Pour Agnès Jaoui, il n'y pas assez de femmes célébrées aux César et à Cannes
Dans "Place publique", en salles mercredi, avec le fameux duo des comédies cultes "Cuisine et dépendances" et "Un air de famille", raconte l'histoire de Castro (Jean-Pierre Bacri), animateur télé vedette sur le déclin, qui se rend près de Paris à la pendaison de crémaillère de sa productrice Nathalie (Léa Drucker).
Il y croise une galerie de personnages - des voisins, des amis, une star de Youtube -, et y retrouve son ex-femme Hélène (Agnès Jaoui), soeur de Nathalie, restée fidèle aux idéaux de gauche de sa jeunesse, quand lui est devenu cynique avec le succès.
Cette comédie chorale, qui se déroule entièrement pendant cette fête - une coïncidence alors que Jean-Pierre Bacri s'est illustré l'an dernier dans "Le Sens de la fête" -, aborde, avec un humour souvent moins corrosif qu'à leurs débuts, certains de leurs sujets de prédilection, comme la célébrité, l'élitisme, la lutte des classes ou les désillusions.
Réfléchir sur la célébrité
"La célébrité, c'est un thème qui nous intéresse depuis le début, depuis 'Cuisine et dépendances'", leur première pièce, où il était question d'un écrivain à succès, explique Agnès Jaoui dans un entretien à l'AFP."Avec les nouvelles technologies, on a l'impression que tout le monde y a accès, qu'il y a une démocratisation de la célébrité", ajoute l'actrice et réalisatrice, qui dit aussi avoir eu envie de "parler du temps qui passe et de s'en amuser, ou en tout cas de réfléchir dessus".
Vingt-cinq ans après leur première collaboration, les "Jabac" comme les surnommait Alain Resnais, qui signent leur neuvième scénario commun, continuent de travailler de la même façon, raconte-t-elle. "On se voit toujours de 15h à 19h avec nos cahiers et nos stylos", dit-elle. "On joue ensemble, on se joue tous les dialogues bien sûr."
Associée à un homme, Jaoui se dit peu victime du sexisme
Du fait de ce tandem qu'elle forme dans le travail avec son ex-compagnon, la réalisatrice engagée de 53 ans se dit peu victime du sexisme dans le cinéma. "Je suis associée à un homme, donc ma position est complètement différente", dit-elle.Cependant, "je vis dans un monde dominé par les hommes, donc il y a plein d'endroits où ça se manifeste, mais c'est beaucoup plus insidieux que si on était dans un pays musulman", ajoute-t-elle. "C'est un peu comme le foot féminin. On a le droit de jouer mais ça ne va pas être médiatisé, ça ne va pas être très important."
La réalisatrice a signé en mars avec une centaine de professionnels du cinéma une tribune pour demander des quotas dans le financement des films. Tout comme dans "les comités de sélection, les jurys", une "solution" pour progresser vers la parité, selon elle. "Au départ, j'étais complètement contre", explique-t-elle. "Mais j'ai changé de point de vue."
Pas assez de femmes nommées et récompensées
Détentrice de six récompenses aux César, un record pour une femme, l'actrice, scénariste et réalisatrice estime aussi qu'il n'y a pas assez de femmes nommées et récompensées aux César ni à Cannes.Aux César, "chaque année c'est n'importe quoi", lance-t-elle. "Je ne comprends pas pourquoi tant de réalisateurs sont nommés et très peu de réalisatrices", déplore-t-elle. "C'est un vrai réflexe, ce n'est même pas réfléchi."
Quant au Festival de Cannes, où elle a été membre du jury l'an dernier, "il n'y a pas assez de femmes qui y sont célébrées", dit-elle. "Et les rôles des femmes dans les films que j'ai vus étaient généralement très peu intéressants, peu développés."
"J'ai eu la sensation même que le cinéma, ce grand cinéma d'auteur en général était en retard par rapport à la société, et même par rapport à la télévision", ajoute-t-elle.
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