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Orson Welles vs Shakespeare : "Macbeth" et "Othello" en DVD avec un beau livre

Orson Welles a adapté deux fois Shakespeare au cinéma : "Macbeth" (1948) et "Othello" (1952). "Falstaff" (1965) développait le personnage éponyme apparu dans "Henry IV" et "Les Joyeuses commères de Windsor". Les deux premiers films, où Welles, joue les deux rôles-titres, atteignent la quasi-perfection d'une transposition de l'univers shakespearien, aujourd'hui remastérisés en DVD et Blu ray.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Orson Welles en 1973
 (Kobal / The Picture Desk)
"Macbeth" : la pièce la plus sombre de Shakespeare adaptée par un génie

L'histoire : Macbeth, puissant général écossais et thane de Glamis, est de retour dans son pays après avoir livré une bataille victorieuse contre l’Irlande et la Norvège. En chemin, il croise la route de trois sorcières qui lui prédisent son avenir, celui de devenir thane de Cawdor puis roi d’Écosse. Peu de temps après, la première prédiction devient réalité et le général est nommé thane de Cawdor. Lorsque Lady Macbeth découvre quel futur glorieux l’attend, elle devient rapidement dévorée par l’ambition et pousse son mari à forcer le destin : les deux époux assassinent bientôt froidement le roi Duncan. Alors que la prophétie des sorcières se réalise, Macbeth et sa femme sombrent peu à peu dans la folie…

Le film : Quand il réalise "Macbeth", Orson Welles a déjà quatre longs métrages derrière lui. Curieusement, le cinéaste, star depuis son Mercury theater radiophonique et "Citizen Kane", trouve son financement auprès d'un studio de seconde zone, "Republic Pictures", plutôt spécialisé dans les séries B et autres serials. C'est dire si le budget est réduit. D'où peut-être la facture très théâtrale des décors, les brumes omniprésentes et les nombreuses ombres dans les intérieurs. Mais ce qui pourrait apparaître comme une lacune participe de toute l'atmosphère ténébreuse de la pièce et du film.

"Macbeth" est présenté dans ses deux versions : l'intégrale de 116 minutes voulue par Orson Welles, où les personnages ont un accent écossais, et la version cinéma de 86 minutes sortie en salles à l'époque, aux voix américanisées. L'interprétation est magistrale, les images charbonneuses et la mise en scène à la fois tragique et épique. A voir et à revoir.

Jacquette DVD de "Macbeth" d'Orson Welles
 (Carlotta Films)

Bonus : de nombreux compléments enrichissent ces deux versions. Denis Lavant offre sa propre lecture de la pièce, François Thomas analyse les deux moutures distinctes du film, Jean-Pierre Berthomé rend compte des rapports entre Welles et Shakespeare, puis donne évoque les décors, croquis du cinéaste à l'appui, des séquences thématiques et sonores sont analysés, un entretien avec le metteur en scène de théâtre Stuart Seide revient sur la pièce, une curiosité complète l'ensemble : "Vaudou Macbeth", un extrait d'une interprétation de la pièce par des acteurs noirs montée par Welles en 1938. Enfin un enregistrement de la pièce radiophonique qu'il donna avec ses acteurs du Mercury Theater clôt cette foule de bonus : de quoi remplir les longues soirées d'hiver.

Macbeth
D'Orson Welles (Etats-Unis-1948)
Avec Orson Welles, Roddy McDowall, Jeanette Nolan – 1h47
Editions Carlotta Films
DVD : 20,06 euros – Blu ray : 25,07 euros

Orson Welles en "Macbeth" dans son film éponyme (1948)
 (Photo12.com - Collection Cinema / Photo12)

Othelo : la meilleure adaptation de Shakespeare au cinéma

L'histoire :  À Venise, des noces ont lieu en secret entre le Maure Othello, général vénitien estimé par ses pairs, et la belle Desdémone, fille du sénateur Brabantio. Au fond de l’église, deux hommes se tiennent en retrait : il y a là Iago, l’officier d’Othello qui voue à son supérieur une haine incommensurable, et Roderigo, amoureux éperdu de Desdémone. Après leur union, Othello s’en va combattre la flotte turque, puis retrouve sa femme sur l’île de Chypre où il est nommé gouverneur. Le fourbe Iago est alors résolu à détruire le bonheur des jeunes mariés et va pour cela s’employer à manipuler leur entourage…

Le film : Othello remporta le Grand Prix du Festival de Cannes 1952. C'était alors la plus haute distinction de la manifestation, la dénomination "Palme d'or" et le trophée n'apparaissant qu'en 1955. La pièce de Shakespeare avait déjà apporté la consécration au cinéaste dans son interprétation scénique. Le film repose sur une mise en scène contrastée à plus d'un titre. Il comporte à la fois une approche expressionniste dans les intérieurs sombres, et solaires dans les extérieurs. Cette approche reflète l'ambivalence du Maure de Venise, dans son amour effréné pour Desdemone, et sa jalousie qui le poussera au meurtre. On retrouve cette ambivalence chez Iago, qui louvoie son général tout en lui vouant une haine féroce jusqu'à précipiter son destin.

Welles construit des images saisissantes et interprète un Othello magnifique, à la voix caverneuse. "Othello" fut en grande partie tourné en extérieur en Italie et au Maroc, ce qui retire la patte très théâtrale de son "Macbeth", plus pour des raisons budgétaires qu'esthétiques. Le film eût une production difficile. Les précédents échecs financiers du grand cinéaste a en effet entraîné le studio à stopper par trois fois le tournage qui s'étala sur trois ans, obligeant Welles à y aller de sa poche. Le résultat n'en n'est pas moins saisissant. Magnifique.
Jaquette vidéo d'"Othello" d'Orson Welles
 (Carlotta Films)
Les bonus : Dans "Perspectives sur Othello", l'historien du cinéma Joseph Mc Bride, spécialiste de Welles, analyse l'adaptation effectuée par le cinéaste, en alimentant son propos de nombreuses anecdotes. Un deuxième complément accompagne le film : un court métrage à la tonalité fantastique, signé Hilton Edwards de 1951, interprété par Orson Welles lors d'une interruption du tournage d'"Othello".

Othello
D'Orson Welles (Etats-Unis, France, Italie, Maroc- 1952)
Avec : Orson Welles, Michael McLiammoir, Robert Coote, Suzanne Cloutier
Edition Carlotta Films
DVD : 20,06 euros – Blu ray : 25, 07 euros


"Macbeth et "Othello" sont à la fois édités séparément et dans un coffret rassemblant les deux films avec leurs bonus, en trois Blue ray et un DVD, au prix de 40,11 euros.
  (Carlotta Films)
Macbeth – Othello : William Shakespeare – Orson Welles

Dans la foulée de la sortie vidéo restaurée de "Macbeth" et "Othello" d'Orson Welles, Carlotta, jusqu'ici cantonné à la distribution de films en salles et en vidéo, publie son premier ouvrage consacré à Shakespeare et Welles.
Couverture de "Macbeth-Othello - William Shakespeare-Orson Welles
 (Carlotta)
Ce beau livre offre deux nouvelles traductions des pièces par Patrick Reumaux, écrivain, poètes (Prix Max Jacob) et traducteur. Il est superbement illustré par nombre de photographies noir et blanc des deux films de Welles, instaurant un dialogue entre le texte de Shakespeare et son interprétation visuelle par le cinéaste.

La préface signée Antoine de Baeque traite de façon très poétique de la justification de la traduction de deux textes déjà très célèbres.

Macbeth – Othello
Relié, couverture toilée, 352 pages, édition limitée
Editions Carlotta
60 euros

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