessité de faire grève, à moins que leur syndicat ne parvienne à un "accord transformateur". Selon ce document, l'industrie cinématographique américaine est à un "point d'inflexion sans précédent".
"Nous avons besoin de moderniser nos contrats face aux nouvelles technologies", a expliqué à l'AFP Kim Donovan. Inquiète face à l'impact potentiel de l'intelligence artificielle, cette actrice de 52 ans espère voir les célébrités s'engager réellement en cas de grève. "Elles ont les voix les plus fortes, nous avons besoin de leur soutien."
Depuis une dizaine d'années, l'avènement du streaming a bouleversé les rémunérations "résiduelles" des acteurs et scénaristes, découlant de chaque rediffusion d'un film ou d'une série. Intéressants avec la télévision car calculés en fonction du tarif des publicités, ces émoluments sont bien moindres avec les plateformes de streaming, qui ne communiquent pas leurs chiffres d'audience et paient un forfait, indépendamment du succès.
Sans ces revenus essentiels pour absorber les périodes d'inactivité entre deux productions, les nombreux travailleurs qui n'ont pas le statut d'acteur ou d'auteur star dénoncent une précarisation de leur métier. Le développement rapide de l'intelligence artificielle, qui menace de les remplacer, ne fait qu'ajouter de l'huile sur le feu. Disney a par exemple eu recours à l'IA pour produire le générique de sa nouvelle série lancée en juin, Secret Invasion.
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