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Les Razzie Awards, ces anti-Oscars qui feraient mieux de s'arrêter

La 37e cérémonie de cet événement, qui "récompense" les plus mauvais films de l'année, a lieu, samedi, aux Etats-Unis.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'acteur Tom Green tient trois des Razzies Awards remportés par le film "Freddy Got Fingered", à Santa Monica (Californie), le 23 mars 2002. (JOHN HAYES / AP / SIPA)

Ils récompensent le pire du cinéma américain. Les Razzie Awards se tiennent la veille des prestigieux Oscars, samedi 25 février. En lice, cette année, on trouve notamment le blockbuster Batman v Superman, avec Ben Affleck, la comédie Zoolander 2, avec Ben Stiller ou encore Dirty Papy, avec Robert de Niro.

Franceinfo explique pourquoi cet événement parodique, qui existe depuis 1981, feraient mieux de s'arrêter.

Ils ont fait d'énormes erreurs de jugement

"A l'origine, les Razzie Awards reposaient beaucoup sur l'avis de son fondateur [le publicitaire John Wilson]. C'était un peu n'importe quoi", commente auprès de franceinfo David Honnorat, cofondateur de Vodkaster, un réseau social traitant du cinéma, et de Calmos.net, une newsletter sur le 7e art.

Lors de la première édition des Razzie Awards, Stanley Kubrick a été nommé dans la catégorie pire réalisateur pour Shining. En 1984, Brian de Palma était cité dans cette même catégorie pour Scarface. Mais aujourd'hui encore, John Wilson maintient ses critiques à l'encontre de ces films et réalisateurs cultes. "Stanley Kubrick aurait dû être plus proche de ce qu'était le livre [de Stephen King]. Si vous n'avez pas de respect pour l'œuvre originelle, allez faire autre chose", a-t-il déclaré au Guardian (en anglais), en 2016. Quant à Brian de Palma, il considère qu'il n'a "pas de talent".

Cette année, le film Batman v Superman compte 8 nominations. Incompréhensible pour Emmanuelle Spadacenta, rédactrice en chef de Cinemateaser. "Il est quand même très compliqué de nommer quelqu'un comme Zack Snyder dans la catégorie pire réalisateur. Dans l'année, parmi les films américains, il y a bien pire que lui", juge-t-elle.

Mais les Razzies ont tenté un mea-culpa. En 2015, dans la catégorie "Redemption", ils ont récompensé Ben Affleck, qu'ils adorent critiquer, pour les films Gone Girl et Argo.

Ils critiquent l'évidence

Avec les annéesles Razzie Awards ont changé. "Désormais, ils dénoncent des films commerciaux, comme l'adaptation cinématographique de Fifty Shades of Grey. Des films qui ont un succès au box-office, mais n'ont jamais prétendu à des récompenses", commente David Honnorat. Pour lui, "les Razzies surfent sur des films qui ont déjà une cote de haine préalable".

De son côté, Emmanuelle Spadacenta est encore plus sévère.

Ils ont tendance à tirer sur l'ambulance : soit sur des films qui ont été unanimement critiqués, soit sur de vrais accidents industriels. Ils ne prennent pas de risques.

Emmanuelle Spadacenta, rédactrice en chef de "Cinemateaser"

à franceinfo

Par exemple, en 2013, The Lone Ranger, qui a été l'un des plus gros bides au box-office, était nommé dans cinq catégories. Cette année, Alice de l'autre côté du miroir, flop produit par Tim Burton, est nommé dans la catégorie "pire suite".

Selon David Honnorat, "depuis une bonne vingtaine d'années, la course aux Oscars est de plus en plus codifiée. Des films ont le scénario pour ça, sont marketés pour ça, ils sortent à certaines périodes pour ça... Maintenant, on identifie, avant même de les avoir vus, des films prototypes pour les Oscars. Et il y a aussi les films prototypes pour les Razzies".

Le système de vote n'est pas sérieux

Mais comment les films sont-ils sélectionnés ? Ils sont choisis par les membres de la Golden Raspberry Foundation. Cette année, 1 000 membres ont voté. Et pour adhérer, rien de plus simple : il suffit de payer 40 dollars. Avec 500 dollars, vous devenez membre à vie.

Lorsque vous êtes membres, vous n'avez pas besoin d'avoir vu un film pour le nommer. "Quand on voit les listes des films aux Razzies, chaque année, on a envie de leur dire : 'Ok, vous n'avez donc vu que 10 films'", tranche Emmanuelle Spadacenta. Un reproche également formulé, en 2014, par le critique cinéma du Telegraph (en anglais), et par le site Indie Wire (en anglais) en 2015.

Presque personne ne vient chercher son prix

Le trophée des Razzie Awards ressemble à une petite framboise posée sur une bobine de film Super 8. Le tout est peint en jaune. Depuis 1981, rares sont les personnalités qui se sont rendues à la cérémonie pour venir chercher cet objet, estimé à 4,79 dollars.

Parmi elles, il y a Halle Berry, en 2005, pour son rôle dans Catwoman. "Si tu ne peux pas supporter les critiques, tu n’es pas digne de recevoir les compliments", avait déclaré l'actrice. "Le film avait été tellement mal reçu qu'il n'y avait plus que l'autodérision pour s'en sortir", remarque Emmanuelle Spadacenta.

Sandra Bullock a également fait le choix d'aller chercher sa récompense, en 2010, pour sa prestation dans All About Steve. Le lendemain, elle était sacrée aux Oscars pour sa performance dans The Blind Side. "Cela a bien montré la vacuité des Razzies, grince David Honnorat. Une façon de dire que cette cérémonie n'était pas grand chose."

Que peu de monde vienne chercher un tel prix n'est pas surprenant. Mais finalement, on peut se demander pourquoi autant d'attention est portée à cet événement, finalement plutôt confidentiel. Des agences de presse comme l'AFP, ou encore Reuters, rapportent les nominations des Razzie Awards alors qu'ils sont très peu suivis. Ils ne comptent que 2 700 abonnés sur Twitter, quelque 3 100 sur Facebook et un peu plus de 5 000 sur YouTube. Y aura-t-il une 38e édition des Razzies l'an prochain ? Les meilleures blagues sont toujours les plus courtes.

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