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"Noé" : trois raisons pour lesquelles Hollywood adore la Bible

Un déluge de films plus ou moins librement inspirés des récits bibliques devrait s'abattre sur nos écrans en 2014.

Article rédigé par franceinfo - Par Louis Boy
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le réalisateur Darren Aronofski fait de "Noé" "le premier écologiste", signe des libertés parfois prises par Hollywood avec la Bible. (PARAMOUNT PICTURES)

Captain America n'est pas le seul super-héros en vedette sur nos écrans en ce début de printemps : le blockbuster de la semaine, qui sort mercredi 9 avril, met en vedette Russel Crowe en... Noé. Un patriarche biblique au centre d'une grosse production hollywoodienne, ce n'est plus si étonnant. Sur Wikipedia, une liste pas forcément exhaustive recense plus de 200 films basés sur l'un des deux testaments (seulement cinq sont français, le dernier datant d'il y a 80 ans).

En 2014, Noé n'est que le premier d'une vague de films basés sur la Bible à venir. Ridley Scott prépare pour le 24 décembre sa version de l'exode, Exodus, avec Christian Bale en Moïse. Son Of God – pas besoin de vous expliquer de qui il s'agit – devrait sortir cette année en France après un gros succès au box-office américain. Pêle-mêle, les rumeurs hollywoodiennes promettent aussi Gods And Kings, soit la vie de Moïse par Ang Lee (le réalisateur du Secret de Brokeback Mountain) et Jesus Of Nazareth par Paul Verhoeven (le réalisateur de Basic Instinct, Total Recall, Robocop, etc.). Le cinéaste adapterait ici son propre livre où il présente un Christ davantage leader politique que fils de Dieu. Quand à Will Smith, il produirait un Caïn et Abel 2.0... avec des vampires.

Francetv info vous explique les raisons de cette soudaine ferveur pour les scénarios bibliques.

La Bible est un très bon recueil d'histoires

Pour son réalisateur Darren Aronofski, Noé est "le moins biblique des films bibliques". Ouvertement athée, il ne s'est pas inspiré de la Bible par sentiment religieux mais simplement pour y trouver un bon scénario. Noé devient une fresque épique au héros torturé, situé dans un monde fantastique qui, de l'aveu d'Aronofski dans le Hollywood Reporter (en anglais), ressemble plus au monde du Seigneur des anneaux "qu'au catéchisme de votre grand-mère". Quant au déluge, il est évidemment l'occasion d'une débauche d'effets spéciaux. "Il y a eu un regain d'intérêt pour les récits apocalyptiques ces dernières années", abonde le coscénariste du film, Ari Handel, à la radio américaine NPR"Et Noé est peut-être le premier récit apocalyptique." Un matériau d'autant plus fertile que le texte originel du Déluge dans la Bible est très court et lapidaire, laissant beaucoup de liberté au cinéaste pour y apporter sa propre vision.

Un moyen pour Darren Aronofski, qui a comparé le déluge à la montée actuelle des océans, de parler du monde d'aujourd'hui. "Noé était le premier écologiste", a ainsi déclaré l'auteur de Black Swan et Requiem For A Dream. "C'est dans la Genèse. Noé ne sauve pas des bébés innocents : il sauve les animaux, il sauve la création." Un aspect très critiqué par une partie des spectateurs chrétiens.

Des épisodes spectaculaires, des questionnements moraux et des personnages complexes : Noé est un scénario parfait pour un film hollywoodien. Et les 66 livres de la Bible regorgent de ce genre d'histoire, comme l'a remarqué le site américain Vulture (en anglais) qui liste les 5 épisodes bibliques "qui devraient être des films". Et c'est vrai que l'histoire de Judith, qui inflitre la cour du roi Nabuchodonosor, séduit son chef des armées et le décapite avant de partir avec sa tête dans son sac à main, serait parfaite pour un film de Tarantino.

Un sujet polémique qui déchaîne les passions

Si la vision de Noé de Darren Aronofski est très personnelle, elle ne cherche pas à être provocatrice. Difficile d'en dire autant d'autres cinéastes qui jouent précisément sur l'idée de présenter des personnages religieux comme des hommes comme les autres. Le plus célèbre d'entre eux : Martin Scorsese. En 1988, dans La Dernière Tentation du Christ, il décrit un fils de Dieu qui aspire à une vie normale et se marie en rêve avec Marie-Madeleine. A l'époque, plusieurs chaînes de cinémas aux Etats-Unis refusent de projeter le film et le 22 octobre 1988, des fondamentalistes chrétiens lancent des cocktails molotov sur le théâtre Saint-Michel à Paris, qui diffusait le film, blessant 13 personnes.

Cet attrait pour une vision provocatrice de la Bible n'est pas réservé aux athées. Mel Gibson, en 2004, a proposé sa vision très personnelle de La Passion du Christ, qui prend certaines libertés avec le texte traditionnel, multiplie les plans sanguinolents et met lourdement l'accent sur la responsabilité des juifs dans la crucifixion de Jésus. Boosté par ces multiples polémiques, le film, parlé en latin et araméen, remporte un beau succès dans le monde entier. Il est aujourd'hui vu comme une des raisons du regain d'intérêt pour les récits bibliques au cinéma, même si, en comparaison, la vision de la Bible est aujourd'hui beaucoup plus consensuelle.

Les chrétiens, un marché porteur aux Etats-Unis

Diogo Morgado, l'acteur principal de "Son Of God", est surnommé "Hot Jesus" par les nombreux fans du film. (HEARST PRODUCTIONS)

Derrière les productions destinées au marché international comme Noé, de nombreux films basés sur la Bible ne passent pas les frontières américaines et visent le marché florissant des chrétiens évangéliques. Ainsi, la série qui a attiré le plus de téléspectateurs sur le câble aux Etats-Unis en 2013 n'est ni Game Of Thrones, ni Breaking Bad, mais The Bible, une adaptation de la vie du messie en 3 épisodes. Son adaptation au cinéma, Son Of God, s'est hissée en tête du box-office américain début 2014 et pourrait finalement avoir une sortie française. L'acteur portugais Diogo Morgado, qui joue le rôle titre, a quand à lui eu droit à son hashtag sur Twitter, rapporte Libération. Sur #HotJesus, ses admiratrices s'interrogent : est-ce très catholique de trouver Jésus aussi sexy ?

Le public jeune et connecté est donc prêt à aller voir des films sur Jésus. Et pour vendre leurs films, les studios peuvent aussi compter sur des alliés de choix : les églises et les congrégations religieuses. Motivées par l'idée de placer leur idole au sommet du box-office, celles-ci avaient acheté pour plus de 4 millions de dollars de tickets en prévision de Son Of God, privatisant des cinémas entiers pour l'occasion. Un succès garanti pour les studios qui peut expliquer leur engouement pour tout ce qui touche à l'Ancien ou au Nouveau Testament. Reste à savoir si la vision de Noé en super-héros écolo trouvera autant de fidèles.

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