Mort d'Anouk Aimée : "À chaque fois que je disais 'Coupez', j'avais le sentiment d'avoir filmé l'éternité", dit Claude Lelouch
"À chaque fois que je disais 'Coupez', j'avais le sentiment d'avoir filmé l'éternité", a dit mardi 18 juin sur franceinfo le réalisateur Claude Lelouch après la mort de la comédienne Anouk Aimée à l'âge de 92 ans. L'actrice avait illuminé le chef-d'œuvre du réalisateur, Un homme et une femme, en 1966, en compagnie de Jean-Louis Trintignant. "Elle avait un sourire, une voix incroyable, une harmonie qui faisait qu'on approchait la perfection", se souvient Claude Lelouch, qui se dit "très heureux qu'elle soit partie car les derniers jours étaient difficiles".
franceinfo : C'est une rencontre qui a changé votre vie ?
Claude Lelouch : Oui, absolument. On a tous besoin d'aimer et d'être aimé, on a tous besoin d'amour, et elle, un peu plus que les autres. Elle était dans l'amour total et elle ne pouvait s'intéresser à quelqu'un que s’il y avait justement cette part d'amour qui la rassurait et qui lui permettait d'accéder à des parfums de vérité. J'ai eu la chance de faire plusieurs films avec elle, j'ai eu la chance de pouvoir la filmer quand elle était jeune, quand elle l'était un peu moins et quand elle était dans les dernières années de sa vie. J'ai accompagné cette femme et elle m'a accompagné d'une façon incroyable. Avec Jean-Louis Trintignant, tous les deux, ils ont changé ma vie et je ne les remercierai jamais assez d'avoir fait tout ce qu'ils ont fait pour moi, de m'avoir dit oui, d'avoir été les premières stars à me dire oui. Quand elle m'a dit oui, elle était à Rome, elle tournait dans le film de Fellini. Je lui avais fait le pitch du film en trois minutes au téléphone. Elle m'a dit qu'elle était d'accord.
Elle dégageait quelque chose hors du commun ?
Bien sûr. Elle avait un sourire, une voix incroyable, une harmonie qui faisait qu'on approchait la perfection. Elle faisait partie de ces stars qui nous ont fait rêver et comme on ne meurt jamais d'une overdose de rêve, il faut en profiter. Toutes ces stars, toutes ces personnes qui ont marqué l'histoire du cinéma et de la vie, on leur doit beaucoup. S'il n'y avait pas le rêve aujourd'hui, la vie serait très difficile à supporter. Avec son physique et son regard, elle a illuminé nos films, de Fellini à Demy en passant par moi, à chaque fois qu'on disait 'Coupez', on avait le sentiment d'avoir filmé l'éternité.
Qu'est-ce qui vous liait tous les deux ?
Nous étions très superstitieux tous les deux. Pendant le tournage, elle me disait qu'il allait se passer plein de choses incroyables avec ce film. Elle a été la première à me dire que ce film allait faire le tour du monde et toucher tout le monde. Je pensais qu'elle me disait ça pour me faire plaisir mais ça s'est réalisé. Par la suite, on ne change pas une équipe qui gagne, on a eu envie de se retrouver vingt ans après, cinquante ans après, on se téléphonait pratiquement tous les jours. Elle était à la fois ma maman de cinéma et la femme de ma vie au cinéma. Je suis très heureux qu'elle soit partie car les derniers jours étaient difficiles, elle souffrait, et aujourd'hui, je sais maintenant qu'elle va bien. J'ai envie que la mort soit la plus belle des récompenses.
Jean-Louis Trintignant s'est éteint il y a quasiment deux ans jour pour jour. Il y a quelque d'inoubliable et d'inséparable dans ce duo que vous aviez formé ?
Il y a de la magie. Ils sont partis tous les deux ans à 92 ans, c'est absolument incroyable. Je me réjouis qu'ils se soient retrouvés aujourd'hui, j'en suis intimement convaincu. Ce n'est pas un hasard s'ils sont partis tous les deux au même âge.
Que peuvent aller chercher les jeunes actrices dans le répertoire d'Anouk Aimée ?
La perfection est une chose qui n'existe pas mais de temps en temps, il y a des parfums de perfection qui apparaissent. C'est ce qu'il se passe avec Marlyn Monroe, avec Audrey Hepburn, avec Anouk Aimée. À un moment donné, on ne sait pas pourquoi, vous avez des visages, des sourires, qui vous disent les choses essentielles. Incontestablement, Anouk Aimée a su nous dire des choses qu'on avait besoin d'entendre.
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