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Les Tintin auxquels vous avez échappé

Le Tintin de Spielberg met fin à quarante ans d'absence du jeune reporter sur grand écran. Pourtant, ce ne sont pas les idées farfelues qui ont manqué.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Steven Spielberg pose devant le Thalys aux couleurs de Tintin, dans la gare de de Bruxelles, le 22 octobre 2011. (Thomas Samson / AFP)

Tintin, vêtu d'un tee-shirt orné d'un grand T, façon Superman, se tourne vers le spectateur et lance : "Hi, my name is Tintin." Un mauvais rêve ? Non, plutôt ce que le producteur de Bozo le clown a failli nous faire subir dans les années 1960. Hergé a demandé à ce que l'on coupe le pilote de cette version au bout de quarante-cinq secondes. Le projet a finalement été enterré.

Car adapter Tintin au cinéma représente un sacré défi. Avant Steven Spielberg, dont le film Les Aventures de Tintin : le secret de la Licorne sort mercredi 26 octobre, plusieurs réalisateurs s'y sont essayé. Et rétrospectivement, ça fait peur.

Tintin au Congo, jamais arrivé

Après le très, très moyen Tintin et le mystère de la Toison d'or (1961) et le médiocre Tintin et les oranges bleues en 1964 (vidéo ci-dessus), les spectateurs des années 60 ont failli endurer une troisième adaptation des aventures du jeune reporter avec Jean-Pierre Talbot dans le rôle-titre. Il s'agissait deTintin au Congo, a révélé l'acteur belge au magazine spécialisé L'Immanquable.

Mais le projet n'a pas vu le jour. D'abord faute de producteur, puis à cause d'un problème d'emploi du temps. Jean-Pierre Talbot, découvert sur une plage d'Ostende, était instituteur. Il avait passé un accord avec son établissement et ses élèves pour terminer l'année scolaire en avril et ainsi disposer de quatre bons mois de tournage avant la rentrée.

Sauf que les autres comédiens ne pouvaient pas se libérer pour un tournage estival. Et impossible de remplacer Talbot par un autre acteur : Hergé, en le voyant, s'était exclamé : "Ah oui, c'est bien lui !"

Au théâtre : pas de rappel

On aurait pu imaginer l'adaptation au cinéma d'une des deux pièces de théâtre écrites pendant la deuxième guerre mondiale par Hergé et l'un de ses proches collaborateurs de l'époque, Jacques Van Melkebeke, (un peu trop collaborateur d'ailleurs, semble-t-il). 

Dans leur première, Tintin aux Indes : le mystère du diamant bleu, montée en 1941, Tintin fut interprété sur les planches par… une adolescente de 14 ans. Dans la seconde, Monsieur Boullock a disparu (1942), Tintin était joué par un acteur de 9 ans.

Cependant, ces deux pièces ne dépasseront pas les portes des théâtres. A moins que, surfant sur le succès du film de Spielberg, Broadway ne les adapte en comédie musicale, comme pour Batman ou Spiderman ?

Walt Disney n'avait pas le temps

En 1948, Hergé, très impressionné par les dessins animés de Walt Disney, lui envoie un carton de ses albums et lui propose de s'associer. La réponse d'un des assistants du papa de Mickey est sèche et sans équivoque : revenez dans cinq ans, notre carnet de commandes est plein. Et de lui renvoyer ses bandes dessinées. 

Maman, j'ai raté Tintin

Une des tentatives les plus proches d'aboutir est signée Jaco van Dormael (Le huitième jourToto le héros) dans les années 1990. Il obtient un accord de principe de la fondation Moulinsart, qui gère l'œuvre d'Hergé, et commence à travailler sur un film mettant en scène Tintin et Tchang, et même un personnage incarnant Hergé. Davantage une réflexion sur l'œuvre de l'auteur belge, le film aurait eu pour tête d'affiche Macaulay Culkin, le héros de Maman, j'ai raté l'avion.

Jaco van Dormael raconte la suite au site belge Cinebel "On est tout de même allé jusqu’au jour de la signature avec la bouteille de champagne, le contrat, le stylo que Nick Rodwell [administrateur délégué de la société Moulisnart] décapuchonne, la plume qui s’approche de l’endroit où il va signer. Il hésite un moment, il referme. Il dit à mon producteur Philippe Godeau et à moi : 'Je dois encore réfléchir la nuit là-dessus. Je vous rappelle demain.' Il n’a jamais rappelé."

La malédiction 

Surtout intéressé par les scènes sous-marines, le commandant Cousteau voulait adapter le diptyque Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge. Le projet n'ira pas bien loin.

Alain Resnais avait l'ambition de créer une forme hybride de narration entre la BD et le cinéma dans les années 1960. Les personnages auraient porté des masques, tous les décors auraient été recréés en studios. Trop cher, pour un succès commercial loin d'être assuré.

A noter que c'est précisément pour cette raison que Spielberg a utilisé le motion capture, une technique permettant de capter les mouvements d'un élément réel afin de les renvoyer dans un univers virtuel : personne ne peut incarner à la perfection le reporter à la houppe. Mais à l'époque, Resnais ne disposait pas d'une telle technologie.

Alain Berberian, auréolé du succès de La Cité de la peur en 1994, butera sur ce même écueil. Sinon, on aurait vu Jean Reno jouer le capitaine Haddock.

Jean-Pierre Jeunet a approché la fondation Hergé à la fin des années 1990. Qui lui a ouvert ses portes en grand, jusqu'à ce qu'il apprenne, avant même l'intéressé, que le projet de Van Dormael était enterré. Décontenancé par ces méthodes, Jeunet met son Tintin coureur de jupons et grande gueule en standby.

Van Damme se rêve en gringalet

Une rumeur reprise par plusieurs magazines spécialisés (Brazil, Première) dit que Jean-Claude Van Damme aurait proposé, en 2003, ses services à Spielberg quand ce dernier a racheté les droits du reporter à la houppe pour incarner le héros. On rappelle que Tintin est un gringalet âgé de 14 à 18 ans, de l'aveu même de son créateur. Les effets spéciaux ne font pas tout, Jean-Claude.

Déjà un chef d'œuvre au cinéma

L'influence du cinéma dans l'œuvre d'Hergé se fait surtout sentir au début : L'île noire par exemple, s'inspire ouvertement de King Kong et des 39 marches d'Hitchcock. Hergé était un grand cinéphile et a largement puisé dans le septième art pour tous ses albums d'avant-guerre. Il abordera ensuite des thèmes plus personnels, comme la dépression dans Tintin au Tibet, ou une variation sur l'ennui dans Les Bijoux de la Castafiore

 

C'est sans doute pour cela que la meilleure aventure de Tintin au cinéma à ce jour demeure… un film où Tintin n'apparaît pas. Il s'agit de L'Homme de Rio, de Philippe de Broca, avec Jean-Paul Belmondo, et ses multiples références à L'Oreille cassée. Un des films référence de Spielberg.

 

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