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"On s'aperçoit que mon corps a changé" : Monica Bellucci, filmée comme jamais dans le nouveau film d'Emir Kusturica

Monica Bellucci est à l'affiche de "On the milky road" du cinéaste serbe Emir Kusturica. "Il a voulu faire de moi une femme plus terrienne", raconte l'actrice italienne.

Article rédigé par Thierry Fiorile, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Monica Belucci, dans "On the milky road" de Kusturica. (WILD BUNCH DISTRIBUTION)

L'actrice italienne est à l'affiche du nouveau film d'Emir Kusturica, double palme d'or à Cannes. On the milky road sort en salle mercredi 12 juillet et raconte l'histoire d'amour impossible entre un livreur de lait pour les combattants et une mystérieuse réfugiée venue d'Italie. Le scénario se déroule dans un petit village de montagne, pendant la guerre des Balkans. Le couple est interprété à l'écran par Emir Kusturica en personne et Monica Bellucci.

Le cinéaste serbe explique avoir filmé l'actrice italienne, comme cela n'avait jamais été fait : "Monica Bellucci n'est pas juste une icône, c'est la femme totale. Elle représentait le type de femme du cinéma italien des années 1960 : elle est vraie, elle mange des spaghettis. Avant, c'était quelque chose d'autre qu'on chorégraphiait. Cette fois, c'est un paysage de l'esprit de Monica Bellucci."

franceinfo : comment avez-vous rencontré Emir Kusturica ?

Monica Belluci : J'ai découvert le monde artistique d'Emir Kusturica à travers Le Temps des Gitans. Quand j'ai vu ce film, je me suis dit que c'était un chef d'oeuvre, avec ses autres films comme Underground ou Arizona Dream. Emir est quelqu'un d'enthousiaste. Du coup, il m'a raconté tout le film par téléphone. J'ai trouvé incroyable le fait qu'un homme puisse écrire un rôle féminin si profond, passionnant et sensible. Ce personnage est une femme qui possède de multiples facettes. Elle est maternelle et nourricière, mais elle est aussi capable de tuer et d'être fragile comme un enfant. Pour écrire cela, il faut connaître le monde des femmes. 

Emir Kusturica dit que vous n'aviez jamais été filmée de cette manière...

Je ne sais pas. Je pense qu'il y a une évolution, il a peut-être voulu créer une femme plus terrienne. La plastique que j'avais quand j'étais plus jeune faisait qu'on s'arrêtait à une apparence. Lui, il a cherché la femme derrière le masque.

Emir Kusturica évoque le cinéma italien des années 1960. Et d'ailleurs, dans le film, votre personnage dit : "J'en ai marre d'être belle"... 

Dans cette scène, il me dit : "tu es belle". Je lui réponds que la beauté ne m'a créé que des problèmes, parce qu'elle fait ressortir le pire de l'humanité. C'est une chose qui revient régulièrement dans les films que je tourne. Comme si, à de nombreuses reprises, les réalisateurs m'avaient engagée pour mes talents de comédienne, mais aussi pour expliquer la brutalité de l'homme et son envie de détruire la beauté. Moi, j'ai toujours vécu mon apparence physique comme un cadeau. Je n'ai pas lutté contre. D'ailleurs, je ne me suis jamais transformée dans un film, comme l'on fait de nombreuses comédiennes qui se sont détruites à l'écran pour être plus crédible. Je pense que le temps qui passe me donne une autre manière d'exister à l'écran. Quand on voit le film d'Emir Kusturica, on s'aperçoit que mon corps à changé, que le temps a passé. J'ai donc une autre manière de représenter des rôles à l'écran, parce qu'une actrice existe à travers son corps.

Un autre personnage féminin est très important dans ce film. Celui-ci évoque la période de la guerre. Est-ce qu'il y a un équilibre entre ces deux personnages ?

Oui, c'est la guerre de l'homme entre les deux visions de la femme. D'un côté, il y a une femme que la guerre a rendu folle. Elle est à fleur de peau, elle n'a peur de rien et elle se comporte parfois comme un homme. De l'autre côté, il y a mon personnage, sans nom, que l'on appelle "la mariée". Il y a un mystère autour d'elle, on ne sait pas qui elle est vraiment, d'où elle vient, et où elle va. Cette femme représente la vieille âme qui a vécu, la femme qui connaît la vie et qui ne s'étonne plus de rien. Elle peut recoudre une oreille en chantant. Ces deux personnages représente donc la guerre de l'homme entre la réalité et la course vers quelque chose. Cet amour raconté dans le film est un amour impossible, mais il y a toujours la recherche d'évasion pour trouver l'extase et sortir de la douleur. 

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