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"Midi-minuit Fantastique" : renaissance d’une revue mythique

Née en 1962 et disparue en 1971, la mythique revue de cinéma "Midi-minuit Fantastique", dirigée par Michel Caen, Alain Le Bris, puis Jean-Claude Romer, est un cas à part dans l’histoire de la presse. Michel Caen avec Nicolas Stanzick la remettent sur le devant de la scène en rééditant dans une splendide édition, l’intégrale de ses vingt numéros, augmentée d’inédits.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Midi-Minuit Fantastique
 (Rouge Profond)

"Midi-minuit Fantastique"  fut à l’origine de l’engouement pour le cinéma fantastique en France et, plus généralement, de la diffusion d’une contreculture qui s’incarnera, plus tard, dans Mai 68.

Si cette publication des Editions du Terrain Vague, dirigée par l’iconoclaste Eric Losfeld, est avant tout une revue de cinéma spécialisée dans le fantastique, elle traitait également de bande-dessinée, d’art, de littérature, d’érotisme… sous la bannière du surréalisme, de l’étrange et de l’insolite. Revue luxueuse, à dos carré, avec ses cahiers de photos sur papier glacé, remarquablement reproduites pour l’époque, les textes y étaient exigeants, érudits, toujours passionnés, signés, hormis les fondateurs du titre, par d’illustres invités tels Jean Boullet (parrain de la revue), Claude Beylie, Yves Boisset, Bertrand Tavernier, Eugène Ionesco, Ado Kyrou, Francis Lacassin, Pierre de Mandiargues…
Michel Caen, cofondateur de Midi-Minuit Fantastique, dans les années 60
 (Rouge Profond)
Le titre de "Midi-Minuit Fantastique" (MMF pour les intimes) s’inspire d’une salle de cinéma située alors rue du Faubourg-Poissonnière, à Paris, près du Rex, spécialisée dans la programmation de films fantastiques et plus ou moins "déshabillés", projetés de 12h00 (puis 10h00) à 24h00. S’y retrouvaient tous les amateurs du genre, puis rapidement des intellectuels et des snobs venus s’encanailler aux abords de la rue Saint-Denis. Le Midi-Minuit était l’endroit où il fallait être, où il fallait être vu. La revue a également la particularité d’avoir été créée et dirigée par deux jeunes gens de 20 ans, la majorité étant à l’époque acquise à 21 ans, alors que la vente de MMF était interdite aux mineurs ! Autant dire que MMF aura toute son existence moult déboires avec la censure.
"Midi-Minuit Fantastique" Vol 1, de Michel Caen et Nicolas Stanzick : première de couverture
 (Rouge profond)
La publication de l’intégrale de la revue chez Rouge Profond est planifiée sur quatre tomes, dont le premier vient d’arriver en librairie (le prochain devrait être livré en novembre). Ce ne sont pas des fac-similés, puisque le format est plus grand que les originaux, mais chaque numéro conserve sa mise en page, avec des inédits, parfois en couleurs, et des articles non publiés, comme une interview de Federico Fellini sur la bande dessinée (le cinéaste était à l’origine auteur de « fumetti »). Le volume rassemble les six premiers numéros de la revue. Chacun est consacré à un sujet : "Terence Fisher", "Les Vamps du fantastique", "King Kong", "Dracula" et "La Chasse du conte Zaroff".

Tous sont évidemment épuisés de longue date, très recherchés par les amateurs prêts à casser leur tirelire aux rares occasions où ils tombent dessus. Emblème de la contreculture, MMF reflète un temps où tout était à découvrir : des films d’épouvante des années 30 ("les invisibles" tels que les nommait ce grand prêtre noir qu’était Jean Boullet), au cinéma expérimental, en passant par les films de la Hammer, l’épouvante italienne, l’érotisme balbutiant ou les Kaiju (films à grands monstres) japonais. MMF conquit toute une génération, les "midiminuistes", enthousiastes, et fit des petits. D’abord une foule de fanzines, dont certains devinrent des revues comme "L’Ecran Fantastique" et "Mad Movies", toujours dans les kiosques.
"Midi-Minuit-Fantastique" n°2 : 1re de couverture
 (Rouge Profond)
Cerise sur la gâteau, Michel Caen et Nicolas Stanzick ont trouvé bon d’accompagner l’ouvrage d’un DVD où sont rassemblées quelques perles "midiminuistes". S’y trouvent l’adaptation remarquable par Alexandre Astruc du "Puits et le pendule", d’après Poe, avec Maurice Ronet ; plusieurs sujets diffusés dans les années 60 à la télévision sur le fantastique, où apparaissent Michel Caen, Christopher Lee, Terence Fisher, Barbara Steele, Jean Boullet... ; des scopitones des sixties de Serge Gainsbourg et Stella (l’anti-Sheila) ; enfin une excellente pièce radiophonique d’après "Dracula" de Bram Stoker, avec Jean Rochefort dans le rôle-titre !  
"Midi-Minuit Fantastique", première revue européenne consacrée à un cinéma de genre, est un cas unique dans l’édition mondiale. Bénis (si un tel terme peut leur être consacré) soient Michel Caen et Nicolas Stanzick (auteur par ailleurs du remarquable "Dans les griffes de la Hammer") pour avoir redonné vie à MMF à destination des jeunes "fantasticophiles". Ils y découvriront les sources de leur passion et y approfondiront leur culture en la matière, grâce aux textes avisés de leurs auteurs, et une très riche iconographie, souvent rare, remarquablement reproduite. Les aficionados revivront leurs émois d'antant enrichis et complétés, les autres y trouveront une bizarrerie de l’édition française, telle qu’il en apparaît rarement, qui participe de l’histoire de la contreculture et de la cinéphilie en France. Vital.

Midi-Minuit Fantastique Volume 1
Une intégrale augmentée par Michel Caen et Nicolas Stanzick
Relié, 672 pages, 800 photos (couleurs et noir et blanc), avec DVD de 205 mn (mutizone)
58 euros

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