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Pasolini revit dans une exposition à la Cinémathèque
Cinéaste, écrivain, polémiste, Pier Paolo Pasolini, assassiné en novembre 1975, fait l’objet d’une exposition à la Cinémathèque française à Paris : « Pasolini Roma », qui évoque non seulement l’homme, son art, mais aussi son intimité avec la ville éternelle. Retour sur une figure trop oubliée, toujours vivante, dont l'oeuvre demeure puissante et intemporelle.
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L’homme dans la ville
Créé par l’Université de Barcelone, « Pasolini Roma » reprend l’évocation d’un artiste à travers sa ville de prédilection, un angle qu’a déjà choisi l’institution avec des expositions telles que Joyce et Dublin ou Ginsberg à New York. Chronologique, l’exposition suit le parcours du cinéaste depuis son arrivée à Rome en 1950, jusqu’à sa mort en 1975, assassiné sur un terrain vague entre un stade de football et la plage d’Ostie. Pier Paolo Pasolini n’était pas romain. Né dans le Frioul, région du nord-est de l’Italie, il débarque avec sa mère à Rome en 1950, après avoir perdu son frère engagé dans la résistance antifasciste. Ils laissent derrière eux un père alcoolique qui les rejoindra plus tard. Ils habitent un quartier pauvre périphérique de la ville. Le couloir menant à la première salle de l’exposition évoque ce voyage par la reconstitution de deux fenêtres de wagon de train, par lesquelles défilent des photographies évoquant les origines et la jeunesse de Pasolini. Une très belle idée muséographique, qui reste un des principaux atouts de l’exposition. Il n’est pas facile d’évoquer Pasolini dans une exposition qui, par définition, donne à voir. Le réalisateur de « Mama Roma », du « Decameron » ou de « Salo » est effectivement avant tout un intellectuel, même s’il s’est projeté dans de nombreux films. « Pasolini Roma » tente d’exposer sur les cimaises ce cerveau si fécond. D’où la prépondérance de pièces manuscrites ou de tapuscrits, avec néanmoins des extraits de films, d’émissions de télévisions, de quelques toiles et dessins, comme des story-boards en marge des scénarios, ce que l’on n’attendait pas forcément de Pasolini, ainsi que de très nombreuses photographies. Romanesco
Arrivé à Rome, le futur cinéaste ne se destinait pas au septième art, mais à la littérature et à la peinture. Ce qui nous vaut de voir exposées quelques œuvres et les premières éditions de ses romans et recueils de poèmes, des manuscrits, lettres et scénarios. Fasciné par les jeunes garçons de la rue, Pasolini en tire son premier roman « Ragazzi di Vita », où il fait parler ses protagonistes en « romanesco », le dialecte des jeunes voyous et du sous-prolétariat des quartiers défavorisés. Ce qui fait scandale, tout en révélant le jeune écrivain au public. Suite à cette reconnaissance sulfureuse, Fellini et Bolognini font appel à lui pour écrire des scènes de leurs films en « romanesco » (« les Nuits de Cabiria », « La Dolce Vita », « Les Garçons »...) Ce début de notoriété lui permet de quitter son emploi de professeur de littérature, d’habiter un quartier plus central de Rome et d’acheter sa première voiture. C’est là qu’il rencontre Alberto Moravia et Elsa Morante, puis Laura Betti avec lesquels il restera lié toute sa vie. Introduit dans le milieu du cinéma, notamment par Fellini, Pasolini tourne à 39 ans des essais pour son premier film « Accattone » qu’il soumet au réalisateur de « La Dolce Vita ». Ce dernier n’est pas du tout convaincu de ses talents de cinéaste et lui déconseille de continuer sur cette voie. Sa rencontre avec le producteur Alfredo Bini lui redonne confiance et Pasolini se remet à tourner ce premier film, sorti en 1961, dont le titre n’est autre que le nom de son héros, un souteneur des faubourgs de Rome. Bini lui restera fidèle sur ses prochains films. La première partie de son œuvre cinématographique est consacrée à ces faubourgs qu’il connaît bien et ses habitants de la classe sous-prolétarienne. « Accattone » est suivi de « Mamma Roma » (1962) avec Anna Magnani et « La Ricotta » (1963), avec Laura Betti, Orson Welles (!) et Tomas Milan. Le film fait scandale et lui vaut un procès pour « blasphème », premier d’une longue série, Pasolini ayant été 33 fois poursuivi par la justice tout au long de sa vie. C’est au cours de cette période que le réalisateur fait la rencontre décisive avec un jeune apprenti menuisier, Ninetto Davoli, qui devient son compagnon durant neuf ans, son acteur fétiche et son ami pour la vie. Désenchantement
Installé dans un nouveau quartier résidentiel du sud de Rome, l’EUR, il décide de traverser l’Italie, équipé d’un nagra pour interviewer les Italiens sur la sexualité. Son enquête accouchera d’un documentaire, « Comizi d’Amore » (1964). D’idéologie marxiste et athée dans le pays le plus catholique d’Europe, Pier Paolo Pasolini tourne dans le sud de l’Italie, après des repérages en Palestine, le plus beau film sur le Christ, « L’Evangile selon Saint-Matthieu ». Il remporte le Prix spécial du jury et le Grand prix de l’office catholique à la Mostra de Venise en 1964. Le film est même projeté à Notre Dame de Paris, ville où le réalisateur rencontre Jean-Paul Sartre. Au milieu des années 60, Pasolini est pris de désenchantement. Convalescent durant un mois, il écrit six pièces de théâtre. En 1966, il réalise « Des oiseaux petits et grands » avec le comique en fin de carrière, très populaire en Italie, Toto, et son amant Ninetto Davoli. Une comédie amère, reflet de la vision d’une société qui a basculé dans l’inepte, par l’ignorance, l’inculte et le profit.
Il crée encore le scandale en 1968, lors de manifestations estudiantines, en écrivant dans un poème se sentir plus proche des « CRS qui n’ont pas eu le choix, que les étudiants, fils à papa ». Pasolini fustige la télévision, tout comme la sacro-sainte société de consommation qu’il considère comme une nouvelle forme de fascisme. Il reprend toutefois son rôle de cinéaste en demandant à Maria Callas d’incarner « Médée » dans son film éponyme et vit des vacances d’amitié amoureuse avec la diva. Mythologie
Considérant ses premiers films comme récupérés par une société italienne consumériste, Pasolini délaisse ces œuvres qualifiées de « réalisme lyrique ». Elles se démarquent pourtant du réalisme poétique français, ou du néo-réalisme rossellinien, voire de la Nouvelle Vague qui lui est contemporaine et portent vraiment sa marque, unique. En réaction, le réalisateur se tourne vers des films plus ésotériques, métaphoriques et autour des mythes : « Œdipe roi » (1967) dans lequel il est également interprète, « Théorème » (1968), avec Terence Stamp et Sylvana Mangano, « Porcherie » (1969) avec Pierre Clémenti, Jean-Pierre Léaud, Ugo Tognazzi et Marco Ferreri ; enfin « Médée » (1969), le seul film interprété par Maria Callas. En 1970, il ne reste plus que cinq ans à Pasolini à vivre. Après « Médée », il tourne coup sur coup trois films qui constituent « la trilogie de la vie » : « Le Decameron » (1971), « Les Contes de Canterbury » (1972) et « Les Mille et une nuit » (1974). Trois films qui célèbrent le corps et le paganisme, mais que leur auteur reniera solennellement, en révolte contre l’illusion qu’est à ses yeux l’amour libre de la « parenthèse enchantée » des années 70. Il n’a alors de cesse de fustiger dans la presse tous les pouvoir en place en Italie et écrit un roman somme, « Pétrole » resté inachevé. « Salo »
Pasolini se lance alors dans l’expérience la plus radicale de sa carrière, en adaptant librement « Les 120 journées de Sodome » du Marquis de Sade, titre qu’il fait précéder de « Salo », nom de la république fasciste et fantoche de Salo (1943), ville italienne où les nazis installèrent Mussolini après l’avoir libéré. Là, dans une villa où se sont installés des notables, sont kidnappés des jeunes gens destinés à subir les pires exactions selon le « Cercle des passions », le « Cercle de la merde », et le « Cercle du sang ». Dans ce film ultime, aux images souvent insoutenables, Pasolini dénonce l’accaparation des corps, donc des esprits, par toute forme de pouvoir, le fascisme du film servant la parabole. « Salo » est un des films les plus difficiles à regarder, tant les humiliations sont féroces dans une progression vertigineuse, jusqu’à la dernière partie du film. Le plus sombre et désespéré de son réalisateur, sinon du cinéma, dans sa portée politique, pratiquement uniquement visuel, aux images traumatiques, aux dialogues parcellaires. Pier Paolo Pasolini ne pourra pas même assister à la Première de son ultime film, ayant été assassiné quelque jours avant sa sortie. Mystères
« Pasolini Roma » retrace ce parcours qui n’aura duré que 25 ans. Un quart de siècle, riche d’une production artistique et d’une pensée iconoclaste, poétique, plastique et cinématographique, au cours de laquelle il s’abjura plus d’une fois. Cinéaste, il réalisa quatorze longs métrages, sans compter ses courts-métrages et participations à plus d’un film à sketches, aux côtés de De Sica, Bolognini, Monicelli, Bellochio, Godard. Parmi ses films majeurs, certains restent au panthéon du septième art : « Mama Roma », « L’Evangile selon Saint-Matthieu », « Théorème » ou « Salo ».
Courte vie artistique donc, mais féconde, où Rome est essentielle, inspiratrice de ses premières œuvres livresques et cinématographiques qui le lancèrent dans les sphères artistique et intellectuelle. Rome, où il fit les rencontres décisives de sa vie. Mais Rome qu’il rejeta aussi comme lieu de pouvoir voué au veau d’or consumériste aux dépens de la pensée. Une vie également partagée entre jouissance et tragédie, par les nombreuses persécutions que Pasolini subit, jusqu’à son massacre dans une zone interlope d’Ostie. Comme s’il avait fini dans une aire semblable à celle où il était arrivé à Rome en 1950. La boucle n’est pas pour autant bouclée. Le mystère reste entier, autour de cette mort prématurée et atroce, mais aussi autour de l’homme, à la fois entier et contradictoire en le revendiquant haut et fort. Humain et intemporel, Pasolini a fait de sa vie une œuvre d’art, dérangeante, comme toute œuvre d'art se devrait de l’être. L'exposition est accompagnée d'une rétrospective intégrale de l'oeuvre de Pasolini à la Cinémathèque, d'un catalogue, et de nombreuses rééditions de ses films en salles et en DVD/Blu ray.
Pasolini Roma
Cinémathèque française
51, rue de Bercy, 75012 Paris
Tous les jours sauf le mardi de 12h à 19h, nocturne jusqu'à 22h le jeudi, dimanche de 10h à 20h
Créé par l’Université de Barcelone, « Pasolini Roma » reprend l’évocation d’un artiste à travers sa ville de prédilection, un angle qu’a déjà choisi l’institution avec des expositions telles que Joyce et Dublin ou Ginsberg à New York. Chronologique, l’exposition suit le parcours du cinéaste depuis son arrivée à Rome en 1950, jusqu’à sa mort en 1975, assassiné sur un terrain vague entre un stade de football et la plage d’Ostie. Pier Paolo Pasolini n’était pas romain. Né dans le Frioul, région du nord-est de l’Italie, il débarque avec sa mère à Rome en 1950, après avoir perdu son frère engagé dans la résistance antifasciste. Ils laissent derrière eux un père alcoolique qui les rejoindra plus tard. Ils habitent un quartier pauvre périphérique de la ville. Le couloir menant à la première salle de l’exposition évoque ce voyage par la reconstitution de deux fenêtres de wagon de train, par lesquelles défilent des photographies évoquant les origines et la jeunesse de Pasolini. Une très belle idée muséographique, qui reste un des principaux atouts de l’exposition. Il n’est pas facile d’évoquer Pasolini dans une exposition qui, par définition, donne à voir. Le réalisateur de « Mama Roma », du « Decameron » ou de « Salo » est effectivement avant tout un intellectuel, même s’il s’est projeté dans de nombreux films. « Pasolini Roma » tente d’exposer sur les cimaises ce cerveau si fécond. D’où la prépondérance de pièces manuscrites ou de tapuscrits, avec néanmoins des extraits de films, d’émissions de télévisions, de quelques toiles et dessins, comme des story-boards en marge des scénarios, ce que l’on n’attendait pas forcément de Pasolini, ainsi que de très nombreuses photographies. Romanesco
Arrivé à Rome, le futur cinéaste ne se destinait pas au septième art, mais à la littérature et à la peinture. Ce qui nous vaut de voir exposées quelques œuvres et les premières éditions de ses romans et recueils de poèmes, des manuscrits, lettres et scénarios. Fasciné par les jeunes garçons de la rue, Pasolini en tire son premier roman « Ragazzi di Vita », où il fait parler ses protagonistes en « romanesco », le dialecte des jeunes voyous et du sous-prolétariat des quartiers défavorisés. Ce qui fait scandale, tout en révélant le jeune écrivain au public. Suite à cette reconnaissance sulfureuse, Fellini et Bolognini font appel à lui pour écrire des scènes de leurs films en « romanesco » (« les Nuits de Cabiria », « La Dolce Vita », « Les Garçons »...) Ce début de notoriété lui permet de quitter son emploi de professeur de littérature, d’habiter un quartier plus central de Rome et d’acheter sa première voiture. C’est là qu’il rencontre Alberto Moravia et Elsa Morante, puis Laura Betti avec lesquels il restera lié toute sa vie. Introduit dans le milieu du cinéma, notamment par Fellini, Pasolini tourne à 39 ans des essais pour son premier film « Accattone » qu’il soumet au réalisateur de « La Dolce Vita ». Ce dernier n’est pas du tout convaincu de ses talents de cinéaste et lui déconseille de continuer sur cette voie. Sa rencontre avec le producteur Alfredo Bini lui redonne confiance et Pasolini se remet à tourner ce premier film, sorti en 1961, dont le titre n’est autre que le nom de son héros, un souteneur des faubourgs de Rome. Bini lui restera fidèle sur ses prochains films. La première partie de son œuvre cinématographique est consacrée à ces faubourgs qu’il connaît bien et ses habitants de la classe sous-prolétarienne. « Accattone » est suivi de « Mamma Roma » (1962) avec Anna Magnani et « La Ricotta » (1963), avec Laura Betti, Orson Welles (!) et Tomas Milan. Le film fait scandale et lui vaut un procès pour « blasphème », premier d’une longue série, Pasolini ayant été 33 fois poursuivi par la justice tout au long de sa vie. C’est au cours de cette période que le réalisateur fait la rencontre décisive avec un jeune apprenti menuisier, Ninetto Davoli, qui devient son compagnon durant neuf ans, son acteur fétiche et son ami pour la vie. Désenchantement
Installé dans un nouveau quartier résidentiel du sud de Rome, l’EUR, il décide de traverser l’Italie, équipé d’un nagra pour interviewer les Italiens sur la sexualité. Son enquête accouchera d’un documentaire, « Comizi d’Amore » (1964). D’idéologie marxiste et athée dans le pays le plus catholique d’Europe, Pier Paolo Pasolini tourne dans le sud de l’Italie, après des repérages en Palestine, le plus beau film sur le Christ, « L’Evangile selon Saint-Matthieu ». Il remporte le Prix spécial du jury et le Grand prix de l’office catholique à la Mostra de Venise en 1964. Le film est même projeté à Notre Dame de Paris, ville où le réalisateur rencontre Jean-Paul Sartre. Au milieu des années 60, Pasolini est pris de désenchantement. Convalescent durant un mois, il écrit six pièces de théâtre. En 1966, il réalise « Des oiseaux petits et grands » avec le comique en fin de carrière, très populaire en Italie, Toto, et son amant Ninetto Davoli. Une comédie amère, reflet de la vision d’une société qui a basculé dans l’inepte, par l’ignorance, l’inculte et le profit.
Il crée encore le scandale en 1968, lors de manifestations estudiantines, en écrivant dans un poème se sentir plus proche des « CRS qui n’ont pas eu le choix, que les étudiants, fils à papa ». Pasolini fustige la télévision, tout comme la sacro-sainte société de consommation qu’il considère comme une nouvelle forme de fascisme. Il reprend toutefois son rôle de cinéaste en demandant à Maria Callas d’incarner « Médée » dans son film éponyme et vit des vacances d’amitié amoureuse avec la diva. Mythologie
Considérant ses premiers films comme récupérés par une société italienne consumériste, Pasolini délaisse ces œuvres qualifiées de « réalisme lyrique ». Elles se démarquent pourtant du réalisme poétique français, ou du néo-réalisme rossellinien, voire de la Nouvelle Vague qui lui est contemporaine et portent vraiment sa marque, unique. En réaction, le réalisateur se tourne vers des films plus ésotériques, métaphoriques et autour des mythes : « Œdipe roi » (1967) dans lequel il est également interprète, « Théorème » (1968), avec Terence Stamp et Sylvana Mangano, « Porcherie » (1969) avec Pierre Clémenti, Jean-Pierre Léaud, Ugo Tognazzi et Marco Ferreri ; enfin « Médée » (1969), le seul film interprété par Maria Callas. En 1970, il ne reste plus que cinq ans à Pasolini à vivre. Après « Médée », il tourne coup sur coup trois films qui constituent « la trilogie de la vie » : « Le Decameron » (1971), « Les Contes de Canterbury » (1972) et « Les Mille et une nuit » (1974). Trois films qui célèbrent le corps et le paganisme, mais que leur auteur reniera solennellement, en révolte contre l’illusion qu’est à ses yeux l’amour libre de la « parenthèse enchantée » des années 70. Il n’a alors de cesse de fustiger dans la presse tous les pouvoir en place en Italie et écrit un roman somme, « Pétrole » resté inachevé. « Salo »
Pasolini se lance alors dans l’expérience la plus radicale de sa carrière, en adaptant librement « Les 120 journées de Sodome » du Marquis de Sade, titre qu’il fait précéder de « Salo », nom de la république fasciste et fantoche de Salo (1943), ville italienne où les nazis installèrent Mussolini après l’avoir libéré. Là, dans une villa où se sont installés des notables, sont kidnappés des jeunes gens destinés à subir les pires exactions selon le « Cercle des passions », le « Cercle de la merde », et le « Cercle du sang ». Dans ce film ultime, aux images souvent insoutenables, Pasolini dénonce l’accaparation des corps, donc des esprits, par toute forme de pouvoir, le fascisme du film servant la parabole. « Salo » est un des films les plus difficiles à regarder, tant les humiliations sont féroces dans une progression vertigineuse, jusqu’à la dernière partie du film. Le plus sombre et désespéré de son réalisateur, sinon du cinéma, dans sa portée politique, pratiquement uniquement visuel, aux images traumatiques, aux dialogues parcellaires. Pier Paolo Pasolini ne pourra pas même assister à la Première de son ultime film, ayant été assassiné quelque jours avant sa sortie. Mystères
« Pasolini Roma » retrace ce parcours qui n’aura duré que 25 ans. Un quart de siècle, riche d’une production artistique et d’une pensée iconoclaste, poétique, plastique et cinématographique, au cours de laquelle il s’abjura plus d’une fois. Cinéaste, il réalisa quatorze longs métrages, sans compter ses courts-métrages et participations à plus d’un film à sketches, aux côtés de De Sica, Bolognini, Monicelli, Bellochio, Godard. Parmi ses films majeurs, certains restent au panthéon du septième art : « Mama Roma », « L’Evangile selon Saint-Matthieu », « Théorème » ou « Salo ».
Courte vie artistique donc, mais féconde, où Rome est essentielle, inspiratrice de ses premières œuvres livresques et cinématographiques qui le lancèrent dans les sphères artistique et intellectuelle. Rome, où il fit les rencontres décisives de sa vie. Mais Rome qu’il rejeta aussi comme lieu de pouvoir voué au veau d’or consumériste aux dépens de la pensée. Une vie également partagée entre jouissance et tragédie, par les nombreuses persécutions que Pasolini subit, jusqu’à son massacre dans une zone interlope d’Ostie. Comme s’il avait fini dans une aire semblable à celle où il était arrivé à Rome en 1950. La boucle n’est pas pour autant bouclée. Le mystère reste entier, autour de cette mort prématurée et atroce, mais aussi autour de l’homme, à la fois entier et contradictoire en le revendiquant haut et fort. Humain et intemporel, Pasolini a fait de sa vie une œuvre d’art, dérangeante, comme toute œuvre d'art se devrait de l’être. L'exposition est accompagnée d'une rétrospective intégrale de l'oeuvre de Pasolini à la Cinémathèque, d'un catalogue, et de nombreuses rééditions de ses films en salles et en DVD/Blu ray.
Pasolini Roma
Cinémathèque française
51, rue de Bercy, 75012 Paris
Tous les jours sauf le mardi de 12h à 19h, nocturne jusqu'à 22h le jeudi, dimanche de 10h à 20h
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