Leonardo DiCaprio favori aux Oscars : cette fois-ci, est-ce la bonne ?
Il a échoué en 1994, en 2005, en 2007 et en 2014. Alors 2016 sera-t-elle son année ? Ou Leonardo DiCaprio devra t-il encore patienter, à l'exemple d'un Paul Newman qui ne fut récompensé qu'à l'occasion de sa septième nomination ?
C'est le grand favori. Les critiques l'acclament. Les dingues de statistiques assurent qu'il ne peut pas perdre. Le public n'attend que ça. Dimanche 28 février, Leonardo DiCaprio va remporter l'Oscar du meilleur acteur pour sa performance magistrale, dans The Revenant. Ou pas. Après tout, il a l'habitude de passer à côté de la statuette dorée.
En 1994, la peur de gagner
Il a les mains moites, au fond de la salle. Sa mère s'est absentée aux toilettes au pire moment. Le maître de cérémonie est en train de décacheter l'enveloppe qui contient le nom du lauréat de l'Oscar du meilleur second rôle. Leonardo DiCaprio est nommé pour Gilbert Grape, un drame social où il incarne à la perfection un ado légèrement handicapé mental. Bluffant de justesse, au point que de nombreux spectateurs se sont demandés si l'acteur n'était pas lui-même atteint d'une pathologie. "Il mérite l'Oscar, point", tranche le critique du Chicago Tribune Roger Ebert. Tom Hanks, donné favori pour la statuette du meilleur acteur pour son rôle dans Philadelphia, en a fait son chouchou.
Il n'a pas 20 ans, mais a décidé seul de son plan de carrière. Refuser les gros chèques et les pop-corn movies, comme Hocus Pocus – "on m'offrait plus d'argent que je n'en avais jamais rêvé" – et encaisser sans rien dire les brimades de Johnny Depp, le rôle titre, de dix ans son aîné, sur le plateau de tournage de Gilbert Grape. Depp reconnaîtra en janvier 2016 l'avoir "torturé", sans rentrer dans les détails. DiCaprio n'en a jamais parlé. Lors de la cérémonie des Oscars, en ce dimanche de février 1994, il n'y pense pas. Il a peur. La perspective de faire un discours devant "un milliard de personnes" le terrifie. Sourire crispé de façade, panique à l'intérieur.
Caramba, raté ! Le nom de Tommy Lee Jones résonne au micro. "Je voulais m'agenouiller et remercier Dieu, raconte DiCaprio au site MovieLine. Personne n'était plus content que moi que ce soit lui qui gagne ! " Commentaire du journaliste du Orlando Sentinel : "Leonardo DiCaprio, mon favori pour l'Oscar du meilleur second rôle, a tout le temps d'en remporter un". Se doutait-il que vingt ans plus tard, ce serait toujours le cas ?
En 2005, l'écroulement dans la dernière ligne droite
Plus de dix ans se sont écoulés avant que DiCaprio ne foule à nouveau le tapis rouge du Kodak Theater, avec une boule au ventre. Dans l'intervalle, il est devenu une star internationale avec Titanic, et a enchaîné les succès critiques et commerciaux (Attrape-moi si tu peux, Gangs of New York), évité les pièges (en refusant le rôle d'Anakin Skywalker dans la seconde trilogie Star Wars), sans être gratifié d'une nomination.
Il fait son grand retour avec un film, Aviator, taillé pour les Oscars, comme le note le New York Times.Tous les critères du cahier des charges sont remplis : une histoire vraie, un acteur qui se transforme physiquement pour le rôle, un scénario se déroulant dans le passé, des hommages à l'âge d'or d'Hollywood, trois heures au compteur, et un crash d'avion (un point commun à beaucoup de films sacrés). "Celui qui vous dit qu'il ne veut pas être reconnu par ses pairs vous ment", déclare à USA Today un DiCaprio plus que jamais en campagne. A 30 ans seulement, il reçoit un trophée pour l'ensemble de son œuvre lors du festival de Santa Barbara. "C'est complètement surréaliste." Il est donné favori par les bookmakers à quelques semaines de l'échéance... quand soudain, tout s'écroule.
Caramba, encore raté ! La cote d'Aviator flanche dans la dernière ligne droite. Martin Scorsese, le réalisateur du film que DiCaprio est allé débaucher, laisse entendre au Times qu'"avoir un Oscar ne changera pas [s]a vie. Il fallait me le donner dans les années soixante-dix !" Et c'est Jamie Foxx qui décroche la timbale.
En 2007, le coup pour rien
Surprise ! Leonardo DiCaprio est nommé aux Oscars, non pas pour le film Les Infiltrés – remake d'un film hongkongais que Scorsese qualifie de "commercial", mais qui lui vaudra son premier Oscar – mais pour le thriller Blood Diamond, sur fond de trafic de diamants et de conflit en Sierra Leone. Est-ce son accent sud-africain forgé au contact de militaires alors qu'il préparait le rôle qui a convaincu le jury ? Ou le fait qu'il a sauvé Djimon Hounsou, qui lui donne la réplique, d'une tentative d'assassinat peu après le tournage ? DiCaprio ne part pas battu, mais se veut réaliste. Dans une interview au Guardian, il concède : "Je fais super bien la tête du loser désormais."
Caramba, encore (encore) raté ! Pas favori, DiCaprio s'incline logiquement face à un Forest Whitaker au sommet de son art dans Le Dernier Roi d'Ecosse. Il ronge son frein, pendant que Martin Scorsese fait son show au moment de brandir le premier Oscar de sa carrière – "Vous pouvez vérifier une deuxième fois l'enveloppe ?". DiCaprio poireaute deux heures au buffet, et quitte les lieux en compagnie du réalisateur et de sa mère, Irmalin, pour une autre soirée, loin des photographes, décrit USA Today.
En 2014, la malédiction du continuum Pitt-Hanks
"Remporter l'Oscar, ou décrocher une nomination, peut avoir un rôle important dans le succès du film, minaude DiCaprio dans une interview au site Deadline. Je n'ai pas d'espoir particulier pour moi. Je ne pense pas mériter quelque chose, mais ça fait du bien de sentir vos pairs se dire : 'ça vaut le coup qu'on en parle'."
Son rôle de trader sans scrupules dans l'ébouriffant Loup de Wall Street de Scorsese lui vaut son ticket pour le tapis rouge. Peut-être sait-il que son film, amoral de bout en bout, sans le happy-end ni la rédemption du héros règlementaires, constitue une entorse aux canons du film à Oscar. Devine-t-il que Matthew McConaughey, petit rôle du Loup de Wall Street à qui il a soufflé la scène où il se martèle la poitrine, devenue culte, va lui souffler la politesse avec son Dallas Buyers Club ?
Caramba, encore (encore, encore) raté ! Matthew McConaughey décroche la statuette. Les sites spécialisés en viennent à se demander ce que le malheureux DiCaprio doit faire pour être enfin récompensé. Connaître un énorme creux, puis revenir avec un rôle exigeant ? Le problème de DiCaprio est qu'il n'a jamais connu de creux, et qu'il a toujours attiré les foules avec des films exigeants salués par la critique. Vanity Fair échafaude même une théorie expliquant ses échecs à répétition, "le continuum Pitt-Hanks". DiCaprio, acteur cool comme Brad Pitt, choisit des rôles où il se heurte frontalement avec le spectateur, qui lutte pour éprouver de l'empathie avec lui. Le contraire de Tom Hanks, en gros, et l'exact opposé du genre de rôle qui plaît à l'académie des Oscars.
Et cette fois, c'est la bonne ?
Le message ressemble à celui de 2014. Leonardo DiCaprio n'a pas besoin des Oscars pour attirer les foules dans les salles, et promouvoir des projets audacieux qui ne sont ni des franchises, ni des suites de suites de blockbusters. "Nous n'avons pas fait ce film pour obtenir une récompense, explique-t-il au Figaro. Mais si on peut attirer l'attention sur un film aussi audacieux, ce n'est que du positif." Le Revenant a été tourné en conditions réelles, dans le blizzard canadien, pendant les 90 minutes quotidiennes où le soleil était assez haut, et montre (entre autres) un DiCaprio couvert d'engelures manger de la viande de bison crue à même la neige.
Caramba... C'est peut-être pour cela qu'il va obtenir la récompense suprême. D'autres acteurs de légende ont attendu longtemps avant d'être sacrés par leurs pairs, comme Paul Newman, qui a patienté trente-cinq ans pour décrocher la breloque, ou Al Pacino, nommé sept fois en vingt ans avant d'être honoré.
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