"Les Parapluies de Cherbourg" : le film de Jacques Demy porté par la musique de Michel Legrand fête ses 60 ans
Il y a tout juste 60 ans, Les Parapluies de Cherbourg inondaient les écrans de cinéma. Sorti le 19 février 1964, le drame musical réalisé par Jacques Demy (1931-1990) et intégralement chanté sur la musique de Michel Legrand, trouve immédiatement son public. Sacré Palme d'or au Festival de Cannes et couronné du prix Louis-Delluc, ce film connaît un immense succès critique et populaire, en France et dans le monde. "J'étais fou de joie parce que ça veut dire beaucoup de choses dans la carrière d'un cinéaste", confiait quelques années plus tard Jacques Demy.
Considéré comme avant-gardiste à l'époque, le film émeut toujours autant les spectateurs grâce à son charme désuet et son histoire universelle. "C'est un film où j'aimerais traverser l'écran et rester le reste de ma vie et peut-être le reste de ma mort dans Les Parapluies de Cherbourg", se réjouit Xavier Leherpeur, critique de cinéma pour l'Obs et France Inter.
Avec Les Parapluies de Cherbourg, Jacques Demy invente un genre inédit inspiré de son enfance, à la croisée des chemins entre tragédie lyrique et comédies musicales américaines, dont le fameux Chantons sous la pluie. "Sa mère l'emmenait voir des opérettes au théâtre Gralin à Nantes, et au cinéma les films américains. Il a été influencé par ce cinéma très luxuriant et joyeux", raconte Rosalie Varda-Demy, la fille de Jacques Demy.
Décors flamboyants et condition de la femme
Le scénario des Parapluies de Cherbourg raconte une histoire d'amour contrariée par la guerre d'Algérie, le tout en chansons. Une première à l'époque et en France. Face à Nino Castelnuovo (repéré dans Rocco et ses frères), Catherine Deneuve incarne la légèreté, l'amour, le désespoir. "C'est de la tragédie musicale, c'est un film enchanté, c'est un film en scope comme on dit, un film en couleur", disait à l'époque Jacques Demy.
Malgré une mise en scène innovante, des décors aux couleurs saturées, des costumes élégants, Jacques Demy ne se cantonne pas à la légèreté apparente et aborde des sujets de société de fond. "C'est un décor très joyeux, il est très drôle. Les femmes sont habillées pratiquement avec le même motif que le papier peint. Quand on regarde bien, ça veut dire quelque chose sur la femme qui n'arrive pas à s'extirper de son modèle 'domestique', elle se fond avec le papier peint parce que c'est une femme au foyer, dont la fonction est définie par la société et tout ça hérisse Jacques Demy, tout son cinéma est extrêmement féministe", analyse Xavier Leherpeur.
La sauveuse des "Parapluies"
Avant de voir le jour sur pellicule, Les Parapluies de Cherbourg ont pourtant peiné à trouver des financeurs. Qualifié de précurseur, le projet effraie les producteurs, refroidis par les échecs de nombreuses comédies musicales américaines dans les salles françaises. Finalement, une productrice finit par accepter : Mag Bodard. "Elle tombe en amour du film, car Michel Legrand et Jacques Demy chantent tous les deux tous les rôles du film devant elle et à la suite de cette séance de travail, elle donne son accord pour produire le film", révèle Rosalie Varda-Demy.
Personne n'y croyait, personne n'en voulait. Convaincre quelqu'un, c'est déjà très difficile. Alors, convaincre quelqu'un de quelque chose dont il est convaincu qu'il ne faut pas le faire, c'est encore plus difficile. J'ai mis un an et demi avant de pouvoir monter "Les Parapluies de Cherbourg" !
Mag Bodard, productrice des "Parapluies de Cherbourg"
Les séquences sont tournées en huit semaines, à Cherbourg (Manche), en Tous les témoignages évoquent un tournage euphorique, porté par un enthousiasme collectif. Lors de sa première année d'exploitation en salle, Les Parapluies de Cherbourg réunissent plus 1 300 000 spectateurs en France. Le film a connu en 2013 une totale restauration en numérique grâce aux dons de mécènes et la collecte d'une cagnotte sur internet.
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